Entrée en compétition
A l’heure de la Coupe du Monde de Rugby, les analogies sport et management se multiplient. Les nombreux consultants sportifs, en particulier ceux qui interviennent en entreprise, ont tendance à se focaliser sur la dimension motivationnelle de la performance – la seule réellement transférable dans leurs « Feel Good » shows bien orchestrés. Pourtant les convergences sont plus vastes avec la performance en entreprise.
Les leviers communs de la performance
- Vision : le sport de haut niveau demande une vision de la performance, certes plus binaire - seule la victoire est belle – que celle de l’entreprise, laquelle s’apparente à celle du coach ou entraîneur lambda : se projeter sur un modèle de croissance et de profit - comme sur un choix d’équipe et de style de jeu - avec des objectifs quantifiés, une ambition compétitive partagée !
- Préparation : les trois règles du succès – « prepare, prepare, prepare » ; le plan d’actions de l’ambition - la haie dans le salon de Bruce Jenner[1], les entraînements en bottes dans la boue d’Emile Zatopek[2], la répétition infinie des gestes du tennisman d’Agassi à Nadal ; de même une négociation, un commandement, un simple rendez-vous client se préparent intensément, à la fois mentalement et physiquement[3].
- Anticipation : “prepare for the unexpected” : ce que l’on n’apprend que dans la défaite ! L’un de mes mentors nous invitait pour certaines négociations majeures à se projeter au lendemain de la décision et à imaginer les conséquences de la défaite, et cela afin de penser à tout ce que l’on aurait pu tenter ou faire autrement pour réussir contre les éléments ou face à un adversaire favori !
- Leadership : du coach au capitaine ; comme je l’indiquais ci-dessus, c’est le sujet le plus facilement transférable du sport vers l’entreprise – la motivation individuelle ou collective, qui permettent à un champion de skis de bosses ou de sauts de haies [4] de toucher un public d’entreprise ; aussi le choix du capitaine comme allégorie de leadership – à juste titre, toutes les grandes équipes ont des grands capitaines ; et parmi les grands entraîneurs de l’histoire, on a toujours distingué les grands motivateurs et le grands tacticiens – Alex Ferguson vs Pep Guardiola, José Mourinho vs Arsène Wenger !
- Psychologie - la gestion des caractères : le talent est émotif, le tempérament peut conduire à de nombreux excès, gérer les caractères individuels (et les stars) est un grand savoir-faire de coach, pas inutile dans l’univers de ces grands fauves professionnels que sont les traders et/ ou commerciaux, les partners de professions libérales et autres entrepreneurs. Comment Alex Ferguson sût coacher l’indomptable Eric Cantona relève du grand art managérial !
Les valeurs que le sport aide à développer :
- La ténacité : ne jamais croire que c’est perdu, car toute situation peut se retourner, parce que les grands sportifs sont justement ceux « qui ne lâchent rien », que ce soit un Djokovic, roi des 5èmes sets ou tel athlète dont le finish exceptionnel permît des victoires miraculeuses[5] .
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- L’humilité : souvent citée mais si peu pratiquée dans l’univers professionnel – ne jamais croire que c’est arrivé, ne jamais sous-estimer l’adversaire, savoir écouter ses propres équipes, se garder de l’euphorie des premiers succès et à terme de l’hubris !
- Le courage : essentiel aussi en entreprise, faire face, assumer ; nous avons tous connu des leaders courageux, qui assurent dans une situation tendue et malheureusement ceux qui ne sont agressifs que devant leurs affidés mais pleutres devant l’adversité ! Ainsi de l’effet Lomu, la peur de se faire marcher dessus – au sens propre du terme avec ce rugbyman exceptionnel : cette crainte de l’humiliation est chez certains un levier formidable de résistance et d’évitement comme l’avait montré l’équipe de France de 1999 ; par déclinaison, un éloge de l’effort face au talent – le slogan d’Avis ‘We try harder’
Pour conclure, je dirai que le principal enseignement managérial du moment est celui de l’intensité – les fameux « entraînements à haute intensité » de Fabien Galthié. Le dirigeant, le coach le capitaine doit savoir à la fois maintenir l’intensité collective de ses troupes – en particulier lorsque la routine risque de s’installer – et aussi monter ce niveau d’intensité lorsque les circonstances le demandent. Et ça non plus, çà ne s’improvise pas !
[1] Bruce Jenner, champion olympique de décathlon en 1976 à Montréal
[2] Champion olympique toutes longues distances, y compris le marathon à Helsinki en 1952
[3] Choix vestimentaire, sudation, taux de sucre …
[4] Edgar Grospiron et Stéphane Diagana respectivement aux interventions desquels j’ai eu l’occasion d’assister
[5] La ligne droite de Marc Raquil et le titre mondial du 4x400m français à Paris en 2003