Editorial - 18 octobre 2024
Chères consœurs,
Chers confrères,
Ce vendredi 18 octobre, le Prix International des Droits de l’Homme « Ludovic Trarieux » 2024 est remis à l’avocate birmane Ywet Nu Aung et à la Law society of Nothern Ireland au titre de barreau de l’année.
Ce Prix vise à reconnaitre publiquement la justesse d’un combat au cœur de la défense. Si, en Belgique, nous avons la chance de pouvoir défendre librement les causes de nos clients, cela n’est malheureusement pas le cas partout dans le monde et il est important que la profession continue à défendre la défense.
Depuis qu’il a été remis pour la première fois à Nelson Mandela, en 1985, le Prix Ludovic Trarieux a été remis 28 fois pour récompenser un parcours particulièrement remarquable dans la défense des droits humains, protéger un avocat menacé dans l’exercice de son mandat par la manifestation de notre indignation face à un régime qui assène la prison à un avocat qui n’a fait « que » son métier, ou encore, reconnaitre le rôle protecteur d’un barreau envers un de ses membres.
Ywet Nu Aung, avocate birmane de 44 ans, a été condamnée le 27 décembre 2022 à 15 ans de prison assortis de travaux forcés pour avoir prétendument fourni un soutien financier de 300 000 kyats, soit environ 140 dollars, à la Force de défense du peuple de Mandalay (PDF), un groupe de résistance anti-junte. Elle avait été arrêtée le 28 avril 2022 à la suite d'une audience où elle défendait Zaw Myint Maung, cadre du parti de l'ancienne dirigeante Aung San Suu Kyi (NLD), arrêté avec cette dernière en 2021 et qui est décédé il y a quelques jours, privé de soins en détention.
En désignant Ywet Nu Aung comme lauréate du Prix Trarieux 2024, le jury a voulu dénoncer les tactiques répressives mobilisées par certains pouvoirs qui, jugeant leurs intérêts menacés, découragent et isolent celles et ceux qui activent les voies de recours contre les violations et abus commis. Alors que l’absence totale d’indépendance du pouvoir judiciaire au Myanmar n’offre aucun espoir de voir sa peine de prison réduite ou aménagée, une mobilisation internationale et la diffusion publique du combat de Ywet représente sans doute un des seuls soutiens encore possibles.
A cet égard, la Law Society of Nothern Ireland offre un exemple admirable d’une prise de position forte face à la mise en cause devant la Chambre des communes de Me Gavin Booth, avocat de la famille d’un militant de l’IRA abattu par la police, en avril 1991. Par un appel à l'arrêt immédiat des attaques contre les avocats, c’est l’interdiction de l’assimilation entre l’avocat et son client ou la cause de ce dernier qui a été portée haut et fort par ce barreau, ainsi que le rôle totalement unique de l’avocat dans l’accès à la vérité et à la justice et donc dans la défense des droits humains.
Lorsque des consœurs ou des confrères luttent pour la défense des droits humains au péril de leur vie ou de leur liberté ou de l’exposition à des attaques moins graves, l’importance de la mobilisation collective est cruciale et se révèle efficace contre ce qui pourrait apparaître comme une fatalité.
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Il existe de multiples façons d’exercer la profession d’avocat et, fort heureusement, il n’est pas obligatoire de se mettre en danger pour défendre les droits et les libertés mais quelle que soit notre pratique et la force de notre engagement, les avocats partagent les mêmes valeurs et donnent tout leur sens à la solidarité et la confraternité qui nous anime.
Cette solidarité peut se manifester autant par un mandat de défense, une mission d’observation, ou la mise en lumière des attaques subies par les défenseurs des droits et des libertés. Chaque action de notre part est portée à sa juste valeur par les avocats et les avocates dont le combat pourra se poursuivre car il sera dit, entendu et connu.
A cet égard, je remercie la Conférence du jeune barreau d’organiser une grande conférence, le 5 novembre prochain, en présence de Mme Shirin Ebadi, avocate et ancienne magistrate qui milite depuis plusieurs décennies pour la défense des droits fondamentaux et, en particulier, des droits des femmes en Iran. Mme Shirin Ebadi est lauréate du Prix Nobel de la Paix.
Cette conférence sera également l’occasion d’entendre Mme Bahareh Akrami, dite Baboo, dessinatrice renommée qui viendra nous raconter comment le Mouvement « Femme, vie, liberté », à la suite du meurtre, le 16 septembre 2022, de la jeune iranienne Mahsa Amini, a bousculé l’Iran et la diaspora iranienne depuis 2022.
Participer et soutenir ce genre d’évènements contribue aussi à la défense des droits fondamentaux.
J’espère vous voir nombreux le 5 novembre prochain.
Votre bien dévouée,
Marie Dupont,
bâtonnière