Editorial du bâtonnier Emmanuel Plasschaert | 05 avril 2024

Chers confrères,

La mission de l’avocat, son art parfois, est de convaincre son client, la partie adverse, le procureur, le juge, l’opinion publique à l’occasion.

Pour y arriver, il se sert de sa plume et de sa parole.  Celles-ci sont libres, nécessairement libres, mais d’aucunes façons absolues.  Qu’il s’exprime dans l’exercice de sa mission ou en dehors de celle-ci, il reste, selon les mots de M. Paul Martens, cet être de confiance, reconnu comme tel par la société.

Si ce rôle particulier ne lui confère aucun pouvoir, il implique néanmoins une responsabilité, celle d’être à la hauteur de cette confiance.

L’avocat, souvent, est homme ou femme de convictions. Rien ni personne ne peut l’empêcher de les exprimer avec force et fermeté.

Mais il doit être conscient du crédit que ses clients, ses confrères, les magistrats et l’opinion publique lui accordent parce que, précisément, il est avocat.

Il lui appartient d’user de sa liberté de parole dans le strict respect de ses obligations légales et déontologiques, sous peine de saper les fondements mêmes de l’autorité qui est la sienne et de ce crédit qui lui est accordé.

Il en est d’autant plus ainsi qu’aujourd’hui, l’avocat s’exprime de plus en plus dans les médias, qu’il agisse sur mandat de son client dans l’exercice de sa mission, comme expert ou simplement comme citoyen.

Il est loin le temps où les interventions de l’avocat étaient confinées dans l’espace strict de son cabinet ou du prétoire.  D’aucuns regrettent cette évolution et estiment qu’ils n’ont pas à porter la parole de leurs clients hors de l’enceinte judiciaire et que la discrétion est d’or.  D’autres considèrent que la nécessité de défense de leurs clients ou leurs engagements personnels sont indissociables d’une expression plus large et publique.

Cette exposition accrue de l’avocat n’est toutefois pas sans risque, pour son client, pour lui-même ou pour la profession.

Lorsque l’avocat s’exprime dans le cadre d’un dossier qui lui a été confié, il ne peut le faire que sur mandat de son client, dans l’intérêt de celui-ci et donc pour les besoins de sa défense.  Il reste tenu au secret professionnel qui constitue, avec l’indépendance, une valeur cardinale de la profession d’avocat et dont la violation l’expose à des poursuites pénales et disciplinaires.

Il n’oubliera pas que l’avocat d’expérience cultive la distance, par rapport à son client et par rapport à ses propres émotions et convictions.

Quelle que soit la cause qu’il défend, qu’il intervienne dans le strict exercice de sa mission ou en-dehors de celle-ci, comme avocat ou comme citoyen, jamais il ne trahira son serment ni ses devoirs essentiels qui lui commandent d’observer en toutes circonstances, ses devoirs de délicatesse, de dignité, de loyauté et de confraternité.

Il se rappellera que la confiance dont il bénéficie exige de lui une probité à toute épreuve.

Il y sera d’autant plus attentif lorsque sa parole est susceptible de porter au-delà des murs de son cabinet ou de l’enceinte judiciaire, en se souvenant que lorsqu’il s’exprime dans les médias, il s’expose à un risque accru de distorsion de ses propos, de mécompréhension voire de manipulation, inhérent à une expression publique.

Voilà le défi de l’avocat, résumé en quelques phrases : être ce conseiller et ce défenseur libre, exigeant, fort, engagé, tenace et maître de ses émotions, digne, loyal, confraternel et délicat.

Votre bien dévoué,

Le bâtonnier,

Emmanuel Plasschaert