Digital ou Numérique?
“Numérique”, “Digital”, “Digitalisation” ou encore “Transformation Numérique”. Vous avez certainement vu passer ces termes devant vous. Ils sont aujourd’hui sur les lèvres de toutes les personnes et sont employés de plus en plus dans tous les sens sans même savoir parfois de quoi on parle. Si certains s’accordent à dire qu’ils sont synonymes, d’autres rattachent la différence à l’usage. Mais qu’est-ce que cela veut dire au juste ? et de quoi s’agit-il exactement?
Le digital, une ambiguïté linguistique bien française
Commençons par un terme qui laisse perplexe et qui fait souvent débat. Le “digital” est un mot anglais qui est synonyme au mot “numérique” en français. Toutefois, les puristes vous diront que le digital est différent du numérique d’un point de vue linguistique. Le mot “digital” est certes directement inspiré de l'anglais, mais fait référence, si on le traduit en français, à tout ce qui se rapporte aux doigts. Il vient du latin “digitalis”, “qui a l’épaisseur d’un doigt”, lui-même dérivé de “digitus”, qui signifie le “doigt”.
Dans les usages, les deux termes sont utilisés sans une grande distinction. Cela vient essentiellement du fait de passer souvent de l’anglais au français et vice versa, surtout avec le vocabulaire anglo-saxon qui s’installe de plus en plus dans toutes les langues et envahit aisément la sphère lexicale dans différents domaines, notamment celui des technologies de l'information et de la communication (TIC).
En Mars 2021, la commission d'enrichissement de la langue française a indiqué que le terme “Digital” n’est plus utilisé d’une manière officielle et sa traduction exacte en français est “Numérique”. Toutefois, plusieurs dictionnaires français font le rapprochement et considèrent les deux termes comme synonymes.
Peut-on se mettre d’accord sur une définition du numérique?
Le terme “numérique” vient du latin “numerus” et signifie une “numérotation”. Mais en pratique, on a pris l'habitude de l’associer aux données informatiques.
Si on remonte un peu dans l’histoire, et plus particulièrement aux années 1950, bien avant les ordinateurs personnels, il y avait des machines connues sous le nom de calculateurs analogiques. Ces calculateurs qui ont bénéficié de la technologie des transistors, utilisent les propriétés de l'électricité pour remplacer les caractéristiques des précédents modèles d’ordinateurs.
À l’inverse, les calculateurs numériques qui sont apparus après les calculateurs analogiques, sont des outils de calcul universel, dotés d’une grande capacité de mémoire et utilisent l'électricité pour créer un code binaire qui prend la forme d’une suite de 0 et de 1, c'est-à-dire un signal à deux amplitudes au lieu d’une infinité en analogique.
Le numérique s'oppose alors à l’analogique. En effet, l’analogique a vu le jour avec le début de l'électricité alors que le numérique est né avec l’ère de l’informatique et des télécommunications.
L’analogique et le numérique permettent de transmettre et de stocker tous types d’informations ou de signaux (vidéo, texte, image, audio). La conversion d'un signal analogique en signal numérique est appelée numérisation, et comporte deux opérations: l'échantillonnage et la quantification. Brièvement et sans rentrer dans les détails, l'échantillonnage consiste à prélever périodiquement des échantillons à intervalle de temps réguliers et la quantification consiste à attribuer une valeur binaire à chaque échantillon prélevé.
La numérisation permet alors de représenter n’importe quelle information analogique ou physique en deux options possibles, 0 et 1, comme si, au lieu de 10 doigts, nous n’en avions que 2.
Convertir l'information en numérique était une avancée majeure. Mais il serait injuste de parler du numérique sans citer celui qui était derrière cette avancée technologique!
Le père du numérique
Avec une définition de l’information réduite permettant deux situations (0/1, ouvert/fermé), le mathématicien et l’ingénieur américain Claude Shannon inventa en 1948 la notion du “bit”, un chiffre binaire qui constitue l’unité de base de l’informatique.
Claude Shannon est sans doute l’un des responsables essentiels de la révolution numérique, et le premier à introduire le concept moderne de l’information. Ses travaux ont initié une avancée numérique importante que le monde traverse aujourd’hui à tous les niveaux. Sans lui, nous n'aurions pas été capables de passer des appels sur nos téléphones portables ou encore de télécharger et d'échanger des documents sur internet. WhatsApp et LinkedIn ne feraient pas partie de notre quotidien, et nos réunions ne pourraient pas être tenues à distance.
Malgré cette omniprésence, Claude Shannon reste méconnu du grand public. Contrairement au précurseur de l’intelligence artificielle Alan Turing, aucun film ne lui a été consacré. Pourtant, si la révolution numérique que nous vivons aujourd’hui devait avoir un père, ce serait certainement cet homme.
Mais si le numérique existait déjà depuis très longtemps, pourquoi parle t-on alors aujourd'hui du numérique comme si c'était quelque chose de complètement nouveau?
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De la révolution numérique à la transformation numérique
A chaque siècle sa révolution. Après la première révolution industrielle qui est apparue avec l’invention de la machine à vapeur et la deuxième révolution industrielle qui a été particulièrement associée à la découverte de l'électricité, la quatrième révolution industrielle est venue compléter la troisième révolution industrielle qui a démarré avec le développement des technologies numériques tout en rendant partiellement ces technologies autonomes grâce à l'exploitation efficace des données par les méthodes d'apprentissage automatique.
