En 5 ans j'ai divisé mon temps de travail par 3 et...
Photographe : Géraldine Bramonte

En 5 ans j'ai divisé mon temps de travail par 3 et...

J’ai une histoire à raconter, et je vais spoiler la fin : il est possible de développer son activité entrepreneuriale efficacement sans s’épuiser et en refusant de ressentir du stress constant.

Il est même possible de le faire en travaillant moins de 35h par semaine. Pire : il est possible de le faire en ne suivant pas forcément les méthodes et chemins prônés par la majorité des structures d’accompagnement à l’entrepreneuriat. Le slowpreneuriat est une philosophie qui permet tout ça, et ceci est un plaidoyer pour qu’il puisse à l’avenir être considéré comme une voie viable dans le monde des travailleurs indépendants.

Si la Laure de 2015 rencontrait celle d’aujourd’hui, elle lui rirait sans doute au nez. La Laure de 2015 est commerciale dans une agence de com, et pour elle il n’y a qu’un seul moyen de réussir professionnellement : donner un maximum de son temps et de son énergie pour ça. Ceux qui ne le comprennent pas sont juste sans ambition ou déjà blasés. Son mode de pensée est logique parce que globalement, la société nous pousse à ça : toujours plus, plus vite, plus loin, plus performant.

La Laure de 2017 a pas mal déchanté : à force de tant donner, elle a frôlé de près le burn out - classique - et elle se rend compte que ça ne vaut peut-être pas le coup de travailler plus de 60h stressantes par semaine pour moins de 2000€/mois. Alors elle décide de devenir freelance, pour pouvoir se dégager un peu de temps, et puis surtout, gagner en liberté dans ses méthodes de travail. Parce qu’elle réalise déjà que d’essayer de se conformer à des façons de faire qui ne lui ressemblent pas, c’est usant et que ça ternit la joie du résultat. Mais elle garde une belle injonction en tête : si elle veut atteindre une certaine réussite professionnelle, elle va tout de même devoir travailler dur. C’est comme ça que ça marche et puis après tout, il faut la mériter cette réussite.

Allez, je repasse à la 1ère personne, ça commence à devenir bizarre.

Bim bam boum ! Surprise ! Septembre 2017, j’apprends que je suis enceinte. Juste 1 mois avant la fin de mon CDI et le début de ma vie d’indépendante. Dans ma tête, c’est l’image de la Wonderwoman qui me sert de guide (ou de Beyoncé, mais j’avais oublié son armée d’assistants et de nounous). Certes, j’ai décidé une fois le bébé là de ne pas travailler les soirs et weekends, mais je suis très confiante sur ma capacité à tout mener de front : une activité professionnelle fleurissante, une maternité épanouie, une vie sociale retrouvée.

Évidemment ça n’a pas fonctionné. Durant la 1ère année de mon fils, j’enchaine les crises de nerfs et de pleurs, bouffée par le stress, la fatigue, et l’impression que mon activité de freelance est très limitée. Oui, je gagne ma vie, mais j’ai déjà du mal à faire les choses en temps et en heure, donc il m’est impossible de prendre plus de clients sans sacrifier le temps familial. Wonderwoman c’était une idée assez naze finalement, et d’ailleurs ça serait pas mal que la société arrête de nous faire croire que si on veut être des femmes fortes, ça veut forcément dire pouvoir tout faire (ce qu'on ne demande d'ailleurs pas aux hommes soit dit en passant).

J’ai de la chance, j’ai un tempérament à ne pas m’apitoyer trop longtemps sur mon sort, alors j’enclenche le mode solution. J’avais déjà remarqué que je faisais dorénavant 3 fois plus vite des tâches que j’effectuais en agence, tout simplement parce que je les faisais à ma manière. Et en plus de ça, j’y prenais beaucoup plus de plaisir. Ça a été ma 1ère action concrète : passer au crible tout ce que je faisais comme tâches pour m’assurer que j’étais à l’aise en les faisant, et si non, trouver d’autres manières d’obtenir le même résultat en me respectant. Par exemple, j’ai arrêté de bloquer tous les créneaux dans mon agenda pour prévoir quoi faire à quelle heure et j’ai même éliminé les to-do lists. Je n’ai pas ce type de structure d’organisation, et j’ai besoin de beaucoup de souplesse dans ma semaine.

