Engagement & Mobilisation dans les sessions à distance
Beaucoup de choses ont changé depuis ces derniers mois, dans nos habitudes de vie mais aussi dans nos habitudes de travail. Dans un article précédent, je parlais de l’évolution de notre rapport au lieu de travail avec les confinements successifs, et la mise en place du télétravail. Ces nouvelles modalités vont peut-être se modifier en fonction des évolutions sanitaires, mais elles ont déjà eu un fort impact sur la façon dont nous fonctionnons ensemble, avec notamment la multiplication des « réunions à distance ». Les experts en travail collaboratifs ont multiplié les idées ingénieuses pour que continue la possibilité de créer des temps virtuels où l’intelligence collective se met au service de la résolution de problèmes complexes, s’appuyant notamment sur un ensemble d’outils digitaux. Ces sessions à distance ont plusieurs avantages, dont l’un des principaux est la possibilité d’avoir des participants provenant d’un peu partout dans le monde. Cependant la généralisation de ce nouveau mode d’atelier s’est accompagnée d’un effet a priori anodin, mais plus dangereux qu’il n’y paraît : être pleinement présent dans ces réunions auxquelles on participe depuis notre maison ou appartement, dans le confort (ou l’inconfort) de l’espace que nous avons aménagé est un vrai défi. Les possibilités de « décrocher » sont nombreuses, et il est très facile de se détourner de son écran pour faire autre chose, ou d'un simple basculement de fenêtre être absorbé ailleurs. Et la multiplication des réunions n’aide pas : c’est un créneau de plus dans nos journées déjà truffées de visio, que l’on enchaîne bien souvent d’un simple clic sans aucune pause pour se reconcentrer.
Pourquoi est-ce dangereux ? Parce que l’engagement et la mobilisation des participants sont deux composantes essentielles pour que les temps collaboratifs soient générateurs d’impact.
Dans le monde d’avant, celui d’il n’y a pas si longtemps même si cela semble un peu lointain, la très grande majorité de ces sessions de travail se passaient avec l’ensemble des participants dans un même lieu physique, où nous attendions que tous soient présents pour pouvoir démarrer, et prenions soin d’avoir tout le monde jusqu’au terme de l’atelier, qui s’étalait régulièrement sur plusieurs journées contigües. Le choix de la bonne date pour pouvoir mobiliser chacune et chacun était souvent un moment de préparation important, car il fallait « faire de la place dans les agendas ». L’unité de temps et de lieu étant essentiels, cela nécessitait que chacun puisse se rendre disponible, et venir parfois de loin. Être présent était le premier signe de reconnaissance des enjeux de la session.
Aujourd’hui, nous participons à tellement de réunions à distance qu’un atelier collaboratif ne se différencie plus tellement de nos autres réunions : nous sommes physiquement dans le même endroit que la réunion précédente, devant notre ordinateur avec un casque vissé sur nos oreilles. Bien sûr l’apport du design et de la facilitation permettent de travailler différemment, mais globalement l’engagement des participants est devenu beaucoup plus difficile à mobiliser. Se retrouver face à un écran plein de cases noires avec les initiales des participants qui avaient coupé leur caméra est aujourd’hui monnaie courante.
Comment faire pour remettre cet engagement, si crucial, à nouveau au cœur de nos sessions collaboratives ? Je vous livre ci-dessous une liste non exhaustive de points à travailler :
· Rédiger l’invitation avec soin : nos journées sont ponctuées d’invitations qui emplissent nos boîtes mail et garnissent nos agendas. Ces « save the date » sont souvent réduits à leur libellé et aux coordonnées de la visio à rejoindre. Pour que la réussite soit au rendez-vous, l’ensemble des participants doit percevoir l’importance de la session et soit donc enclin à se mobiliser. Pour cela, ne vous contentez pas d’un simple ajout de créneau dans l’agenda. Travaillez minutieusement avec les sponsors le texte d’invitation, mettez l’emphase sur l’importance de la présence de chacun, et que leur participation active est une clé pour la réussite de l’atelier et l’atteinte d’objectifs ambitieux. Permettez-leur de mesurer l’importance de ce temps à la fois pour eux, pour le groupe et pour l’organisation.
