Et si le télétravail était la meilleure chose qui soit arrivée au bureau ?
– Pour ou contre le télétravail : est-on plus productif à distance ?
– Aura-t-on toujours besoin d'un bureau demain ?
Deux des nombreux débats qui ont animé cette année singulière et sur lesquels je souhaite revenir aujourd’hui.
Beaucoup d'énergie -voire d'animosité- ont entouré ces deux questions. De nombreuses conclusions aussi, parfois dressées à la hâte entre deux clans : les tenants du statu quo vs. les partisans du changement.
Présentiel vs. distanciel, l'opposition se faisant souvent entre l'intérêt du bureau comme point d'ancrage et l'efficacité du télétravail. Quitte à parfois faire l'amalgame entre travail et productivité et à remettre en question l’intérêt d’avoir un bureau demain.
Alors, débat sans fin ou points de vue (ré)conciliables ? 🤔
Si on prend un peu de recul, tout ceci est conciliable. Mais il faut prendre ce recul.
Ne pas réduire le travail à la production : collaboration et sociabilisation font partie du travail.
Cette première année de pandémie nous l'a montré : faire de la productivité l’indicateur unique de mesure de notre travail est une erreur. Pire, un oubli préjudiciable.
Je trouve intéressant d’identifier les trois composantes principales qui composent notre travail au quotidien. Trois sortes de briques Lego® fondamentales, à partir desquelles on peut déconstruire et reconstruire ce que l’on appelle le “travail” : la production, la collaboration, la sociabilisation.
✍️ La production = lorsque l’on travaille de son côté sur une tâche donnée.
🤝 La collaboration = lorsque le groupe met en commun les différentes productions et idées de chacun pour avancer ensemble.
👋 La sociabilisation = ce qui, en-dehors du travail à proprement parler, donne du sens à ce que l’on fait : les relations personnelles, le sentiment d’appartenance, l'aventure humaine.
L’éloignement imposé depuis mars 2020 a impacté violemment, mais différemment, ces trois briques :
- La production, autrement dit la capacité à être productif, s’est nettement améliorée en étant seul. Ne pas être dérangé en permanence ou perturbé par le bruit de l’open space facilite largement la concentration. À certaines conditions, toutefois… Chez soi n’est pas toujours le lieu idéal pour produire. On parle de jobs "télétravaillables", parlons d’habitats “remote-friendly”. Enfants ou chats dans les pattes, machine à laver qui tourne en fond de visio, cohabitation forcée en télétravail : d’autres sortes de distractions et de sollicitations lorsqu’on emmène le travail à la maison. Reste que du point de vue des entreprises, il est tentant de se dire que la production se fait aussi bien voire mieux en télétravail, le coût des bureaux en moins…
- La collaboration s'est faite tant bien que mal, et devrait se faire de mieux en mieux à distance au fur et à mesure que les outils technologiques progresseront. Mais là aussi, un “plafond de verre” existe. Première limite liée au contenu : il y a des sujets pour lesquels rien ne remplace le fait de se réunir autour d’une même table. IBM l’a bien compris, en testant grandeur nature il y a 20 ans le tout télétravail. Observation ? La productivité des équipes n’a jamais été aussi élevée, la capacité d’innovation et de créativité en revanche… jamais aussi faible. Ils en sont donc revenus. La seconde limite concerne la durée : oui aux sessions à distance contenues en 1h, non aux interminables visios qui consomment une énergie folle. Rares sont ceux d’entre nous qui cette année sont passés à côté de la “Zoom fatigue”, récemment théorisée par l’Université Stanford. A titre perso, je décide de plus en plus souvent de ne mettre ma vidéo que pendant les 5 premières minutes de mes réunions en visio.
- Enfin, la sociabilisation est sans nul doute la plus impactée par l’éloignement. C’est Yahoo! qui a à son tour observé cela lors de son essai du full remote sous Marissa Mayer. Certes, les équipes étaient plus productives que jamais, mais plusieurs sous-cultures ont commencé à émerger avec le télétravail, fissurant Yahoo! de l’intérieur. L’expérience a vite été arrêtée en 2013 afin de reconsolider le groupe. Sociabilisation sans présentiel, une mission impossible (même pour les géants de la Tech). Sans parler des situations observées depuis un an : nouveaux collègues intégrés à distance, succès jamais célébrés « en vrai », pots de départs virtuels, etc.
En résumé : oui le télétravail peut améliorer notre productivité, mais à certaines conditions (on estime qu’un tiers seulement des emplois sont télétravaillables en France). Encore faut-il l’organiser de manière équilibrée avec le présentiel.
Le télétravail n’est pas la panacée, mais il permet de nouvelles organisations du travail.
Alors, si la maison n’est pas le nouvel eldorado : où travaillera-t-on demain ? 📍
Dans un modèle efficace, les tâches qui nécessitent d’être “productif” pourraient (devraient ?) continuer à se faire chez soi ou proche de chez soi : moins de temps de transport, moins de sources de distraction, pour plus de productivité.
