La haine !

Après avoir refermé la porte de son bureau, Gérard s’était approché de la fenêtre pour tenter d’apercevoir les premiers bourgeons du printemps qui pointillaient de vert les marronniers du parc. A 50 ans, il pensait avoir tout vu du management mais il devait bien avouer qu’il n’avait jamais rencontré une telle situation.

Il ne s’était rendu compte de rien !

Ce sont les appels téléphoniques de trois clients de la zone « Nordics » qui avaient révélé le pot aux roses : les deux membres de l’équipe en charge des pays nordiques, Christine et Philippe, s’écharpaient régulièrement devant les clients ! Pire, Christine et Philippe agissaient en coulisse pour torpiller les initiatives de l’autre et faire en sorte de récolter les lauriers d’un éventuel succès. Si l’une disait blanc, l’autre disait noir, systématiquement. Gérard comprenait maintenant pourquoi depuis un an, c'est à dire depuis que ces deux là travaillaient ensemble dans son service, l’entreprise avait perdu deux contrats sur la zone .

Le service avait pour mission de suivre les contrats clients en après-vente, et, si possible, de vendre des services additionnels.

A 42 ans, Christine était dans l'entreprise depuis 3 ans, et l'avait rejointe comme commerciale sédentaire. Elle n'avait pas brillé dans ses fonctions et ses résultats n'étaient pas à la hauteur des attentes de la direction commerciale. On lui avait donc proposé une mutation à l'après-vente où , pensait on, elle serait moins stressée par les objectifs et le chiffre.

Philippe venait de fêter ses 25 ans de boite. Ingénieur informaticien, il avait fait toute sa carrière au département "production" , travaillant sur l'infrastructure technique et l'environnement système et réseaux de l'entreprise. Depuis 5 ans, il s'était laissé distancer en termes de compétences et n'avait pas totalement pris le virage du cloud computing, des nouveaux langages, et des applications en mode SaaS. Et quand on mentionnait la Data et l'IA, il en avait le vertige. C'est sans surprise qu'il avait accueilli l'annonce par son patron de sa mutation à l'après-vente "c'est pour ton bien, tu verras, tu me remercieras".

Gérard les avait rapidement convoqués pour une réunion d’explication, comptant sur leur professionnalisme et sa propre capacité à apaiser les tensions (on le surnommait affectueusement « nounours »). Il avait décidé d'aborder le sujet uniquement sur le registre professionnel, l’application des procédures et des processus de l’entreprise. « La raison va bien finir par l’emporter » s’était-il dit.

Mais rien ne s’était passé comme prévu. Le ton est rapidement monté, chacun accusant l’autre d’être responsable de la situation, puis des invectives ont été lancées, et avant que les insultes personnelles ne fusent, Gérard avait arrêté la réunion pour prendre le temps de la réflexion. Jamais dans sa carrière il n’avait vu une telle haine entre deux personnes. Des désaccords, oui, des mésententes, certainement. Mais la charge foudroyante de leurs regards croisés l’avait mis extrêmement mal à l’aise.

La première mesure qu’il avait prise était d’en éloigner un, Philippe, en lui demandant de renforcer temporairement l’équipe Afrique. Il avait bien remarqué des moues et les regards au ciel quand l’un ou l’autre prenait la parole pendant la réunion de service, mais au moins, il ne se battaient plus. Néanmoins, la situation n’était pas pérenne, Philippe parlait le suédois, et pas le wolof...

Le DRH lui avait dit : « On peut leur envoyer un avertissement, et si ça ne marche pas, on les vire ? ». Entre la procédure et le recrutement, Gérard allait planter son année, et, surtout, il voulait tout faire pour résoudre cette situation difficile pour tous. Il la prenait comme un défi personnel face à des comportements qu’il ne comprenait pas.

Que pourriez suggérer à "Nounours" d'entreprendre pour tenter d'apaiser la situation ?

Et vous, avez-vous déjà été confronté a une telle situation de haine entre deux personnes en entreprise ?