[#EntreprisePolitique] Un modèle d’entreprise pour le XXIe siècle

[#EntreprisePolitique] Un modèle d’entreprise pour le XXIe siècle

Il y a une semaine, je vous annonçais la volonté de la MAIF de devenir une « société à mission » comme le permet désormais la loi PACTE. J’espère que de nombreuses entreprises nous suivront dans cette voie exigeante mais extrêmement stimulante. Si vous voulez mieux comprendre ce qui nous a conduit à prendre cette décision, je vous invite à parcourir ce nouvel extrait de mon livre.

Affirmer la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise a été une étape nécessaire ; elle n’est plus suffisante. Le temps est venu d’assumer une véritable responsabilité politique de l’entreprise. Cette perspective est inéluctable, c’est ma ferme conviction. Un jour, la pression des salariés, des consommateurs, des épargnants finira par inciter de nombreux dirigeants à faire évoluer leurs pratiques. Mais il sera bien tard alors. Tard pour une planète qui se consume, tard pour une société qui se déchire. Tard aussi pour des entreprises devant évoluer sous la contrainte et dans l’urgence, n’ayant pas anticipé une mutation pourtant prévisible. Je mesure les réserves, l’hostilité parfois, de beaucoup de chefs d’entreprise, notamment en France. J’en comprends les craintes. Ils redoutent, pris dans une compétition mondiale sans merci, de subir des contraintes supplémentaires lourdes et coûteuses, et facteurs de risques accrus.

Je crois, pourtant, que le risque le plus important serait de poursuivre la stratégie du moins-disant actuellement dominante. Car il se trouvera toujours un pays prêt à offrir un taux d’imposition plus faible, une main-d’oeuvre plus corvéable ou un environnement réglementaire plus laxiste. Nous ne nous imposerons pas contre nos concurrents chinois ou américains avec leurs propres armes. On ne combat jamais avec succès sur le terrain d’autrui.

Nous avons l’occasion de développer un facteur de différenciation réel, conforme à une certaine tradition européenne de prise en compte de l’intérêt général.

Il sera progressivement attendu du plus grand nombre et pourra s’imposer demain comme un avantage concurrentiel déterminant. Pour y parvenir, les bonnes volontés mouvement générale ne peut pas dépendre seulement du niveau de conscience, de « concernement », de sensibilité à ces sujets des dirigeants. Aussi est-il indispensable d’accompagner la demande sociale qui se fait jour, de l’encourager, de la stimuler et de lui donner les moyens de reconnaître les entreprises selon la réalité et la profondeur de leur impact. L’exemple du bio nous en fournit une bonne illustration. D’un mouvement de contestation, il y a déjà quelques décennies, contre les excès de l’agriculture intensive, nous sommes passés peu à peu à une prise de conscience plus générale sur les risques que certaines pratiques agricoles pouvaient constituer tant vis-à-vis de l’environnement que de notre santé. Cette prise de conscience a fini par se traduire en actes, ceux de notre vie quotidienne, et en normes, notamment l’obligation d’information sur chaque produit.

Il est essentiel à la fois d’éduquer le consommateur, de le sensibiliser à l’importance des choix qu’il opère et de lui donner les moyens de comparer de manière objective afin d’opérer ses choix en conscience et en liberté.

C’est tout l’intérêt des labels distinguant les entreprises soucieuses de l’intérêt général et de leur environnement. C’est aussi tout l’intérêt des applications proposant, sur la base de critères d’impact, une évaluation et un classement des entreprises par secteur d’activité.

C’est une logique assez proche qui soustend les dispositions de la loi PACTE (loi portant Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, adoptée au printemps 2019) et la nouvelle conception de l’entreprise qu’elle promeut. Cela constitue l’aboutissement d’un long cheminement au cours duquel la notion d’impact a pris une place croissante, les entreprises étant progressivement incitées à réfléchir au-delà d’elles-mêmes. Le rapport rendu par Nicole Notat et Jean-Dominique Senard en a été l’une des dernières étapes et a eu le formidable mérite de préparer les esprits en rapprochant deux notions jusqu’alors disjointes, celle d’entreprise et celle d’intérêt général, affirmant la conviction qu’une entreprise a une substance non réductible au seul profit.