La collaboration, quant à elle, doit s’imposer seulement quand elle est nécessaire. Adieu, réunionite ! Comment faire ? C’est assez simple. Posez-vous à chaque fois la question en amont : « est-il vraiment nécessaire de se réunir ? » Si la réponse est oui, alors invitez uniquement les personnes directement concernées par le sujet. Vous gagnerez en efficacité et économiserez le temps précieux de vos collaborateurs : ils vous remercieront. Organiser une réunion donne alors à ce rendez-vous un caractère important, incontournable, pour ne pas dire impérieux. Si l’on se réunit, c’est que l’objectif en vaut la peine. La rareté fait la valeur. ✨ Ce constat fait, stop au cadre de travail insipide et à l’impréparation ! Une réunion réussie, c’est un contenu bien préparé dans un environnement bien pensé. CQFD (ceci étant au passage la conviction qui nous poussés à fonder Comet Meetings avec Maxime et Nicholas il y a 5 ans).
En revanche, il en va différemment de la capacité à sociabiliser, qui nécessitera toujours une unité de lieu. Parce qu’elle repose avant tout sur des relations interpersonnelles difficilement transposables en virtuel. L'homme est un animal social. Je pense que l’on s’accordera tous à dire que la spontanéité, l’empathie et les discussions passionnées (hors travail/Covid-19) entre collègues ont largement été mises à mal derrière nos écrans. Ensuite, parce que la sociabilisation touche à des éléments stratégiques pour l’entreprise : valeurs, culture, capacité à attirer et retenir les talents, etc. Pour (re)nouer les liens, il nous faut apprendre à jongler entre événements virtuels et joie de se retrouver « pour de vrai ». N’est-on pas là en train de définir le rôle du bureau de demain ?
Et le bureau demain alors ? Demain on continuera d'aller au bureau, mais pour y chercher bien plus qu'un bureau.
Demain, le bureau sera davantage un carrefour de rencontres, un totem de la culture d’entreprise, plutôt qu’une accumulation de postes de travail. Une question de sémantique me taraude d'ailleurs... Comme l’entreprise se doit d’être bien plus qu’une “boîte”, le terme même de “bureau” semble perdre son sens : se dirige-t-on vers un bureau sans bureaux, éléments de mobilier ? 🪑
Demain, le bureau sera un lieu de destination, où il fait bon être/vivre/travailler et où l’on a envie de se rendre. Un lieu de services qui facilitent notre quotidien, où l’on pourra venir chercher ce qu’on ne trouvait pas chez soi ou ailleurs. Un milieu plus qu’un lieu, finalement : je prenais récemment la parole à ce sujet avec Adrien Blanc (président d’Altarea Entreprise), lui aussi convaincu du rôle indispensable du siège social demain.
Le dernier baromètre Paris Workplace de SFL révèle que “la vie sociale est devenue la 1ère raison d’aller au bureau pour la moitié des employés”. Demain, le moment passé ensemble « au bureau » ne se fera en réalité plus seulement...au bureau, mais dans un large choix de tiers-lieux de travail ou de réunion. Finalement que nos entreprises fassent le choix de conserver, d’augmenter, de réduire voire de supprimer totalement leurs espaces de bureaux, elles continueront indubitablement à vivre ces « moments de bureau ». Des vrais moments, en physique, simplement dans des lieux qui ne seront peut-être plus les leurs. 🤷♂️
Et vous, qu’en pensez-vous ? Quel chemin prend votre entreprise dans son rapport au bureau ? Qu’attendez-vous de ce dernier, demain ?
N’hésitez pas à réagir, et portons ensemble ce débat à un niveau plus abouti que là où il a souvent stagné ces derniers mois !
Victor
Créatrice d'opportunités | Architecte d'intérieur & Investisseuse en immobilier | Spécialiste en valorisation de biens.
3 ansMerci pour cet article qui a une approche très intéressante avec ses 3 « socles » contribuant à l’équilibre du travailleur. Je pense, en effet, qu’il y a un nouveau modèle à penser au niveau des lieux de travail; « l’entreprise, le bureau », « le domicile, le télétravail » et l'utilisation ponctuelle de « tiers-lieux hybrides » au vert, permettant de stimuler la sociabilisation, la collaboration, l’innovation et la créativité.
Assistante à mi temps
3 ansPour ma part, en temps qu indépendante complémentaire, ce changement de ‘mentalité ‘ m a permis de dédoubler mon nouveau projet;une belle chance de retrouver notre harmonie et bien -être du personnel en entreprise et en télétravail. Et du côté de mon job d employée, j ai découvert certaines de ces ressources en télétravail que je n avais pas imaginé. Donc, pour ma part, que du positif dans cette période difficile et étrange 🙏😀
Développeur backend freelance | PHP | Symfony
3 ansEh bien, je ne suis pas vraiment d'accord. Surtout quand vous dîtes que l'entreprise devrait endosser une mission de sociabilisation via du travail en présentiel. Est-ce le rôle de l'entreprise de sociabiliser les gens ? C'est une vision de la société que je ne partage pas et qui me semble fleurter avec du paternalisme. Ce que vous dîtes sur l'organisation de la collaboration et notamment la culture de la réunionite dans notre pays me semble par contre très vrai, mais ce problème remonte à bien avant la crise sanitaire hélas.
Chargée faune domestique à l'international
3 ansJe partage entièrement votre avis quand vous dites "revenir au bureau d'avant = grosse erreur". Merci pour votre excellente synthèse sur les questions que devrait susciter le télétravail au niveau des employeurs, des Instances Représentatives du Personnel et des pouvoirs publics