Encourager et mutualiser les expérimentations locales
Le foisonnement des initiatives et la multiplication des expérimentations locales contribuent à enrichir les services innovants qui améliorent notre vie quotidienne. Une évaluation rapide, au plus près du terrain, permet non seulement d’identifier les éventuels freins techniques mais surtout de mesurer l’acceptabilité sociale d’un service qui se veut disruptif. Ces expérimentations sont cependant trop souvent isolées.
A l’instar des projets cofinancés par l’Union Européenne, un programme régional ou national pour la recherche et l’innovation dans le domaine de la Smart City pourrait être créé et les projets confiés à des groupements d’acteurs publics et privés, rassemblant au minimum trois territoires de type et d’origine géographique différents, des entreprises privées et des chercheurs. L’évaluation, la dissémination et la réplicabilité des services testés seraient des objectifs obligatoires.
Je suis convaincu que seule une approche multidisciplinaire, impliquant des acteurs provenant d'horizons différents, peut aboutir à des résultats décisifs.
A titre d’exemple, sur le territoire d’Issy-les-Moulineaux, le projet So Mobility, lancé en octobre 2015, réunit un consortium d’acteurs publics et privés engagés à faire la démonstration que le concept de « Smart City » appliqué à la mobilité urbaine peut véritablement fluidifier les déplacements. Ces entreprises sont issues des secteurs du numérique (Cisco), des transports (Transdev), de l’aménagement urbain (Bouygues Immobilier, Colas) et sont soutenues par la Caisse des Dépôts et les collectivités locales à travers Issy Média, la société d’économie mixte chargée de la communication et de l’innovation de la ville d’Issy-les-Moulineaux.
Le projet a trois objectifs :
1. Sensibiliser les acteurs publics et privés sur la nécessité de prendre en compte l’impact du développement des services numériques personnalisés sur les déplacements ;
2. Anticiper les travaux des futures gares du Grand Paris Express et leurs conséquences sur les déplacements des franciliens dans leur trajet domicile-travail ;
3. Expérimenter la combinaison de plusieurs solutions, techniques ou non, pour mesurer leurs effets sur les modifications de comportement des citoyens ;
Des groupes de travail thématiques ont réuni un écosystème composé des collectivités territoriales intéressées (Région Ile-de-France, Département des Hauts-de-Seine, Grand Paris Seine Ouest, ville d’Issy-les-Moulineaux), des entreprises spécialisées (Indigo, Ericsson, Sogeti, La Poste, EDF, Enidis, RATP, Cityway, V-Traffic, PayByPhone, MediaMeeting, Inov360, General Electric), des start-up (BePark, CityGoo, Cityzen, Diginove, Ellis Car, Koolicar, Mob&Car, Mentis, OneSitu, Opendatasoft, Padam, ParkingMap, RCI, Zenbus) et des acteurs académiques et institutionnels (pôles de compétitivité Cap Digital, Systematic, Move’o, Institut de Recherche SystemX, Ecole des Ponts, d.school, ISEP, les projets européens Ecim et OpenTransportNet). Ils ont identifié plusieurs axes de développement pour :
- Fluidifier la circulation grâce au Big data, c’est-à-dire aux données collectées à partir de capteurs. Un dispositif d’alertes par SMS, Twitter ou via des journaux électroniques d’information pourrait être mis en place par la collectivité à destination des automobilistes pour les informer des incidents importants impactant la circulation.
- Faciliter le stationnement, dont la recherche représente 20 à 30 % du flux de circulation dans les grandes métropoles, avec le développement du parking partagé au sein de résidents de logements ou d’entreprises ou la remontée d’informations en temps réel sur la disponibilité des places de stationnement en voirie ou en parking en ouvrage sur smartphone.
- Développer l’information multimodale pour changer les comportements. Une information personnalisée et géolocalisée en temps réel sur smartphone peut inciter les usagers à modifier leur manière de se déplacer.
- Anticiper les nouveaux modes de déplacements, comme l’autopartage entre particuliers, le covoiturage en milieu urbain, l’expérimentation de véhicules autonomes, notamment pour transports en commun.
Au printemps 2017, un pilote a été mené dans le cadre de l’appel à solutions innovantes de la Société du Grand Paris. Il avait pour objectif de réduire les nuisances autour des chantiers des futures gares du Pont de Sèvres, à Boulogne Billancourt, et d’Issy RER. Pour éviter le blocage de la circulation causé par la fermeture à la circulation d’une partie de la rue Aristide Briand à Issy-les-Moulineaux (13.000 véhicules/jour en semaine) et de la RD1 entre le Pont de Sèvres et le Pont Renault à Boulogne-Billancourt, début 2018 (34.000 véhicules/jour en semaine), il s’agissait de démontrer qu’en adoptant une démarche transversale, multimodale et multiservices, nous pouvions limiter l’impact des travaux en informant plus efficacement les automobilistes en amont et en leur proposant des solutions alternatives pour modifier leurs habitudes de déplacement sur les trajets domicile-travail.
La solution proposait ainsi :
- de tester l’utilisation d’une navette autonome pour les automobilistes invités à stationner leur voiture sur un parking de l’ile Saint-Germain et à rejoindre la station du tramway T2 la plus proche en traversant le parc. Plus de 2600 personnes ont testé la navette Easymile opéré par Transdev pendant 5 semaines, en mars et avril 2017, générant un taux de satisfaction de 93 % et le souhait de voir l’expérience pérennisée.
- d’installer des capteurs les places de stationnement situées dans et à proximité du parking Jean Monnet, sur l’ile Saint-Germain afin de collecter des données de disponibilité de stationnement. 300 places de stationnement, en voirie et en ouvrage, sont disponibles en temps réel via le portail opendata data.issy.com.
- de mettre en œuvre un « pass quotidien 2 heures » sur différents sites de coworking, type Nextdoor, permettant aux salariés de travailler près du domicile pendant les heures de pointe avant de prendre la route ou le tramway pour aller au bureau ;
- de rédiger un guide sur les infrastructures réseau Smart City permettant de dupliquer les solutions de mobilité ainsi testées.
A l’été 2017, La ville d’Issy-les-Moulineaux et Cap Digital ont lancé un challenge auprès de start-ups pour analyser les flux de mobilités et comprendre les flux de personnes sur un territoire, un dispositif d’open innovation soutenu financièrement par l’Etat. Deux entreprises ont été sélectionnées (Affini-Tech et Geosystemes) pour développer un POC. Les données utilisées sont issues de l’opendata, mais aussi des données mises à disposition par V-traffic, Zenbus et Citilog qui a installé un capteur vidéo sur la rue Camille Desmoulins, à Issy.
Mais il est clair que nous ne changerons pas les choses en nous limitant à la seule échelle d'Issy-les-Moulineaux. Pour moi, il s'agit de faire la démonstration que des solutions techniques ou de nouveaux usages existent et peuvent être rapidement déployés. A travers ces exemples, nous souhaitons souligner l’intérêt d’expérimenter une combinaison de solutions innovantes qui pourraient agir concrètement sur les déplacements en milieu urbain. Ces expérimentations pourraient atteindre pleinement leurs objectifs sur une échelle plus large que le seul territoire d’une ville comme Issy-les-Moulineaux. C’est pourquoi nous pensons indispensable de soutenir des projets à une échelle plus large.
Coach, coach agile; formateur; promoteur d'innovation managériale chez Renault Digital
6 ansTester pour apprendre avant de généraliser, avec des équipes pluri-disciplinaires ... quelques bons ingrédients de l'agilité. Bravo !