S’ensuivent trois innovations juridiques :

  • à travers d’abord une évolution du code civil qui consacre désormais l’idée qu’une entreprise, au-delà de son intérêt propre, doit considérer les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. Cette première disposition, qui s’impose à toutes les entreprises, constitue un symbole fort qui va rendre incontournable le débat sur leur finalité, participant ainsi, on le souhaite, à une large prise de conscience.
  • La seconde disposition, facultative, est la possibilité offerte aux entreprises de se doter d’une raison d’être plus large que leur objet social.
  • Enfin, un troisième dispositif, également facultatif, introduit le concept de « société à mission », intégrant la définition d’une mission, d’engagements concrétisant la mise en oeuvre de cette mission, ainsi que de moyens, internes et externes, de contrôler le respect de ces engagements. Pour celles des entreprises qui accepteront de modifier leurs statuts pour devenir effectivement des « sociétés à mission », cela constituera une véritable révolution conceptuelle : l’entreprise ne sera plus réputée poursuivre exclusivement un objet social tourné sur elle-même, sa croissance et sa rentabilité, mais affichera officiellement, et même statutairement, des objectifs de contribution à un mieux commun.

La société à mission offre ainsi un cadre institutionnel aux entreprises qui s’inscrivent dans cette dynamique d’engagement. Pas d’obligation pour toutes, mais une valorisation de celles qui auront à coeur d’être en avance et d’entraîner derrière elles, gageons-le, beaucoup d’autres.

Naturellement, la force du dispositif dépendra des moyens que la puissance publique mobilisera pour populariser cette innovation auprès d’un large public.

La société à mission ne se développera qu’à proportion de l’engagement des consommateurs eux-mêmes. La crédibilité de la démarche dépendra également du niveau d’exigence fixé : après le green washing, rien ne serait plus contre-productif que de donner prise à la critique du « purpose washing ». Le niveau d’exigence pour bénéficier de ce statut doit être élevé. Et, naturellement, la tenue des engagements doit être rigoureusement contrôlée. La légitimation des entreprises pionnières ne sera garantie que par des processus de labellisation rigoureux dans leur méthode et dont le contrôle sera confié à des organismes incontestables.

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D'autres extraits de mon livre :

=> L’entreprise du XXIème siècle sera politique ou ne sera plus

=> Sois le changement que tu veux voir dans le monde

=> Financer le mieux commun

Denis ULENS

Courtier en assurances, né en PPM 317

5 ans

Je viens de finir votre livre. Merci de votre action. La tâche est énorme mais l'enjeu en vaut la chandelle... mais je suis convaincu, comme vous, que les entreprises qui s' investissent dans cette démarche auront une rentabilité à moyen terme. De plus, nous le devons à nos enfants. Respect !

Hubert GENIEYS

Direction Générale I Communication I Relations Exterieures I RSE I Partenariats

5 ans

Du Label B.Corp à la loi Pacte, les entreprises s'engagent. Un nouvel exemple à suivre

FRANCK GOUPILLE

Chief People Officer, HR Director, ESG, Transformation, Board Member, Senior Advisor, Lauréat 2024, Healthy Business Leaders RH

5 ans

Excellent ouvrage, vibrant, inspirant et engageant : Merci !!!

François-Noël TISSOT

Stratégie d’identité. Dispositifs d'intégration. Habitat d’entreprise.

5 ans

L’entreprise n’a-t-elle pas toujours été « politique » ? Dès les « enclosures ». Seul ce « politique » autorise la légitimité d’un nouvel ordre social, et l’adhérence aux modalités de la contrainte et de la soumission.

Isabelle Tanguy 🌊

J'accompagne au développement de la coopération dans votre organisation / Intelligence collective / Coach professionnel 🌺

5 ans

Bravo à la MAIF de montrer le chemin.  En tant que consultante & coach, ravie de voir votre entreprise/mutuelle continuer son chemin vers un modèle prônant la responsabilité. Et en tant que sociétaire, doublement ravie de voir mes valeurs incarnés dans la mutuelle à laquelle je contribue.

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