Eau et patrimoine Le patrimoine de l’eau : un devoir et une opportunité pour l’avenir
Lorsque j’ai pris mes fonctions en tant que directeur général d’Eau de Paris, après 4 ans passés au Centre des monuments nationaux, beaucoup dans mon entourage professionnel m’ont posé la question du lien entre l’administration publique de sites historiques et la gestion d’un service industriel de production et de distribution d’eau potable. La première réponse, la plus évidente, est de mettre en avant le socle de compétences managériales commun à toute organisation. Après six mois passés à Eau de Paris, j’ai la conviction que cette réponse est en réalité très secondaire. Le lien entre l’eau – potable, j’y reviendrai – et le patrimoine est bien plus complexe et étroit qu’il n’y paraît. Il repose sur 4 constats, que je cite ici du plus général au plus particulier au cas de Paris.
Premièrement, l’eau est un patrimoine naturel, l’un des plus essentiels si ce n’est le plus essentiel à la vie humaine, qu’il faut savoir gérer pour en assurer la pérennité.
Deuxièmement, l’eau est un bien commun universel, dans le sens où chacun, ici et ailleurs, aujourd’hui comme demain, doit pouvoir y accéder. Les notions de partage et de transmission sont ainsi communes à l’eau comme au patrimoine historique.
Troisièmement, l’accès à l’eau potable repose sur un patrimoine scientifique et technique, développé par les civilisations humaines depuis la haute Antiquité, perfectionné par l’empire romain puis transmis et généralisé au moins dans tout le monde occidental.
Enfin, à Paris, s’ajoute à ce patrimoine technique et scientifique un patrimoine bâti et foncier, constitué par des dirigeants et ingénieurs visionnaires au milieu du XIXème siècle (le préfet Haussmann, l’ingénieur Belgrand entre autres), qui fournit près de 150 ans après le socle du système de production (sources, usines), de transport (aqueducs), de stockage (réservoirs) et de distribution (galeries et canalisations) de l’eau dans la capitale. Paris n’est pas la seule à bénéficier d’un tel patrimoine historique de l’eau mais il faut avouer qu’elle jouit d’un héritage particulièrement important et spectaculaire.
L’eau potable constitue donc en elle-même un patrimoine et sa distribution aux Parisien(ne)s s’appuie sur un patrimoine. Ceci étant posé, quelles leçons doit en tirer un opérateur public comme Eau de Paris ?
La première est la responsabilité qui incombe aux dépositaires actuels de ce patrimoine naturel et industriel de le préserver et de le transmettre aux générations futures dans un état au moins aussi satisfaisant que celui dans lequel nous l’avons reçu. S’agissant de la ressource en eau, c’est la vocation même d’Eau de Paris, opérateur intégré de la source au robinet, que de la préserver (cf. la stratégie de l’entreprise dans le domaine). Pour ce qui est du patrimoine industriel, la responsabilité patrimoniale rejoint l’intérêt économique puisque l’entretien d’un patrimoine amorti et efficace énergétiquement (adduction gravitaire, utilisation de l’énergie hydraulique pour l’élévation de l’eau sur le vecteur Vanne) est avantageuse.
La deuxième est la nécessité d’adapter ce patrimoine sans le dénaturer, pour rester au standard tant en matière de qualité de l’eau que de performance industrielle. Si Eau de Paris bénéficie d’un patrimoine historique, elle n’a pas vocation à devenir un conservatoire d’installations, d’équipements ou de savoir-faire désuets. L’ambition est donc de faire Belgrand au XXIème siècle : innover, c’est préserver en adaptant.
La troisième est l’importance de la notion de durée et de transmission. Nous bénéficions aujourd’hui du souci de nos glorieux devanciers de bâtir un patrimoine d’extrême qualité pour garantir à très long terme l’approvisionnement en eau de la capitale. Nous devons à nos héritiers le même souci de la qualité, qu’il s’agisse de la préservation de la ressource, des filières de traitement ou des infrastructures de production, transport et distribution (la bonne vieille fonte !). La même exigence doit s’appliquer à la qualité architecturale et constructive des installations que nous serons amenés à réaliser. Cette exigence favorisera en outre la meilleure acceptation et la plus grande considération de nos concitoyens pour le service public de l’eau et, au-delà, pour ce patrimoine commun qu’est l’eau potable.
Pour finir, j’ose tracer un autre pont entre mon secteur professionnel d’origine, la culture et le patrimoine, et celui où j’ai l’honneur et le bonheur d’exercer aujourd’hui. Ils sont aussi reliés par les sentiments esthétiques qu’ils inspirent à leurs contemplateurs. Bachelard l’a dit mieux que quiconque : « La rêverie naturelle gardera toujours un privilège à l’eau douce, à l’eau qui rafraîchit, à l’eau qui désaltère ». Il n’est donc pas interdit aux professionnels de l’eau potable, quel que soit leur métier, de revendiquer cette part de rêverie et de plaisir à servir une matière aussi noble que l’eau pure.
Rendez-vous le samedi 16 et le dimanche 17 septembre pour découvrir la beauté de ce patrimoine d’Eau de Paris. Une dizaine de sites seront exceptionnellement ouverts à tous, avec des animations (programme complet sur le site et les pages FB et Linkedin d’Eau de Paris)
Responsable d'activité Tuyauterie
7 ansC'est vraiment un grand sujet L'eau ,sans elle nous sommes rien . Elle donne ,elle prend et nous pousse à créer des superbes créations architecturales .
Maître d’œuvre
7 ansJ'adore le texte, la photo me fait penser au bassin de St Cloud ( de vieux souvenirs ...)
Directeur général
7 ansMerci Benjamin, en tant que dépositaire (et utilisateur), 350 ans plus tard, de la machine et de l'aqueduc de Marly, je partage complètement ton point de vue. Lançons une initiative commune sur Eau et Patrimoine!