D’utiles précisions par le Conseil d’Etat en matière de contentieux administratif et de droit de l’urbanisme
Par un arrêt rendu ce jour (CE, 7 mars 2018, Mme B., req. n° 404079), le Conseil d’Etat a confirmé sa volonté de sécuriser les autorisations d’urbanisme et a apporté une clarification aux praticiens en matière d’urbanisme commercial.
Cette affaire, dans laquelle le Cabinet LEONEM est intervenu en défense devant les premiers juges et à hauteur d’appel, a également donné au Conseil d’Etat l’occasion de préciser les pouvoirs du juge administratif dans l’interprétation du dispositif d’une requête.
D’une part, en matière de droit de l’urbanisme, le Conseil d’Etat a considéré que :
« Lorsqu’un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l’utilisation des sols ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l’illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d’un permis modificatif dès lors que celui-ci assure les respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l’exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises ; qu’il peut, de même, être régularisé par un permis modificatif si la règle relative à l’utilisation du sol qui était méconnue par le permis initial a été entretemps modifiée ; que les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir contre le permis initial ».
Il en résulte qu’un permis de construire qui méconnaîtrait un plan local d’urbanisme peut faire l’objet d’une régularisation par la modification postérieure de la règle relative à l’utilisation du sol qui était méconnue.
En l’espèce, à la date du permis de construire initial, le terrain d’assiette du projet était grevé d’une servitude d’emplacement réservé par un plan local d’urbanisme intercommunal.
Cette servitude avait toutefois été supprimée par une modification simplifiée du PLUi.
Pour le Conseil d’Etat, cette modification du document d’urbanisme a été de nature à régulariser le permis litigieux.
La seule réserve posée par le Conseil d’Etat tient dans la démonstration, par le requérant, d’un détournement de pouvoir et non de procédure :
« Considérant que si Mme B. soutient que cette délibération serait illégale, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’elle serait intervenue pour un motif étranger aux attributions de la communauté de communes en matière d’aménagement et d’urbanisme ; que le détournement de pouvoir allégué à cet égard n’est pas établi ».
D’autre part, cet arrêt apporte une précision aux praticiens en matière d’urbanisme commercial.
En effet, le Conseil d’Etat a confirmé la limitation des moyens invocables contre un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale lorsqu’il fait l’objet d’un recours en ce qu’il vaut autorisation de construire.
En l’espèce, la requérante soutenait que le permis de construire était entaché d’illégalité en ce qu’il contenait des modifications par rapport au projet autorisé devant la commission départementale d’aménagement commercial.
Il était ainsi soutenu que la CDAC aurait dû à nouveau être convoquée pour procéder à une nouvelle instruction du projet.
Pour le Conseil d’Etat, un tel moyen ne peut être utilement soutenu puisqu’il a été jugé que :
« Les dispositions du code de commerce et du code de l’urbanisme constituent des législations indépendantes, répondant à des finalités distinctes ; que, par suite, des moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du code de commerce ne peuvent être utilement invoquées à l’appui d’une requête dirigée contre un permis relevant de l’article L. 425-4 du code de l’urbanisme en tant qu’il vaut autorisation de construire ; que la requérante ne peut, par suite, utilement soutenir que les modifications apportées au projet litigieux nécessitaient qu’une nouvelle demande soit formée par la SNC L. devant la commission départementale d’aménagement commercial afin que cette dernière procède à une nouvelle instruction du projet ».
Il s’agit d’une confirmation, sous l’empire des nouvelles dispositions de l’article L. 600-1-4 du code de l’urbanisme, de l’état du droit antérieur (voir, D. BOZZI, « Rappel de l’articulation entre permis de construire et autorisation d’exploitation commerciale », Construction – Urbanisme, mars 2013, comm. 37).
Enfin, cet arrêt comporte un considérant de principe sur le pouvoir du juge administratif en matière d’interprétation de l’objet d’une requête.
Dans cette affaire, dans le dispositif de son recours, la requérante n’avait pas sollicité du juge administratif l’annulation du permis de construire, mais exclusivement l’annulation de la décision rejetant son recours gracieux.
En pratique, les avocats sollicitent du juge l’annulation de la décision litigieuse, « ensemble la décision rejetant le recours gracieux ».
La Cour administrative d’appel avait par voie de conséquence exclusivement annulé la décision rejetant le recours gracieux, sans annuler le permis de construire à sa suite.
Une telle interprétation du sens de la requête a été annulée par le Conseil d’Etat qui a considéré que :
« L’exercice du recours gracieux n’ayant d’autre objet que d’inviter l’auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d’un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l’autorité administrative ; qu’il appartient, en conséquence, au juge administratif, s’il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d’interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale ».
Il en résulte que les vices propres de la décision portant rejet du recours gracieux ne peuvent être contestés.
En conséquence, le Conseil d’Etat invite les juges du fond à ne pas s’en tenir à l’acte visé par le requérant dans sa requête mais à procéder à l’examen de la légalité de la décision l’ayant provoquée.
Olivier MAETZ
Avocat associé (LEONEM Avocats)
Avocat associé chez EGLIE-RICHTERS | Avocats - Chargé d'enseignement à l'Université de Nice
6 ansCela devient de plus en plus dur de faire annuler un permis de construire..!
Consultante juridique - Direction des affaires juridiques des ministères sociaux
6 ansQue d'actualités !