Emmanuel Faber victime d'E.Faber
Emmanuel Faber a été contraint d’abandonner son poste de PDG du groupe Danone dans la soirée du dimanche 14 mars. Certains observateurs regrettent le départ du dirigeant visionnaire militant d’un capitalisme responsable qui avait réussi à convaincre en 2020 les actionnaires de donner pour la première fois à un groupe du CAC 40 le statut d’entreprise à mission. D’autres constatent simplement qu’un dirigeant ne peut pas rester en poste s’il est dans une logique d’affrontement avec son conseil d’administration et quand les performances de l’entreprise sont inférieures à celles de ses grands concurrents.
Emmanuel Faber qui a accompli une carrière brillante dans le groupe qu’il a contribué à transformer, a surtout été victime de sa pratique du pouvoir et de la conception de son rôle. Car vouloir être un dirigeant d’entreprise et un éveilleur de conscience qui montrent le chemin à suivre aux responsables politiques, aux citoyens-consommateurs et aux acteurs économiques est une démarche à très hauts risques.
L’homme dirigeait de manière solitaire et rugueuse mais se mettait volontiers en scène quand il prenait des positions iconoclastes. L’ex-banquier d’affaires et directeur financier a pris la plume pour fustiger la finance. Le patron du CAC 40 a donné des leçons de morale aux étudiants et à ses pairs dirigeants. Le diplômé d’HEC a prononcé en juin 2016 devant les élèves d’HEC un discours de haute tenue dans lequel il dévoilait l’histoire tragique de son frère et ses engagements spirituels en faveur de plus de justice sociale. Les médias ont salué la noblesse de ses paroles en découvrant son discours sur YouTube.
Mais le rôle d’un dirigeant d’entreprise dont la parole doit son impact à la puissance de son entreprise est-il de dévoiler ses engagements personnels et de les donner en exemple pour défendre des valeurs morales aussi justes soient-elles? Sa première mission n’est-elle pas de tout faire pour que la renommée de ses actions bénéficie à l’entreprise et pour que l’entreprise satisfasse ses clients, ses fournisseurs, ses actionnaires, ses salariés et les citoyens des territoires où elle est implantée ? Est-il utile qu'il rende public ses engagements personnels?
D’autres dirigeants français ont excellé dans l’art de se mettre en scène. Jean-Marie Messier et Carlos Ghosn en sont deux exemples dans un genre très différent. L’ex-dirigeant de Vivendi et le numéro un de Renault et Nissan ont joué les imperators qui inventaient un nouveau monde et avaient la planète pour terrain d’action.
Eux aussi ont connu une chute spectaculaire. Comme Emmanuel Faber, ils s’étaient enfermés dans la tour d’ivoire de leur puissance et de leur pouvoir en oubliant les réalités de leur job et du monde dans lequel ils vivaient.
Car les dirigeants qui transforment le monde, sont ceux qui réussissent en jouant avec les contraintes et les règles qui leur sont imposées. Bill Gates, le fondateur de Microsoft et de la plus grande organisation philanthropique mondiale qui publie le livre « Climat : comment éviter un désastre » chez Flammarion, en est la preuve. Mais l’un des entrepreneurs les plus riches du monde a eu le bon sens de mener ses actions les unes après les autres.
Conseil aux dirigeants : communication et plume | Inspirée par l'art de la maïeutique
3 ansTrès intéressant, votre angle, Yann LE GALES. Vous analysez le rôle des dirigeants de grands groupes et questionnez la façon dont ces derniers peuvent contribuer à transformer le monde... dans la durée! Subtil. #dirigeants