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· Engager le sponsorship et le leadership. L’engagement des sponsors, comme décrit dans le livre de Philippe Coullomb et Charles Collingwood-Boots « Collaboration by Design » qui y consacre toute sa première partie, est essentiel. Il débute dès les premières phases de préparation et est notre priorité. Veillez à ce que vos sponsors agissent en « rôle modèle » avant, pendant et après l’atelier et permettez-leur de comprendre en quoi c’est déterminant pour l’engagement et la mobilisation de tous. Le moment d’introduction par les sponsors doit être un moment de leadership mobilisateur, permettant de comprendre l’importance de se réunir, même à distance, pour travailler collaborativement à l’atteinte d’objectifs ambitieux. Travaillez avec eux ce moment clé, car il est encore plus important en virtuel. Autant en présentiel nous avons le retour direct des participants : nous pouvons mesurer à leur regards, leur posture, leur réceptivité aux messages d’introduction, autant par vidéoconférence c’est beaucoup plus difficile (surtout si les caméras sont éteintes !). Mettez le digital à profit pour favoriser l’expression des participants en réaction à ce qu’ils ont entendu, avec une séquence de questions / réponses via la fonction chat par exemple, ou le recours à des outils dédiés tels que Mentimeter ou Klaxoon.
· Organiser la mesure de l’engagement et faciliter activement tout au long de la session. Ce qui était facilement perceptible dans une session présentielle (langage corporel, attitudes, qualité des interactions des participants) pour prendre « le pouls » du niveau d’engagement des participants, est devenu incroyablement plus compliqué par écrans interposés. Nous devons d’autant plus nous attacher à recueillir l’état d’esprit, le niveau de concentration et la mobilisation de tous. Que cela soit par design, ou avec l’aide d’outils digitaux, nous devons déployer des « capteurs » pour a minima acter la baisse d’attention, éventuellement adapter le déroulement de l’atelier, quitte à faire de la place pour un moment de remobilisation. Cela peut paraître plus difficile à mettre en place, intrusif pour les participants et parfois chronophage, mais c’est essentiel.
· Mobiliser les leviers de facilitation : en lien avec le point ci-dessus, vous devriez pouvoir vous appuyer sur les leviers comme la musique, la visualisation, le design d’espace même virtuel, etc.). Le Digital a mis ces leviers au second plan mais ils est important de les remettre au service de l’expérience car ils agissent sur l’engagement. Au niveau vidéo par exemple : bien que puissantes, les solutions de visioconférence fournissent une expérience audio/vidéo somme toute assez frugale. Nous avons régulièrement recours à des productions vidéo avec un niveau de qualité qui permet d’augmenter l’expérience immersive des participants, et par le fait de créer un moment engageant et mémorable pour eux. Nous avons toujours eu au cœur de nos pratiques la sollicitation de ces leviers pour fournir une expérience unique et différente des réunions habituelles. Favoriser la rupture cognitive, casser le rythme très cérébral de nos conversations devant un écran passe par l’invention ou la ré-invention de ces leviers.
· Envisager le report comme une solution de dernier recours. La tentation est devenue grande (et reconnaissons-le, c’est de venu une pratique courante) de décaler une session collaborative pour diverses raisons. Après tout, il suffit de trouver un nouveau créneau de libre. Pour les participants l’impact peut sembler mineur. Or cette pratique érode d’autant la perception de l’enjeu. La facilité apparente ne doit pas masquer ce danger. L’une des premières questions que je pose à mes sponsors quand je commence la préparation de sessions collaboratives est : « En quoi est-ce important de faire cette session maintenant (ou dans un horizon proche) plutôt qu’à un autre moment ? ». Si la réponse apportée est floue, une alerte s’allume dans ma tête car je sais que si les sponsors ne sont pas conscients de l’importance du moment, il y a fort à parier que les participants ne le soient pas non plus et donc moins enclins à se mobiliser. Je les accompagne alors pour que l’enjeu de la session s’inscrive dans la bonne temporalité, et qu’elle soit correctement positionnée dans le temps . Le passage aux sessions en virtuel ne devrait rien changer à cela, et nous devons continuer à envisager tout report comme une exception liée à un événement majeur.
Le changement de média doit être vu comme une opportunité tout en continuant à maintenir des standards d’excellence au plus haut niveau en matière de collaboration. Les fondamentaux restent pertinents et la création d’expérience s’appuie sur des leviers différents, mais tout aussi importants à maitriser pour garantir l’engagement et la productivité. Nous avons tous besoin de sentir que notre temps et notre énergie sont employés au bon endroit et de comprendre le sens de ce que nous faisons. Nous le perdons parfois de vue, et ces quelques tips, devraient permettre à vos participants de maintenir leur engagement tout au long de l’atelier. Vous aurez de plus en plus de visages dans la mosaïque de votre écran – c’est le premier indicateur auquel je suis vigilant – et des temps collaboratifs qui gagnent en impact.
Facilitatrice & Coach
2 ansBel article Coach ! J’aime beaucoup l’idée de la présence comme reconnaissance des enjeux de la session.