Discours de Laurent Silvestri, Président du Club des Dirigeants Réseaux & Télécoms au Sénat le 19 décembre 2019
Madame la Présidente de la Délégation Sénatoriale aux Entreprises, Monsieur le Président du groupe Numérique du Sénat, Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs,
Je tiens avant tout à vous remercier pour votre accueil et pour le temps de parole que vous m’accordez pour nous adresser ensemble aux médias présents, que je remercie aussi. Je remercie aussi Bruno David, directeur général de Foliateam, David Brette, directeur associé de Sewan, Damien Watine, président de Unyc et Jean Michel Texier, président du groupe Convergence pour leur présence à mes côtés.
Le moment est crucial. La Délégation Sénatoriale aux Entreprises le sait et l’écosystème numérique apprécie votre attention aiguisée à la digitalisation des entreprises.
Je suis Laurent Silvestri, président du CDRT, le Club des Dirigeants Réseaux et Télécoms. Nous sommes une association rassemblant 200 dirigeants représentatifs des télécoms d’entreprises et de l’écosystème numérique français. Des éditeurs, des équipementiers mais surtout des intégrateurs et opérateurs de services numériques. Nous ne sommes pas une fédération, ni un syndicat mais un club d’entrepreneurs favorisant le développement de nos adhérents en leur apportant un éclairage sur l’évolution de leurs métiers.
Depuis de nombreuses années, le numérique prend une place de plus en plus importante dans notre quotidien. Il en est de même pour les entreprises. Au-delà des services télécoms, les services numériques et les innovations associés apportent une réelle valeur ajoutée.
Partout en Europe, les offres se sont enrichies pour faciliter la transformation numérique des entreprises. L’internet est vendu avec les solutions de sécurisation des réseaux et de protection des données. Les services fixes et mobiles sont enrichis d’applications de communication alliant audio, vidéo et tchat pour améliorer la collaboration entre les équipes et faciliter la mobilité ou encore le télétravail. L’internet et le cloud permettent aux entreprises d’accéder à de nouveaux marchés de se digitaliser et d’être plus compétitives.
En France, les fournisseurs de ces services forment l’écosystème numérique.
Issu de la convergence des métiers des réseaux, des télécoms et de l’informatique, l’écosystème numérique s’est organisé durant les dix dernières années pour accompagner le développement de l’économie numérique. Plus agiles que les opérateurs historiques, l’écosystème numérique accélère. Nous estimons qu’il est constitué d’environ 1500 opérateurs de proximité, répartis sur l’ensemble du territoire.
Ils se développent, investissent, innovent et apportent aux entreprises les services et l’accompagnement nécessaire à la réussite de leur digitalisation. Mais surtout, ils leurs apportent de la proximité, le dernier kilomètre. Une vraie relation de confiance, sans doute plus importante qu’avec de grands acteurs nationaux.
Ces nouveaux opérateurs sont une véritable source d’innovation et de compétitivité pour nos territoires et leurs entreprises. Selon les estimations du CDRT, ils réalisent conjointement un chiffre d’affaires supérieur à un milliard et demi d’euros. Ils emploient plusieurs dizaines de milliers de salariés et ne cessent de croitre et recruter.
A l’instar de l’artisanat, premier employeur de France, l’écosystème numérique est le troisième opérateur de détail des télécoms d’entreprises.
Orange, SFR et les réseaux d’initiative publiques, les RIP, développent les infrastructures haut débit de notre pays. Le troisième opérateur les enrichit de services numériques. Son rôle est primordial dans l’économie française, primordial pour la compétitivité de nos territoires et de nos entreprises.
Les entreprises ont besoin d’un Internet haut débit fixe et mobile de qualité. Nous en avons tous conscience. C’est pourquoi, il est important de favoriser les investissements des opérateurs dans ce sens. Depuis 2015, le déploiement de la fibre optique s’accélère, favorisé par le plan très haut débit, lancé par le gouvernement.
Orange, SFR, et une multitude de plus petits opérateurs, investissent massivement sur la zone privée au même titre que les RIP sur la zone publique.
Le réseau fibre dédiée aux entreprises apporte une belle densité. Mais ses prix sont et resterons trop élevés pour répondre aux petites et moyennes entreprises. Le budget Internet d’une PME est de l’ordre de 100 euros par mois, là où une fibre dédiée est 3 ou 4 fois plus chère dans le meilleur des cas.
Le déploiement de la fibre mutualisée - le fameux FTTH - est donc critique pour les trois millions de TPE et PME françaises. Orange et SFR ont une avance incroyable dans le déploiement, notamment parce qu’ils ont la responsabilité du réseau du grand public. Celui des box que nous avons tous à la maison.
Depuis trop longtemps, les opérateurs alternatifs demandent un accès au réseau FTTH.
- Bien qu’en position dominante sur le marché, Orange n’a toujours pas ouvert l’offre à ses clients opérateurs.
- De son coté, SFR propose une offre, certes. Mais son tarif pour les opérateurs est bien trop élevé, ne laissant que quelques euros de marge. Sans parler de la qualité des services, très en dessous de celle des RIP.
- Seuls les réseaux d’initiative publique semblent respecter une concurrence loyale.
Après plusieurs années de préparation, soutenu par l’ARCEP, la BPI et Caisse de dépôts, Kosc Telecom, le RIP de la zone privé, arrive sur le marché et apporte enfin à l’écosystème l’offre tant attendue.
