DROIT DU TRAVAIL : actualité des décisions juridictionnelles en matière de reclassement
Le salarié peut être licencié pour motif disciplinaire lorsqu’il place l’employeur dans l’impossibilité de s’acquitter de son obligation de reclassement
Dans cette affaire, une salariée protégée déclarée inapte par le médecin du travail est licenciée après avoir refusé les postes de reclassement proposés.
Faute d’autorisation administrative, le licenciement est annulé et la salariée est réintégrée.
L’employeur reprend alors la procédure de reclassement, mais la salariée ayant retrouvé un autre emploi entre temps refuse de se rendre aux entretiens organisés pour la recherche de reclassement.
La société la licencie alors pour motif disciplinaire et l’inspection du travail autorise le licenciement.
La cour administrative d’appel fait droit aux demandes de la salariée en jugeant que le licenciement du salarié déclaré inapte ne peut pas être disciplinaire.
Le Conseil d’Etat raisonne quant à lui en deux temps. Il décide qu’en principe, l’inspection du travail ne peut pas, postérieurement à un avis d’inaptitude du médecin du travail, autoriser le licenciement pour un motif autre que l’inaptitude.
Néanmoins, lorsque le salarié met lui-même l’employeur dans l’impossibilité de s’acquitter de son obligation de reclassement, alors le licenciement peut être prononcé pour un motif disciplinaire.
Le licenciement de la salariée est donc validé dès lors que celle-ci a refusé de se rendre aux entretiens permettant d’organiser son reclassement, ce qui caractérise un manquement à l’obligation de loyauté.
CE, 4ème-1èrech., 12 avril 2023, n°458974
L’employeur manque à son obligation de reclassement lorsqu’il refuse d’aménager en télétravail le poste d’un salarié déclaré inapte alors que l’essentiel de ses missions est réalisable en télétravail
Dans cette affaire, une assistante coordinatrice d’équipe pluridisciplinaire dans un centre de santé est déclarée inapte à son poste par le médecin du travail.
Dans son avis, le médecin précise qu’elle « pourrait occuper un poste administratif sans déplacement et à temps partiel (2j/semaine) en télétravail à son domicile avec aménagement du poste approprié ».
Elle est licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement et saisit le Conseil de prud’hommes afin de contester son licenciement et solliciter des dommages et intérêts en raison d’un manquement de l’employeur à son obligation de reclassement.
La Cour d’appel considère que l’employeur a manqué à son obligation de reclassement et celui-ci se pourvoit en cassation. Selon l’employeur, l’obligation de reclassement ne porte que sur les postes disponibles existants au sein de l’entreprise. Or, il n’existait aucun poste en télétravail au sein du centre de santé.
La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle juge que « les missions accomplies par la salariée étaient susceptibles d’être pour l’essentiel réalisées à domicile en télétravail et à temps partiel comme préconisé par le médecin du travail. » Elle décide que l’employeur n’a pas loyalement exécuté son obligation de reclassement dès lors que « l’aménagement d’un poste en télétravail peut résulter d’un avenant au contrat de travail ».
En conclusion, dans une telle situation, l’employeur devra démontrer quelles sont les raisons qui rendent impossible le recours au télétravail, étant précisé que l’absence de mise en place de ce dispositif dans l’entreprise ne constitue pas un obstacle.
Cass. soc., 29 mars 2023, n°21-15.472
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Des recherches de reclassement doivent être effectuées lorsque l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans l’entreprise uniquement
Dans cette affaire, une salariée est déclarée inapte par le médecin du travail. La société procède au licenciement de la salariée sans effectuer de recherche de reclassement car l’avis d’inaptitude indiquait : « Inapte. L’état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans cette entreprise ». La salariée a saisi le Conseil de prud’hommes afin de contester son licenciement.
La Cour d’appel considère que l’avis du médecin du travail ne valait pas dispense de recherche de reclassement et juge ainsi le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La Cour de cassation approuve le raisonnement des juges du fond. Elle relève l’existence d’un groupe de reclassement autre que la structure au sein de laquelle la salariée travaillait. Dès lors, elle juge que l’employeur n’était pas dispensé de rechercher un reclassement au sein des autres sociétés du groupe et avait ainsi manqué à son obligation de reclassement.
Cet arrêt témoigne de l’importance de vérifier la rédaction de l’avis d’inaptitude. En l’espèce, même si le médecin du travail avait indiqué la formule « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi », il avait précisé que cette dispense ne concernait que l’entreprise et non le Groupe.
Dès lors, des recherches de reclassement auraient dû être réalisées au niveau des autres sociétés du Groupe.
Cass. soc., 8 février 2023, n°21-11.356
Licenciement pour inaptitude : l’employeur n’a pas à consulter le CSE si l’avis d’inaptitude le dispense de rechercher un reclassement
Dans cette affaire, une salariée victime d’un accident du travail est déclarée inapte à son poste par le médecin du travail avec la mention expresse que « son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi », puis elle est licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Elle saisit la juridiction prud’homale afin d’obtenir des dommages et intérêts pour irrégularité tenant au défaut de consultation des représentants du personnel.
Les positions des Cours d’appel sur cette question étaient jusqu’alors divergentes, certaines jugeant que l’absence de consultation du CSE rendait le licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’autres non.
En l’espèce, la Cour d’appel fait droit à la demande de la salariée considérant que l’employeur a l’obligation de solliciter l’avis du CSE, même en l’absence de recherche de reclassement.
La Cour de cassation tranche pour la première fois la question en jugeant que : « lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi, l’employeur, qui n’est pas tenu de rechercher un reclassement, n’a pas l’obligation de consulter les représentants du personnel ».
Cette solution, pour le moins logique, permet de clarifier un point de procédure en cas de dispense de recherche de reclassement.
Cass. soc., 8 juin 2022, n°20-22.500