Et si on arrêtait les cloneries ?
Etes-vous gérable, difficile à vivre ou façonné par la culture de votre entreprise ?
Le 30 janvier dernier, Jean-Marc Phelippeau et moi avions invité une quarantaine de personnes à partager avec nous un petit déjeuner à l'Open Mind Kfé autour du thème des profils atypiques et de la diversité cognitive en entreprise.
Pour ce petit déjeuner nous avions 3 intervenants : Marc Bousquet (Managing Director, Technology Lead, Accenture) Marine Paliès (Global Inclusion & Diversity Leader, Allianz GI) et Alice Risetti (Client Partner, Inclusion & Diversity Solutions, Korn Ferry France)
Un atypique !? mais qu’est-ce que c’est ?
Pour nous, un atypique, c’est tout simplement quelqu’un qui est décalé par rapport à la norme ambiante, par exemple la culture d’une organisation. Un zèbre dans une organisation de normo pensants, un littéraire dans une entreprise qui embauche surtout des ingénieurs, un créatif dans un environnement plutôt cerveau gauche, etc…
Bref, vous pouvez tout à fait être très typique dans un environnement, mais très atypique dans un autre.
Quand on cherche à savoir ce qu’est un typique, on a des réponses qui peuvent être descriptives - du type “genre masculin, entre 35 et 45 ans, qui a fait des études de (...), si possible avec carrière dans le domaine de (...), d’esprit analytique, ou aimant le challenge.
Mais il arrive aussi que nous ayons des réponses qui ressemblent à … c’est quelqu’un de “gérable”, c’est quelqu’un qui saura challenger sans trop éclabousser… bref, quelqu’un qui n’est pas “difficile à vivre”.
Jean-Marc et moi nous délectons particulièrement de ce genre d’expressions : elles ont si pleines de sous entendus sur les règles tacites d’un milieu professionnel, d’une organisation, que c’en est étourdissant.
Ce qui est en question avec un profil atypique, c’est la façon dont il va respecter - ou non - le lot de règles implicites et inconscientes de la culture dans laquelle il est intégré - ou dans lequel il cherche à s’intégrer.
“Pas gérable ou difficile à vivre”, couvre une zone suffisamment large pour couvrir à la fois la façon dont écrit ses mails - la liberté de ton, à la façon dont on exprime son désaccord - la liberté de penser.
Le profil gérable, bien entendu, est confortable. Il ne menace aucunement l’homéostasie de la structure. Or, c’est bien ça qui est en jeu ici : la pérennité. “On a toujours fonctionné comme ça”, “ça a toujours bien marché de cette façon”... autant de façons de s’assurer que les anti-corps de la culture d’entreprise s’occupent d’éjecter ou de faire taire les menaces, autrement dit les velléités de “faire différement”.
Eh oui, un profil atypique, c’est perturbant. C’est granuleux. C’est rugueux aussi, ça peut même être hérissé. Surtout dans une équipe de clones !
Alors, si c’est gênant, pourquoi est-ce important, l’inclusion?
Nous avons déjà cités dans de précédents articles (vous trouverez des liens en bas de cet article) des éléments qui permettent de comprendre ce qui se passe dans les entreprises (ce sont les moins innovantes et les moins performantes en résolution de problèmes complexes).
Par ailleurs, nous voyons un gâchis invraisemblable pour les entreprises, et pour les particuliers, dans notre pratique : des deux côtés, on constate que les talents sont perdus, faute de compréhension, les occasions de travailler ensemble et les synergies qu’on avait espérées s’éteignent, faute d’avoir trouvé le moyen de s’accorder.
Nous voyons souvent des entreprises qui embauchent des atypiques et le plus souvent nous observons trois issues :
- soit on demande à la personne de changer les choses le moins possible, (on change tout, mais surtout sans rien changer)
- soit on lui dit que c’est mieux si “elle observe”, (sois innovant mais dans le cadre seulement)
- soit on espère qu’elle va résoudre d’un coup de baguette magique tout ou partie des problèmes de l’entreprise, justement parce qu’elles sont atypiques, ce qui évidemment ne marche pas.
Or, si on cherche les leviers de croissance, si on souhaite trouver des solutions innovantes cela ne risque pas d’arriver si on fait plus de la même chose.
Et maintenant comment on s’y prend ?
Tout d’abord, il nous semble qu’une seule personne atypique dans un monde de clones, c’est risqué. Il ne peut pas y avoir un seul agitateur. Ce qui semble viable, c’est plutôt la diversité de profils atypiques !
“Mais une fois que j’ai une équipe comme ça, moi, qu’est ce que j’en fais ?” nous demande-t-on parfois ?