Kosc incarne un modèle d’opérateur de gros neutre, hautement préconisé par un rapport récent de l’OCDE pour favoriser une concurrence loyale.
L’offre Kosc donne de l’air à l’écosystème numérique. Depuis, la croissance est très forte et elle entraine tout l’écosystème.
A croire que cela n’a pas plu à certains. Malgré la croissance, les conflits et procédures ont ralenti le développement, refroidi les actionnaires, et entrainé trop rapidement Kosc au dépôt de bilan.
Alors oui, vous vous en doutez, aujourd’hui tout l’écosystème attend qu’un repreneur se positionne pour redonner vie à l’entreprise et nous l’espérons au modèle d’opérateur de gros neutre.
Maintenant, quelles sont les conséquences de la situation de Kosc ?
Bien que soutenant Kosc au quotidien, ses clients s’inquiètent. Et si Kosc ne trouvait pas de repreneur ? Plus de 65000 entreprises seraient coupés d’internet. Doit-on anticiper une coupure pour protéger nos clients ou doit-on attendre et espérer comme l’ARCEP, qu’un repreneur se positionne ?
Les actions de la Caisse de dépôts ou encore de l’autorité de la concurrence, semble montrer qu’ils ne croient pas au modèle Kosc, à un opérateur de gros neutre et donc à la libre concurrence.
Alors oui, l’écosystème est en panique. Aucun plan de repli n’existe pour exploiter le réseau FTTH Orange. Le pire peut arriver pour les clients mais aussi pour toutes les entreprises encore en attente de transformation numérique.
Qu’attendons-nous ?
En tant que président du CDRT, et représentant de l’écosystème numérique, j’appelle l’Etat à soutenir ses PME, j’appelle l’Etat, l’ARCEP et l’ADLC à organiser la concurrence loyale et arrêter de soutenir exclusivement le duopole Orange/SFR.
Le modèle Kosc est bon et nous espérons qu’un repreneur, suffisamment solide, nous permettra de poursuivre la digitalisation des entreprises que nous avons commencé.
Mais nous voulons aussi et surtout des garanties et une régulation plus juste :
- Un plan B en cas de disparition de Kosc
- Une ou plusieurs offres de gros sur les principaux réseaux Fibre déployés.
- Des contraintes et du contrôle sur la qualité des offres fournit par les opérateurs d’infrastructures.
- Nous demandons aussi une étude attentive de l’impact de l’achat de Covage par Altice. Après avoir financé le réseau avec des aides publiques, pourquoi le revendre à SFR, et recréer ainsi un duopole sur les infrastructures ?
Les événements des derniers mois inquiètent l’écosystème numérique. Nous souhaitons que l’Etat prenne la mesure des actions nécessaires pour soutenir la compétitivité des PME. Que la transformation numérique des entreprises devienne une réelle priorité. Et pour cela, que les entreprises puissent se procurer l’Internet dont elles ont besoin, auprès de l’opérateur qu’elles auront librement choisi.
Alors oui. La transformation numérique et la compétitivité des entreprises est en danger ! Et oui, tout se joue maintenant !
Madame la Présidente de la Délégation sénatoriale aux entreprises, Monsieur le Président du groupe Numérique du Sénat, Mesdames les sénatrices, Messieurs les sénateurs,
Je vous remercie de votre écoute et j’espère vivement que mes propos contribueront à faire évoluer la position des pouvoirs publics à l’égard de cette situation. La digitalisation des entreprises n’est pas une alternative mais une priorité. Que la régulation favorise, comme elle le doit, une concurrence équitable sur le marché des télécoms et quelle permette enfin à nos entreprises de profiter de l’économie numérique.
Encore une fois, merci.
CEO
5 ans100% oui
(Craz|Nerd|Tech).Y-boY
5 ansTotalement d’accord
Strategic Brand Manager / business développer UC 3.0
5 ansMerci Laurent SILVESTRI pour tout ce que tu fais pour nôtres secteur d activité qui est en pleine mutation.
Je rappelle qu'Orange ex France Telecom a été "sponsorisé" par l'ensemble des contribuables français jusqu'àu début des années 2000. A ce titre , Orange est redevable de favoriser une concurrence loyale en donnant accès à son réseau fibre FTTH.
Supprime le bruit de vos communications pour des échanges utiles et économiques dans le monde entier 😁
5 ansMême lorsque enfin l'état s'implique pour ré-équilibrer les forces en présence, il ne parvient pas Ni à tenir tête aux 3 acteurs dominants et principalement à Orange .Pourtant l'autorité de régulation semble faire ce qu'elle peut pour que notre domaine d'activité ne soit pas tout à fait la jungle. Il me semble que l'ouverture à la concurrence des télécoms est un échec ; 20 ans plus tard qui reste -t-il des 1000 demandes de licences déposées par les acteurs déclarés en 1998? D'un monopole on est en situation d'oligopole ; la belle affaire Et c'est en fait France Télécom qui a beau se faire appeler Orange, qui capte la plus grande partie des profits. Et les 2 autres acteurs dominants usent à peu près des mêmes méthodes commerciales qui font qu'il vaut mieux éviter de dire qu'on est opérateur pour ne pas se faire traiter de voleurs. Il ne reste que quelques miettes au acteurs alternatifs Je n'ai jamais compris que le réseau "France Télécom" n'ai pas été nationalisé pour confier à des acteurs 'de services la commercialisation et la mise à disposition de services à valeur ajoutée Quelqu'un peut m'expliquer ou donner son avis ?