Comme on l’a présenté précédemment, la révolution numérique est principalement liée à la troisième révolution industrielle. Néanmoins, plusieurs articles et références intègrent le digital dans la quatrième révolution industrielle. C’est le cas de Wikipédia par exemple qui associe le terme “révolution numérique” en anglais “Digital Revolution” à la troisième révolution industrielle tandis que le même terme sur Wikipédia en français est étendu jusqu’à la quatrième révolution industrielle.
Pour faire simple, les outils numériques existaient déjà depuis le siècle dernier. Par exemple, le premier ordinateur électronique dans l’histoire fut construit en 1946. De même, l’email a fait sa première apparition en 1965 et le premier appel passé d'un téléphone portable en 1983, etc.
Toutes ces avancées technologiques et bien d'autres ont participé à une révolution numérique qui a commencé au siècle dernier et continue à conduire aujourd'hui à une “Transformation Numérique” des entreprises, des organisations ou encore des sociétés.
Mais la Transformation Numérique, c’est quoi exactement?
Jusqu’ici, on se réfère au numérique pour parler des technologies. Mais le digital est généralement employé dans un sens encore plus vaste, pour désigner la façon dont on se sert de ces outils technologiques afin d’améliorer les pratiques des usagers.
A l’origine, “Numérisation” et “Digitalisation” signifiaient la même chose. Mais ces deux termes ont légèrement évolué et divergé. La digitalisation désigne désormais la mise en place des processus technologiques dans le quotidien des organisations tandis que la numérisation a gardé sa définition originale pour désigner la conversion de l’information analogique en données numériques. On parle alors de la digitalisation des organisations mais rarement de la numérisation de ces dernières.
Dans la pratique et le vocabulaire courant, la transformation numérique est un champ beaucoup plus large que la digitalisation et est très souvent employée pour parler du processus technologique lié à la transformation des organisations ou encore d’une nouvelle manière de travail au sein des sociétés. Elle vise à apporter un changement profond au sein des organisations au point d'en repenser leurs business models. Elle s’accompagne principalement d’une prise de conscience collective qui se présente sous forme d’une forte conduite de changement associée à un nouveau style de management, une gestion efficace des ressources matérielles ainsi qu’une meilleure gouvernance de données.
Afin d'affaiblir un peu ces changements brusques et soudains qui apparaissent généralement dans les organisations prometteuses d'innovations disruptives et inclure aussi les autres types d'organisations, on utilise parfois aujourd'hui le terme “Transition”. Ce terme est généralement employé lorsqu'il y a un passage lent et graduel d’un état à un autre. En d'autres termes, la transition numérique n'est qu'une étape intermédiaire fluide et agile dans le processus global de la transformation numérique qui vise un changement radical au sein des organisations et permet ainsi une révolution profonde au point d’en changer même la culture de l'organisation.
Pour faire simple, retenons quelques définitions
Commençons par le terme qui a gardé une définition stable dans le temps. La numérisation est le processus de transformation des données analogiques ou physiques dans un format numérique.
D'un autre côté, la transition numérique consiste à rendre les procédés existants dans une organisation plus efficace, grâce à l’intégration des technologies numériques dans le monde de travail. C’est donc une modification des méthodes de travail utilisées en vue d’augmenter la productivité et la performance des organisations sans modification majeure de leurs business models.
Enfin, la transformation numérique s’apparente à une version plus poussée de la transition numérique, qui permet aux organisations de s’adapter et de se développer en mettant en place de nouveaux procédés. Elle révolutionne les habitudes professionnelles et installe un nouveau business model, une nouvelle culture de travail et des stratégies davantage axées performance.
Pour résumer, on peut dire que la transformation numérique est la conséquence de la transition numérique qui émane elle-même de la numérisation.
Alors digital ou numérique ?
Loin du purisme, le numérique se prête à la technologie tandis que le digital se réfère à son usage. Quand on les ajoute après un autre terme, ils deviennent souvent synonymes. C’est le cas de la “transformation numérique” et la “transformation digitale” qui sont équivalentes ou encore la “transition numérique” et la “transition digitale” qui veulent dire la même chose.
Bref, les deux termes peuvent être utilisés sans aucune raison de préférer l’un ou l’autre. Il faut juste savoir les adapter correctement selon le contexte ou tout simplement en fonction de l'interlocuteur qui est en face de vous.
Après tout, le plus important n’est pas seulement de savoir le terme qu’il faut utiliser mais plutôt de prendre conscience des enjeux que les technologies et leurs usages ont entraînées au niveau économique et social ainsi que l’impact qu’ils vont avoir sur l’avenir de l’humanité.
Professeur et formateur de français à l'IFM de Casablanca +encadrant à l'école Gaya. Ecrivain, poète ...
2 ansC'est génial cher ami Si Mohamed Khalil. Merci infiniment,
Développeur Web Junior
2 ansTrès bon article. Je vous remercie pour l'avoir partagé
Task Manager Gender Unit, Gender and Youth Department-at UCLG Africa
2 ansBonjour, Réflexion pertinente. Très bon article. Je vous remercie pour l'avoir partagé avec moi. Excellente journée à toutes et à tous...
Senior Data Analyst Freelance | Expert en Data Warehousing, Power BI, MS Fabric, MS Excel et SQL | Certifié Power BI Data Analyst Associate et EXIN Agile Scrum Foundation ( ASF )
2 ansMerci pour cet article
C'est vrai il y a une subtilité, numérique = c'est plus la technologie alors que le digital = usage. Bravo ssi Mohammed Khalil pour la contribution.