Dirigeants : L’éthique amoindrit votre performance !
Dans les années 2010/2015 trois chercheurs américains, Robert H. Davidson† de Virginia Polytechnic Institute and State , University, Aiyesha Dey de Harvard Business School et Abbie Smith de University of Chicago Booth School of Business ont beaucoup travaillé ,et publié, sur les corrélations entre l’éthique des dirigeants et les performances de leur entreprise.
Ils ont délibérément pris en compte l’éthique personnelle des dirigeants et non pas l’éthique professionnelle. Et ils définissent l’éthique personnelle à travers deux axes :
- Les infractions « civiles » commises par les dirigeants, allant de simples infractions au stationnement, des excès de vitesse, jusqu’à des infractions beaucoup plus graves (violences familiales ou sexuelles…)
- Le style de vie des dirigeants, qu’ils classent en deux catégories
o Les dirigeants frugaux, c’est-à-dire n’exhibant pas de signes extérieurs de réussite
o Les dirigeants matérialistes, n’hésitant pas à communiquer sur des acquisitions de propriétés, d’articles de luxes ou de futilité hors de prix
Sur un échantillon statistiquement représentatif (plus de 1000 dirigeants), les chercheurs ont ensuite corrélé les performances économiques des entreprises de ces dirigeants (et notamment l’octroi de stock options ou de dividendes) , avec les dossiers juridiques auxquels ils étaient confrontés (ces informations sont accessibles aux USA). Ils ont aussi corrélé l’ensemble avec la propension des dirigeants à prendre des risques jugés trop élevés.
Et les conclusions de leurs études sont surprenantes ….
Les chercheurs ont ainsi pu déterminer que les dirigeants ayant commis des infractions par le passé ont retiré des profits plus élevés que les dirigeants « propres » lors de la revente d’actions de leur entreprise, et que les gains augmentaient en fonction de la gravité de l’infraction !
Ils ont aussi calculé qu’un CEO ayant commis une infraction (18% des CEO) était deux fois plus susceptible d’être impliqué dans une affaire de fraude, et que dans ce cas, il y avait 7 fois plus de chances qu’il soit lui-même un des auteurs de la fraude.
Enfin, ils ont établi une corrélation entre cinq paramètres : le matérialisme, la tendance à ne pas respecter les règles dans le « civil », des opérations boursières suspectes, des états financiers erronés et une prise de risque excessive.
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Les mécanismes internes de contrôle, mis en place après certains scandales financiers retentissants, notamment par la SEC, semblent avoir un effet dissuasif sur les CEO qui ont commis de légères infractions mais pas sur les autres.
Toutes ces études démontrent donc une grande perméabilité entre l’éthique personnelle et professionnelle. C’est une intuition que l’on pourrait avoir, et que la recherche confirme. On a coutume de dire que la notion de risque est financièrement inséparable de l’espérance, et la matérialisation, des gains et lorsqu’on commet une infraction, on prend un risque. Les deux notions semblent bien liées.
Il apparait aussi que les dirigeants qui sont du côté obscur ont tendance à mettre en place des systèmes « d’incentives » qui vont favoriser au sein de leurs équipes, et notamment parmi ceux qui traitent les chiffres, des comportements délictueux tels que la manipulation, l’omission ou la transformation des données.
Comme je le rappelais, l’ensemble des travaux a été mené dans les années 2010, et le monde a grandement évolué depuis :
- Depuis Enron et les dispositions Sarbanes-Oxley de 2002, les mécanismes réglementaires se sont rigidifiés
- La « data » donne aux organismes de contrôle (dont les commissaires aux comptes) des capacités d’analyse accrues et permet d’identifier plus rapidement et plus surement des comportements délictueux
- Les réseaux sociaux mettent à mal la vie privée des CEO, qui sont relativement facilement observés dans l’usage qu’ils font de leur argent, et leur attitude en général (dépenses, empreinte carbone…)
- Les entreprises ne valent que par les collaborateurs qui y travaillent, et les plus jeunes générations sont extrêmement sensibles à l’éthique de leurs dirigeants, que ce soit sur le plan entreprise ou privé (c’est même un de leurs critères de choix). Et donc l’entreprise pourrait se voir privée de ses meilleurs éléments (ou de sa capacité à les attirer) si la conduite du dirigeant laisse à désirer .
Vous trouverez ci-dessous un lien vers un des articles de recherche pour ceux qui voudraient plonger dans la méthode et le processus d’analyse :
Directrice De Division chez Invicta
1 ansTrès intéressant !
Deputy Managing Director
1 ansTrès pertinent
Executive Director. Énergie solaire - Développement durable. Finistère. Puy de dôme.
1 ansHervé Kouamouo Anne-Lyse Bougha