Durcir et assouplir les règles sanitaires : un mètre de distance et un groupe de référence

Durcir et assouplir les règles sanitaires : un mètre de distance et un groupe de référence

Nous prônons des règles sanitaires découlant de la distanciation physique entre personnes ne se connaissant pas. Les personnes proches et/ou co-habitant pourront former un groupe sans contrainte de distance en le déclarant. Dans huit domaines publics différents (lieu de travail, transports, commerces, restauration collective, bars et restaurants, salles de spectacles et cinémas, stations d’hiver, écoles et universités) nous indiquons des règles de durcissement ou d’assouplissement qui rétabliraient une cohérence de la politique sanitaire, en freinant fortement l’épidémie.

Revenons au début de la pandémie en mars dernier. Il fallait appliquer les gestes barrières pour éviter d’être contaminé. Aujourd’hui, le seul vraiment appliqué est le port du masque. Dans les transports, la restauration collective, les lieux de travail ou les commerces (surtout les grandes surfaces), les gens se croisent de près. Pire, les transports publics n’appliquent pas les règles de distanciation. Ainsi la SNCF peut bonder certaines voitures et en laisser vides dans le même train, sans répartir, comme cela s’est fait en un sur deux au printemps. Donc nous sommes dans une situation où, en même temps, on risque une amende de 135 € pour être rentré après 18 heures dans une rue vide et on nous impose de voyager côte-à-côte avec une personne inconnue. Réponse des autorités : « il n’y a pas de clusters dans les transports ». Forcément, c’est un ensemble d’inconnus qui se croisent, donc impossible de faire le rapprochement. Ou encore : « il y a un protocole sanitaire, avec port du masque obligatoire ». C’est vrai dans tous les lieux publics. Et enfin : « c’est une activité nécessaire, pour aller travailler ». Il y a 28 millions de personnes qui travaillent et 6 millions de collégiens ou lycéens, soit environ la moitié de la population : quid de l’autre ? En mai dernier, il y a eu des contrôles : aux heures de pointe, les transports publics étaient réservés aux déplacements professionnels. Où est passée cette mesure de bon sens ?

Alors bien sûr, il y a eu des mesures, ajoutées à la fermeture des bars et restaurants. Arrêt des cinémas, salles de spectacles ou lieux culturels. Dans tous ces lieux, le respect de la distanciation était assuré très facilement, sachant qu’il y a davantage de volume dans une salle de cinéma, un théâtre ou un musée que dans un train avec plafond très bas ou un supermarché. Est-il plus risqué d’aller au cinéma avec une place vide mitoyenne, ou voyager cinq heures en train à côté de quelqu’un qui va peut-être même ôter son masque pour boire ou manger (mesure sanitaire aberrante : le wagon-restaurant, fermé et vide, est interdit à ceux qui souhaiteraient s’isoler de leur voisin pour se restaurer) ?

Les autorités martèlent qu’il ne faut surtout pas relâcher la contrainte. Non, ce qui est absurde, c’est de continuer comme cela. Il y eut une époque où les transports publics indiquaient un siège sur deux, où les commerces régulaient les flux de clients (les petits commerces le font encore) et où la plupart des gens qui le pouvaient pratiquaient le télétravail. Aujourd’hui, c’est quasiment la jungle dans un pays où le virus circule.

Pourtant, il y a moyen de réduire la propagation du virus tout en améliorant notre quotidien : durcir les règles quand le risque est présent et les assouplir là où les protocoles sanitaires sont sûrs. Il faut se baser surtout sur une règle de base : un mètre de distance, sauf entre proches clairement identifiés, que nous appelons groupe de référence. Nous proposons un ensemble de règles, précédées d’un ■ pour les durcissements ou d’un □ pour les assouplissements.

■ Imposer le télétravail quand il est possible. Il y a eu débat sur ce point et le gouvernement avait même indiqué qu’il était obligatoire, mais sans mesure incitative. Alors que 60% des gens peuvent télétravailler, seuls 20% le font totalement, 20% partiellement. Pourtant cela réduirait la densité dans les transports, les lieux de travail et les restaurations collectives.