Bien entendu, quand on a diligemment construit une équipe remplie d’une riche diversité… si on ne fait rien pour qu’ils puissent travailler ensemble, c’est raté ! Le problème n’est pas seulement d’attirer les talents mais d’avoir une culture qui permet à ces talents de s’épanouir. Bâtir et entretenir une culture qui soit le terreau d’une diversité, voilà plutôt le challenge des managers aujourd’hui.
Par ailleurs, on croit qu’il y a homogénéité parce qu’on s’arrête à certains critères : il y a plus de diversité qu’on ne croit, déjà présente dans les équipes.
Enfin, il nous semble que nommer l’implicite est un critère important de la réussite de l’inclusion. Dans une culture d’entreprise, dans la société aussi, les règles sont la plupart du temps tacites, et il est bon de les énoncer. (Et parfois, cela donne l’occasion de constater leur absurdité…) Dire “ici tu peux questionner les décisions, mais attention, dans le respect d’un ton courtois” permet de donner à la fois la liberté à l’autre de remettre en cause sans choquer. Il arrive que certains membres de l’entreprise, qui ne sont pas considérés comme atypiques ne sachent même pas qu’il est possible de challenger, de poser des questions, de proposer des idées ! De sorte qu’on peut aussi choisir d’aller chercher la diversité (invisible, pour le coup), qui est déjà dans l’entreprise !
Pour finir, il nous semble important de revoir les critères d’évaluation de la performance pour les profils atypiques. Souvent ces critères sont très normés, peu adaptés à des profils moins gérables… Imaginez un créatif évalué en fonction du respect des process...
Et notre élément préféré, c’est la co-construction. Certes, l’entreprise est responsable d’une partie du travail, mais l’atypique tout autant. Chacun porte sa part de responsabilité dans l’équation. Le fait de se sentir différent ne dispense pas de faire l’effort de la connection à l’autre. C’est une forme de co-responsabilité de la qualité du lien. Le typique et l’atypique de chaque situation ont tendance à juger l’autre au lieu de chercher à comprendre. Décoder ce qui se passe pour soi dans un cas d’inconfort face à l’autre, et à sa différence, qu’on soit du côté typique ou atypique, est la bonne solution pour que l’inclusion fonctionne.
Alors, au lieu de dire “mais arrête donc de … “ questionnez donc plutôt : “mais pourquoi es-tu / fais-tu…”
Et donnez-nous des nouvelles de ce que vous avez mis en place, ou vu mettre en place dans votre structure ! Nous sommes preneurs de retours d’expérience et de témoignages dans ce domaine !
Avec KOKOPELLI, mon mentor, je suis curieux, je veille, l'équipe devient robuste 🔸 Attention & parler-vrai font la bonne ambiance
3 ansMerci Laurie-Anne Casabianca, le titre et l'image de Matrix sont parlants et amusants. La culture, même sous forte contrainte (on le voit actuellement) change lentement, contrairement à l'économie et à la technique. En tant que parent, on voit bien que les actes suscitent plus d'intérêt que les discours. Dans l'entreprise, c'est pareil : ce que les leaders, managers et autres responsables sont prêts à faire, beaucoup plus que les discours, va stimuler et orienter le corps social. Mais lentement car dans tout groupe constitué, les enjeux due pouvoir continuent de travailler en sous-main. Autant être bien éveillés, confiants et joyeux car aucun changement favorable n'est jamais venu par l'injonction (sauf cas d'urgence vitale). Bon, et bien, on respire et on y retourne, Yalla ! #interg #maurice4reversementoring
Architecture d'entreprise & Gouvernance
4 ansMerci pour ce partage d’articles. Tout a fait d’accord avec ce constat : L’entreprise est une organisation très normative qui recrute ou sinon façonne des individus selon quelques modèles. Il est intéressant de voir que toutes les entreprises veulent être agiles et innovantes et ont compris que la diversité cognitive pourrait les aider: Qui ne veut pas recruter des « profils » créatifs, empathiques, apportant une vision différente etc.... Mais qui a trouvé comment les intégrer en « dénormant » son organisation et en ne leur imposant pas un mode de fonctionnement préétabli ? Je vous avoue mon impuissance, je cherche toujours et suis très intéressé par des retours d’experience positifs.
Congé
4 ans❤️🦓
🎲Responsable Pédagogique & Digital Learning 🚀Consultant Senior en Evolution Professionnelle
4 ansArticle intéressant, du moins en ce qui me concerne. Effectivement, j'approuve l'homogénéité déjà existante dans les équipes, seulement, la plupart des talents ne sont pas pris en compte. La valeur ajoutée se situe, à mon sens, à l'intersection, au croisement de chaque domaine de compétences. Faut-il encore en être conscient... Merci pour ce travail Laurie-Anne.👍