2020 arrive, et son confinement avec. Avec notre fils à la maison, mon mec et moi finissons par ne plus travailler que 2h par jour chacun. Autant dire que ça oblige à aller à l’essentiel… Et une belle prise de conscience au bout : j’avançais quand même, et j’avançais bien. Je venais malgré moi de découvrir l’essentialisme au travail et de trouver l’une des clefs principales de ce qui formera mon slowpreneuriat. Je ne garde que la crème de la crème dans mes tâches et process, et le gain de temps et d’énergie est gigantesque. Mieux que ça, comme je ne conserve que ce qui me permet de faire le plus directement du travail de qualité, ça n’entache absolument pas la valeur de mon travail.

Cette année là est décisive : c’est aussi l’année où je me suis rendue compte que pour beaucoup de mes pairs, cette idée qu’être à son compte ça voulait dire, au moins les premières années, sacrifier tout le reste et travailler dur, est très ancrée. Et je le comprends parce que pour avoir pas mal travaillé pour les chambres consulaires, les pépinières, les incubateurs, je sais à quel point il y a cette tendance à mettre tout le monde dans le même moule. Pour faire claire, j’ai formé des gens aux réseaux sociaux alors qu’ils n’avaient clairement rien à faire là, ils n’allaient jamais prendre le temps de s’y mettre parce que ça ne correspondait pas du tout à leur mode de fonctionnement. Mais au lieu de les accompagner à trouver ce qui allait marcher pour eux, on leur disait que sans ça, ça allait être difficile de sortir du lot.

C’est là que j’ai décidé de fonder Ma Slow Boîte, pour accompagner les indépendants qui le veulent sur cette voie du slowpreneuriat. Pour les aider à déconstruire les injonctions qui leur font croire qu’ils ne sont peut-être pas faits pour entreprendre et les faire passer par les mêmes étapes que moi. Pour leur permettre d’entreprendre avec sérénité sans culpabiliser. Oh je sais que ça ne conviendra jamais à tout le monde et c’est très bien. Certains seront toujours plus stimulés par le Work hard/Play hard et ils ont des tonnes de soutien puisque le monde entrepreneurial est fait pour eux. Mais pour ceux qui veulent plutôt suivre la route du Work smart/Play cool, je veux qu’ils sachent que c’est possible aussi. Tous les chemins mènent à Rome comme on dit, mais ce n’est pas pour ça qu’ils sont tous faits de bitume.


Ps : je sais malgré tout que dans ce monde, pour être crédible, il faut certaines preuves. Alors je vais partager quelques chiffres qui seront peut-être plus palpables que de juste dire qu’à l’heure actuelle je n’ai tout simplement plus de charge mentale professionnelle. Même si, entendons-nous bien, on a aussi le droit d’avoir des ambitions financières plus modestes sans pour autant avoir “un problème avec l’argent”, n’en déplaise à certains coachs business. Comme je l’ai dit au début, quand j’étais en agence, je bossais autour de 60h/semaine pour gagner environ 1800€ nets. Après ma 1ère année en freelance, je travaillais entre 35 et 40h par semaine et je gagnais environ 1500€ nets mensuels. Il y a quelques jours lors d’un point budget, j’ai fait la moyenne de mes revenus sur les 12 derniers mois et j’arrive à 2900€ nets, alors que je ne travaille plus que 20h/semaine et que je suis partie 3 mois et demi en congé maternité en 2022. Dans la philosophie du slowpreneuriat, ce n’est pas le temps de travail qui compte, mais bien ce qu’on fait de ces heures.

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