Erreurs stratégiques: Mitsubishi, Volkswagen, Suzuki

Quand la stratégie est souillée par le mensonge... Les récents scandales de Mitsubishi et Volkswagen lèvent le voile sur le laid visage de l'acharnement de dirigeants dans leur quête inassouvie de profit. Un acharnement qui les exhortent à élaborer des stratagèmes frauduleux pour doper la performance fictive de leur entreprise. Tôt ou tard, la vérité finit par être divulguée. Les dommages qui en découlent sont colossaux : réputation ruinée, image entachée, chute de l'action, licenciements, pertes financières, etc. Une aura de méfiance s'installe alors autour de l'entreprise. Un mauvais karma s'amorce. Outre Mitsubishi et Volkswagen, Suzuki vient d'admettre la commission de manœuvres frauduleuses. 

Quand Volkswagen ment...

Pour déjouer les contrôles gouvernementaux, Volkswagen a conçu et installé sur certains de ses véhicules un logiciel sophistiqué pour détecter les tests d'émission et enclencher le contrôle des polluants seulement pendant la durée des tests. Or, une organisation a testé les véhicules du constructeur et a constaté que ceux-ci outrepassaient largement les normes. Le constructeur a d'abord attribué les émissions excédentaires à des problèmes techniques et aux conditions inattendues susceptibles de se présenter lors d'essais sur la route.  Toutefois, devant la preuve accablante, l'entreprise a admis son subterfuge - donnant ainsi naissance à la pire crise de son existence : le "dieselgate". En réalité, les émissions de gaz polluants des voitures sont jusqu'à 40 fois supérieures aux normes fédérales. Le titre de l'action a dégringolé entraînant dans son sillage la démission du président. Volkswagen accuse l'une des pires pertes financières de son histoire. Les employés écopent: environ 3000 postes ont été supprimés. 

Quand Mitsubishi ment...

Le constructeur automobile a récemment avoué avoir trafiqué des tests pour présenter de meilleurs rendements énergétiques pendant plus de 25 ans. Nissan, partenaire de Mitsubishi, a révélé le subterfuge en faisant des tests sur les véhicules. Le titre de l'action a chuté en bourse. La haute direction s'est confondue en excuses et le président a démissionné. Comble de l'ironie, Nissan vient tout juste d'acquérir 34 % des parts de Mitsubishi.

Quand la culture d'entreprise devient un terreau fertile aux comportements déviants... 

Le nouveau président du géant allemand a déclaré qu’il voulait en finir avec la culture d’entreprise de performance axée sur l'atteinte de nouveaux records de ventes.  En réalité, les organisations sont des microsociétés dotées de leur propre culture et valeurs. Parmi les valeurs de Mitsubishi et de Volkswagen, on retrouve l'honnêteté, l'intégrité et la responsabilité sociale. Ces valeurs ont été violemment piétinées. Dans ces microsociétés, les cadres les plus performants, selon le système d'appréciation du rendement interne, sont valorisés, récompensés et progressent plus rapidement. Les entreprises focalisent leurs énergies sur l'atteinte des résultats et moins sur les moyens utilisés pour les atteindre. Une valorisation boursière reposant sur des attentes irréalistes de résultats financiers ainsi que des objectifs corporatifs trop ambitieux peuvent entraîner des comportements déviants, s'ériger en système et contaminer l'organisation toute entière. L'omerta s'impose. Or, une seule étincelle suffit pour faire exploser ces bombes à retardement rouillées par le mensonge.   

Les CA auraient-ils pu prévenir ou détecter ces fraudes ?

Qu'auraient-ils pu faire devant des dirigeants opportunistes qui s'enrichissent au détriment des intérêts de l'entreprise par le truchement de mécanismes frauduleux ?Nous avons peu d'information sur les CA des entreprises ciblées. Néanmoins, les CA ont certes un rôle à jouer dans la prévention et la détection de manœuvres frauduleuses, encore faut-il qu'ils soient indépendants et possèdent l'expertise requise. De plus, ils doivent notamment :

• comprendre les risques de fraude et veiller au déploiement de mesures efficaces pour les atténuer.
• assurer la mise en place de contrôles robustes. Des contrôles laxistes ou défaillants pavent la voie aux délinquants. 
• établir un canal de communication sécuritaire, efficace et impartiale pour la dénonciation d'actes frauduleux par les employés, clients, partenaires, etc.

Quand la fraude érige un château, elle le détruit... 

Les exemples de Suzuki, Mitsubishi et de Volkswagen ont eu des conséquences dévastatrices sur leur organisation et collatérales sur l'ensemble de l'industrie de l'automobile. Elles ont creusé un trou béant dans la confiance des consommateurs. Redorer l'image de ces entreprises s'avère une tâche titanesque. De surcroît, l'atteinte des résultats ne doit pas se faire aveuglément, sans égard aux moyens utilisés pour y parvenir et à la capacité de l'organisation. On ne peut pas enseigner à un crapaud à danser ni  à un lièvre à chanter. Les CA ont certes un rôle à jouer dans la prévention et la détection de manœuvres frauduleuses, encore faut-il qu'ils mettent en œuvre les meilleures pratiques de gouvernance. 

Au sujet de l'auteure: Joanne Desjardins, LL.B., MBA, ASC, CRHA, est présidente-fondatrice de Keyboard, une firme spécialisée en gouvernance et en stratégie. Elle est aussi conférencière, formatrice et rédige un livre sur la stratégie et la gouvernance.