Entrevue sur l’engagement du luxe en faveur de l’innovation environnementale
Entrevue avec Sarah Onanga, Marine et Laura de l’Ecole Internationale de Marketing du Luxe pour la Cité du Luxe au sujet de l’engagement du luxe en faveur de l’innovation environnementale – LUXE et RSE
Mr O'Rinel, pourquoi pensez-vous aujourd’hui que le secteur du luxe s’empresse de s’engager dans l’innovation environnementale ?
En premier lieu car il est un secteur en retard en rapport avec les autres industries.
En second il est soumis au principe « Claim for Trust & Transparency » qui guide les consciences et les actes d’achats pour de plus en plus de clients.
Pensez- vous que le monde du luxe soit assez engagé en faveur de l’innovation environnementale ?
Ou y a-t-il encore beaucoup de chemin à parcourir ?
Ø Non, il n’y a pas assez d’engagement et en particulier sur le volet environnement. Les lignes ont commencé à bouger depuis dix ans pour certains métiers, certaines marques et certains groupes, toutefois quand on prend l’ensemble, c’est peu.
Ø Oui il y a un chemin encore très long à parcourir pour répondre à cette urgence planétaire et cette attente sociétale.
Pensez-vous que les marques de luxe sont et seront prêtes à dépenser plus de budget en R&D pour trouver de nouvelles solutions en faveur de l'environnement ?
C’est déjà le cas pour certaines et cela devient un impératif pour les autres. Et attention celles qui rateront la marche s’en voudront.
Il n’y a pas qu’en R&D qu’il faut dépenser, il faut surtout mettre en place une stratégie RSE à long terme et cela inclut entre autres la recherche sur le principe de l’éco-innovation.
Selon-vous, dans quel secteur du luxe l’innovation environnementale est la plus forte ?
En réponse je soulignerais plutôt ici les initiatives sectorielles encourageantes de la mode responsable, de la gastronomie et du vin, de l’hôtellerie et des cosmétiques.
Quelles sont selon vous les meilleures innovations environnementales dans le secteur du luxe ?
Les meilleures sont surtout les plus efficaces en réduction des impacts. A ce titre il faut noter que ce sont les services achats qui ont le principal levier en main.
Que ce soit la mode qui revoit ses matières, la production organique qui mute vers l’agro-écologie, ou la maison Piaget qui mesure sa neutralité carbone, toutes sont exemplaires.
Prenons pour conclure un exemple singulier : Clarins qui est un acteur engagé a procédé en 2011 à l’inventaire des plantes médicinales dans l’importante forêt boréale de Mongolie.
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L’engagement en faveur de l’innovation
Quels moyens et ressources dédiés à la recherche et au développement une marque a pour servir ses engagements en faveur de l’innovation ?
Entre savoir-faire et tradition, le luxe nous fait rêver depuis des siècles. Mais dans un monde où tout s’accélère et où les clients exigent toujours plus de transparence, les grandes marques doivent sans cesse se réinventer pour continuer à exercer leur pouvoir d’attraction. L’industrie du luxe a profité de la mondialisation financière et de l’arrivée du numérique pour se transformer, inventer de nouvelles expériences, mais surtout de nouvelles initiatives en termes de traçabilité et d’engagement.
Partie I - Pourquoi les maisons de luxe s’engagent-elles dans l’éco-innovation ?
Depuis quelques années, l’environnement est de plus en plus au cœur des préoccupations et dans les débats d’actualités quotidiens, autant dans la sphère publique que privée : toutes les industries sont concernées, et la prise de conscience est globale. L’industrie de la mode serait la 2ème industrie la plus polluante au monde après l’industrie pétrolière : selon un rapport du “Pulse of the Fashion Industry” ainsi que du cabinet d’audit BCG, en 2015, le secteur textile a émis 1,715 millions de tonnes de CO2, puis utilisé 79 milliards de mètres cubes d’eau et engendré 92 millions de déchets solides. Mais ces chiffres astronomiques sont-ils réellement moteurs de l’éveil de l’industrie du luxe ?
Une réelle attente d’engagement de la part du consommateur d’aujourd’hui
Aujourd’hui, la transition vers une industrie du luxe plus engagée n’est plus en option : elle devient nécessaire. En effet, comme l’exprime Mike O’Rinel, professeur de RSE à l’EIML Paris, “le luxe serait en retard par rapport aux autres industries et serait soumis au principe « Claim for Trust & Transparency » qui guide les consciences et les actes d’achats pour de plus en plus de clients”. De plus, on remarque également que lorsqu’une maison fait un faux pas en matière d’éthique, ses actions sont décriées sur la place publique et la foudre des réseaux-sociaux s’abat, instaurant ainsi sur les marques une certaine pression : celle de l’obligation de l’engagement, à la fois éthique, mais aussi environnemental.