■ Transports publics : une place sur deux et restrictions pour les inactifs. Ces derniers ne pourront circuler aux heures de pointe, sauf urgence. C’est ce qui s’est fait au printemps dernier et cela nécessite que le trafic soit assuré à rythme élevé.

■ Commerces : régulation des entrées/sorties et restrictions pour les inactifs. Les jauges ne sont actuellement pas respectées. Il faut des contrôles pour assurer le mètre de distance entre inconnus. Là encore, les inactifs ne pourront s’y rendre aux heures de pointe.

■ Restauration collective : distance et paniers repas. Les restaurants font du click-and-collect, pourquoi pas eux ? Cette pratique devrait être intensifiée et pour ceux déjeunant sur place, au moins un mètre de distance et interdiction de manger en face à face.

□ Restaurants et bars : distance, groupes de référence et port du masque. Il faut appliquer les mêmes règles que ci-dessus. La différence est qu’un groupe pourra se rapprocher, tout en étant à plus d’un mètre des autres. Ce sera de la responsabilité du groupe, sans limite à 6 qui n’a pas de fondement scientifique. Le masque sera obligatoire dès que possible.

□ Salles de spectacles et cinémas : distance et groupes de référence. Les spectateurs s’y tournent le dos : la règle du mètre sera assouplie dans ce dernier cas. Au moins une place vide sera laissée entre les groupes. C’est ce qui a été appliqué avant la dernière fermeture.

□ Sports d’hiver : distance et groupes de référence. Là aussi, il est facile de délimiter le groupe de référence, en se tenant à distance dans la file d’attente aux remontées mécaniques. De plus, il y a toujours au moins une personne surveillant les départs, donc le contrôle est aisé.

■ et □ Enseignement : distance et groupes de référence. Les élèves déclareront qui est dans leur groupe de référence (colocataires, amis proches), sans l’abus qui consisterait à déclarer toute la classe ou tout le TD. Une place vide sera laissée entre chaque groupe, comme dans les salles de spectacles et les cinémas. Ce sera un durcissement dans le secondaire, un assouplissement dans le supérieur.

Pour tous ces groupes de référence, ils pourraient être enregistrés par le responsable de l’espace public concerné et ils permettront plus facilement de tracer le virus en cas de personne positive. Ceux habitant ensemble seront considérés dans le même groupe automatiquement. L’ensemble de ces règles correspond à une intensification de la lutte contre la propagation du virus, et les résultats sanitaires s’accompagneront d’une reprise de l’activité, avec plusieurs pans de l’économie remis en marche. Enfin, cela redonnera de la crédibilité aux autorités publiques dont les règles changeantes et contradictoires en ont perdu plus d’un.

Serge Blondel est professeur d’économie au GRANEM (université d’Angers), fédération Théorie et évaluation des politiques publiques (TEPP) et LIRAES (Université de Paris).

Samra Bouazza est professeur de physique-chimie à l’Éducation nationale.


Donc si je comprends bien : tout ceux dont l’activité professionnelle (temps partiels, étudiants, retraités) permet de circuler en dehors des jours - ou des heures - de pointe devraient utiliser cette option et se restreindre le reste du temps. Mais restreindre la mobilité, et donc les droits inaliénables, des inactifs, ex-actifs ou partiellement actifs, c’est impensable. Astucieux mais impensable, on va hurler à la stigmatisation, surtout si les inactifs contrevenants sont sanctionnés. Ceci dit, avez vous fait l’exercice de traduire cette notion d’actif en « catégories opérationnelles » ? Peut être n’est-ce pas si compliqué ... et a-t-on besoin de l’Etat pour cela ?

Oui il faut trouver de nouvelles règles, car les anciennes ne suffisent pas, et car une étude vient de sortir sur l'inefficacité du confinement. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33400268/

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