Droit de la famille : contribution de prise en charge et enfants de lits différents
Commentaire de Me Vladimir Chautems de l’arrêt rendu le 21 mars 2024 par le Tribunal fédéral (5A_565/2023) en matière de droit de la famille. Notre Haute Cour s’est penchée sur la répartition de la contribution de prise en charge entre enfants nés d’unions différentes.
Dans un arrêt rendu le 21 mars 2024 (5A_565/2023), le Tribunal fédéral a rappelé les principes généraux régissant le calcul de la contribution de prise en charge. Il a porté une attention particulière à la problématique de la répartition de la #contribution de #prise en #charge entre enfants nés d’unions différentes.
Cette affaire traite de la fixation des droits parentaux et de la contribution d’entretien sur les enfants communs C. et D., nés d’une relation hors mariage entre le père A. et la mère B. La mère B. a également eu un enfant E., né d’une précédente relation.
Les autorités de première puis de seconde instance cantonale ont, par voie de mesures provisionnelles, maintenu l’autorité parentale conjointe sur C et D, et confié la garde de ceux-ci à la mère, le père bénéficiant d’un droit de visite. Des contributions d’entretien par paliers ont été fixées en faveur des enfants C. et D., à charge pour le père A. de s’en acquitter en mains de la mère B.
A. dépose un recours en matière civile au Tribunal fédéral, concluant en substance à ce que le montant des contributions d’entretien soit revu à la baisse. Il estime notamment qu’à partir du début de l’école obligatoire des deux enfants communs C. et D., le déficit de la mère qui pourrait travailler à 50%, devrait être réparti entre les trois enfants et non entre les deux enfants communs des parties. À défaut, il devrait également supporter les coûts indirects du premier enfant de B., né d’une précédente union. Selon lui, l'impossibilité de la mère B. de travailler à plus de 50% était causée par les trois enfants.
Le Tribunal fédéral a tout d’abord rappelé les éléments saillants de la méthode dite des frais de subsistance (Lebenshaltungskostenmethode ; ATF 144 III 377 c. 7.1.2.2, 481 c. 4.1). Il a ensuite exposé les lignes directrices en cas de reprise d’une activité professionnelle pour un parent se chargeant de la prise en charge d’un enfant (cf. not. ATF 147 III 308 c. 5.2), que le juge du fait doit prendre en compte dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation (art. 4 CC ; ATF 144 III 481 c. 4.7.9).
Surtout, notre Haute Cour s’est penchée sur la répartition de la contribution de prise en charge en présence d’enfants nés d’unions différentes, question qui n’a, à ce jour, jamais été tranchée.
Elle a exposé que deux courants de doctrines suggéraient deux manières de procéder à dite répartition :
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En l’espèce, la cour cantonale avait relevé, en se référant à un arrêt 5A_378/2021 du 7 septembre 2022, qu’il était admissible de répartir le déficit du parent gardien exclusivement entre les enfants communs C. et D. lorsque le lien de causalité entre le déficit et la présence d'un autre enfant non commun n'était pas établi. Même sans la présence de E., le fils aîné de la mère, celle-ci se consacrait de toute manière à l'éducation des enfants communs, qui n'étaient pas scolarisés à l'école obligatoire, comme elle le faisait depuis leur naissance. Son déficit n'était donc pas lié à la présence de l'aîné, de sorte qu'il pouvait être partagé exclusivement entre les enfants communs des parties.
Sur cette question controversée, la cour cantonale parvient donc à un résultat qui se conforme au courant doctrinal minoritaire précité, puisque la contribution de prise en charge n’est pas répartie entre les trois enfants de la mère B., mais entre les deux seuls enfants communs.
Sans trancher lui-même cette controverse doctrinale, le Tribunal fédéral confirme le bien-fondé de l’examen de la cour cantonale, expliquant que le recourant n’a pas suffisamment discuté les avis doctrinaux susmentionnés (art. 106 al. 2 LTF). Ce dernier échoue ainsi à démontrer que la cour cantonale aurait versé dans l’arbitraire, à tout le moins quant au résultat.
Le recourant se console toutefois en obtenant gain de cause au sujet du calcul de son revenu en tant qu’indépendant (c. 3), notre Haute Cour considérant même le raisonnement de l’autorité cantonale comme arbitraire (violation de l’art. 9 Cst. féd.) sur ce point.
Très informatif Maître