Pour que ces engagements soient pris aux sérieux par les consommateurs, les marques se doivent aujourd’hui d’être totalement transparentes vis à vis de leur traçabilité, elles doivent faire les preuves de leur engagement et sans cesse montrer et prouver. Comme l’exprime Cécile Lochard, directrice communication du pôle RSE chez LVMH, “On passe peu à peu du classique storytelling au story proving”. Et pour Mike O’Rinel, expert RSE chez OMI et professeur de développement durable dans le luxe à l’EIML Paris, “il devient primordial qu’une marque mette en place une stratégie RSE sur le long terme. En premier lieu car le secteur du luxe est en retard par rapport aux autres industries, mais également car il est aujourd’hui soumis au principe “Claim for Trust & Transparency” qui guide les consciences et les actes d’achats de plus en plus de clients”.
Des leaders d’opinions qui poussent les marques à l’engagement
Chaque grande cause mobilise son lot de célébrités : égéries, stars de cinéma, influenceurs, créateurs de start-up... Les « leaders d'opinion » relayés sur les réseaux sociaux s'emploient tous azimuts à défendre l'environnement. « C'est la nouvelle façon d'être cool », résume Sandrine Raffin, fondatrice du cabinet de conseil Linkup Factory. Ces stars jouent leur rôle à fond afin de faire évoluer les comportements des citoyens en matière d’environnement.
Mike O’Rinel, précise à ce propos : “ il n’y a pas assez d’engagement et en particulier sur le volet environnement. Les lignes ont commencé à bouger depuis dix ans pour certains métiers, certaines marques et certains groupes, toutefois quand on prend l’ensemble, c’est peu. Il y a un chemin encore très long à parcourir pour répondre à cette urgence planétaire et cette attente sociétale”.
Partie II - L’engagement en faveur de l’innovation environnementale
L’industrie du luxe prend des mesures concrètes pour l’éco-innovation
Afin d’entamer des démarches et remédier à ces chiffres colossaux, a été créé en 2011 la “Sustainable Apparel Coalition” (auxquels les leaders du marché, LVMH et KERING et plus de 200 autres acteurs de la mode ont adhéré) permettant aux marques d’avoir des chiffres concrets concernant leur empreinte écologique ainsi que leur impact environnemental, et d’y remédier efficacement par la suite avec des démarches plus concrètes. Ce sont donc les grandes maisons qui donnent le rythme pour faire avancer les choses.
Pour Marie-Claire Daveu, directrice du développement durable chez Kering, “les pratiques nouvelles doivent venir du sommet, sinon cela ne fonctionne pas”. De plus en plus, nous assistons à des actions RSE concrètes et visibles des entreprises du secteur qui, petit à petit, influencent toute l’industrie. A l’instar de la pionnière dans le domaine, Stella Mc Cartney, tour à tour, les grandes maisons telles que Gucci, Armani ou encore Versace et Chanel décident d’abandonner la vraie fourrure et les peaux exotiques au profit de nouvelles techniques innovantes de fourrure et de cuirs végétaux.
Des fusions entre luxe et startups éco-innovantes
De plus, les grandes maisons et grands groupes tels que LVMH s’associent désormais avec des “startups green” afin d’acquérir leur savoir-faire biotechnologique et créer de nouvelles alternatives aux principaux problèmes causés par les fabrications de tissu traditionnels. L’entreprise Bold Threads ainsi que Ecopel et Algknit font partie de ces startups innovantes qui travaillent avec les acteurs du luxe pour fournir des soies, fourrures et autre textiles synthétiques ou à base de végétaux.
Dans cette même ligne directrice, de plus en plus de fonds d’investissements et plateformes d’innovations sont créées avec l’appui des grands noms du secteur telles que “Fashion Tech Lab” ainsi que “Fashion For Good” (auquel Kering s’associe), permettant les avancées techniques concernant la mode environnementale.
Afin de servir ses engagements en faveur de l’innovation, les marques de luxe doivent donc utiliser différents types de moyens et ressources dédiés à la recherche et développement tels que de nouveaux procédés environnementaux. Ces innovations environnementales ont permis aux marques de luxe de repenser leur manière de consommer et de produire, mais aussi de réduire leur impact écologique.
D’après Mike O’Rinel, certaines marques “sont prêtes à dépenser plus de budget en R&D” mais le plus important reste “à mettre en place une stratégie RSE à long terme en incluant entre autres la recherche sur le principe de l’éco-innovation”. Ces différentes actions en faveur du développement durable, suscitent un fort engouement des clients qui voient les marques s’engager de plus en plus. Cependant, certaines questions se posent : les cuirs végétaux et autres tissus de synthèse et alternatifs feront-ils l'avenir de la maroquinerie et du textile ?
Seront-ils à la hauteur des exigences de la clientèle du luxe ? Quels seront les impacts en termes d'image de marque ? Les marques garderont-elles leur légitimité ?