Entre petits et grands écrans
Jacques Attali & Teddy Riner - Photo montage personnel

Entre petits et grands écrans

Quel bonheur de voir la joie d’une équipe de judo française triompher sur des dojos japonais toujours si respectueux; Quel bonheur de voir toute l’élégance de Teddy Rinner, notre Roi du Judo, un empereur respecté par ses adversaires qui lui concèdent très respectueusement une nouvelle médaille olympique à Tokyo, sur leurs terres, à lui et à toute son équipe de France. Quel bonheur encore tous ces mots pour exprimer la joie des vainqueurs à l’issue d’un combat long et souvent incertain, tout au long de combats rudes qui n’en faisaient qu’un. 

Quel bonheur de les voir tous enlacés dans les bras les uns des autres en cette pleine olympiade du COVID. 

Une fois encore la France « Bleu, Blanc, Noir …ou Beur » venait de triompher au nez et à la barbe de cette France frileuse incarnée par de piètres journalistes sportifs toujours avides à faire transpirer leurs esprits très nationalistes alors même que les Olympiades appellent les jeunesses du monde entier à se tenir la main. La grande classe de l’intelligence métissée et la force du groupe, le vrai travail et la vraie fraternité récompensés qui triomphent fort heureusement de ces petits « maîtres à penser » de France Tel. toujours emprunts de chauvinisme discourtois devant nos hôtes. Messieurs (…mais pas Mesdames), vous nous faites honte.

Apprenez donc de ces splendides samouraïs japonais la retenue, votre ego ne s’en portera que mieux, notre diplomatie française également. Vous trouverez dans ces combats une leçon toute significative sur votre parcours en route vers une humilité toujours à gagner dans la vie…

Et puis j’ai ouvert mon ordi. 

J’ai lu un brillant article de Jacques Attali sur le site du CISRD (Centre for International Relations and Sustainable Devlopment). que je vous invite également à lire. Un peu long mais si emprunt de vérité pour cette époque que nous traversons.

C’est alors entre la victoire de Teddy et les écrits de Jacques que je me suis rappelé de cette civilisation « civiLego » à laquelle Jacques faisait déjà référence dans son livre «  Dictionnaire du XXIème siècle » en 1998 alors même que cet été là nous bondissions de joie à la victoire de Zizou et de son équipe de football. Monsieur Attali nous invitait à contempler cette nouvelle civilisation du futur. Ne serait-elle pas là, en cet été 2021 et ces olympiades, cette civilisation « civiLego » que vous appeliez de vos voeux dans votre essai???... Nous sommes nombreux à l’espérer.

Pour mémoire, vous écriviez Cher Jacques ( Extraits tirés du "Dictionnaire du XXIème siècle" ): 

« …Selon la loi de Moore, la complexité d'une puce électronique augmente de moitié tous les dix-huit mois. Selon la loi de Metcalfe, la valeur d'un réseau augmente avec le carré du nombre de ceux qui l'utilisent. Selon la loi de Kao, la créativité d'un groupe augmente exponentiellement avec la diversité et la divergence de ceux qui le composent. La complexité augmentera donc avec la technologie, la connexion et la diversité. Elle sera facteur de création, culminant dans le civiLego. 

Ainsi et équations faites, la civilisation de l’avenir ne sera pas faite d’un modèle uniforme, fusion de toutes les civilisations autour du modèle occidental, individuel et laïc, ni de la crispation de chaque civilisation sur elle-même; mais d’un gigantesque bric-à-brac où chacun pourra se choisir un système de valeurs en associant à sa guise et à l’infini, parmi tous ceux qui seront disponibles, des éléments pris dans les philosophies, les idéologies, les systèmes politiques, les cultures, les religions, les arts des multiples civilisations existantes. L’Afrique et l’Amérique latine, où se marient déjà des cultures locales et celles des colonisateurs, seront à l’avant-garde du civiLego. 

Ce sera la civilisation des civilisations. Le civiLego organisera l’harmonie entre tous les métissages, les rendra tolérables les uns aux autres, les incitera à devenir générateurs de différences nouvelles. L’acceptation du neuf comme bonne nouvelle, de la précarité comme valeur, de l’instabilité comme confort, du métissage comme richesse, renouvellera sans relâche le civiLego, créateur de nouvelles tribus de nomades porteurs de solidarités originales.

La civilisation - ce qui s’oppose à la barbarie - restera le principal trésor humain à préserver.

Les civilisations - ensembles spécifiques de valeurs assurant l’identité culturelle d’une société autour d’une religion, d’une langue, d’un mode de vie, d’une histoire, d’institutions, etc. - se dissoudront peu à peu en un gigantesque puzzle de valeurs.

Si l’on s’en tient aux définitions élémentaires, il existerait aujourd’hui de six à neuf grandes civilisations: chinoise, japonaise, indienne, africaine, islamique et occidentale, celle-ci étant subdivisante en européenne, russe, américaine et latino-américaine. En réalité, toutes ces civilisations se recoupent, s’interpénètrent et se métissent au point que d’aucuns croient pouvoir prophétiser une fusion des civilisations existantes en une civilisation de marché universelle. Mais la globalisation des marchés et des modèles de consommation n’uniformisera ni les cultures, ni les langues, ni les religions. On ne va pas vers une généralisation du modèle occidental, lui-même en perpétuelle évolution, ni même vers une civilisation métisse, mais vers une sorte de bric-à-brac de fragments de civilisations: le civiLego.

D’autres observateurs prévoient la fin de toutes civilisations dans un chaos général. D’autres enfin parlent de « guerres de civilisations »; selon eux, celles-ci s’affronteront en des batailles à géométrie variable. 

Comme à la fin de l’Empire romain, il est probable qu’on assistera à la lente révolte des régions périphériques contre le Centre, c’est-à-dire de tous les autres contre l’Occident. Mais risquent de s’opposer davantage entre elles les civilisations qui se ressemblent, leurs désirs étant mimétiques.

Les civilisations résisteront d’autant mieux qu’elles sauront accueillir et assimiler des valeurs venues d’ailleurs, qu’elles se révéleront assez mobiles pour ne pas s’abandonner à la déception d’un échec et pour échapper à leurs propres impasses, assez complexes pour garder souvenir de l’horreur et ne jamais renoncer à nourrir un rêve intérieur. 

« J’appelle peuple l’universalité des habitants du royaume » — Philippe Pot, ancien sénéchal de Bourgogne (1484).

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