Evitons que l’imposition minimale ne péjore trop l’attractivité de la Suisse
En octobre 2021, l’OCDE a publié les lignes directives du projet d’imposition des grandes entreprises internationales, qui ont été acceptées par 137 Etats membres, dont la Suisse. Le projet, élaboré conjointement par l’OCDE et le G20, introduit notamment un taux d’imposition minimal de 15% pour les grandes entreprises répondant à certains critères. En Suisse, le Conseil fédéral est en train de préparer la mise en œuvre de cette réforme. Si l’impact sur la compétitivité de notre place économique ne fait pas de doute, il faudra que les recettes supplémentaires soient allouées en priorité au maintien de l’attractivité de notre pays.
L’OCDE introduit un taux d’imposition minimal de 15%
En 2019, le peuple suisse a voté sur la réforme de la fiscalité des entreprises, aussi bien au niveau fédéral que cantonal. À peine trois ans plus tard, ce sujet est à nouveau au cœur des discussions politiques. Le projet mis sur pied conjointement par l’OCDE et le G20 vise à amoindrir, voire éviter, la concurrence fiscale entre les Etats. Il est basé sur deux piliers, mais le premier ne concerne qu’une petite dizaine d’entreprises en Suisse, c’est surtout le second auquel il faut prêter attention. Il vise à introduire un taux d’imposition minimal de 15% pour les entreprises internationales qui atteignent au moins 750 millions d’euros de chiffre d’affaires par année.
Une réforme qui touche 200 sociétés suisses
En Suisse, cette réforme va ainsi touche environ 200 sociétés qui répondent à ces critères, ainsi que 2'000 à 2'500 filiales de groupes étrangers. Pour les autres, et notamment toutes les PME, rien ne va changer, les taux d’imposition resteront ceux qu’elles connaissent actuellement selon leur canton d’établissement. Les entreprises concernées continueront à être imposées comme les autres mais devront également payer un impôt complémentaire afin d’atteindre le seuil de 15% imposé par l’OCDE.
Il est important que la Suisse s’aligne au plus vite
La Suisse n’avait pas d’autre choix que de s’aligner sur cette nouvelle réforme. Car même dans le cas où l’imposition complémentaire ne se ferait pas dans notre pays, nos entreprises internationales seraient tout de même taxées à l’étranger pour atteindre ces fameux 15%. Non seulement la Suisse perdrait des recettes complémentaires au profit d’autres pays, mais nos entreprises impactées se retrouveraient face à des démarches administratives importantes et un manque de sécurité juridique. Il était donc essentiel que la Suisse mette elle aussi en œuvre ce taux minimal d’imposition, malgré les aspects négatifs qu’il va entraîner.
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En Suisse, cette réforme va toucher environ 200 sociétés ainsi que 2'000 à 2'500 filiales de groupes étrangers.
Le Conseil fédéral souhaite une mise en œuvre rapide
Les prochaines étapes de la mise en œuvre de cette réforme vont aller très vite, car tant que la Suisse n’est pas alignée aux autres pays, elle prend le risque de voir ses entreprises taxées à l’étranger. C’est pourquoi le Conseil fédéral a mis les modalités d’application en consultation accélérée jusqu’à fin avril dernier. Pour la suite, toujours dans un souci de rapidité, le mécanisme proposé est une révision constitutionnelle permettant d’autoriser les traitements différenciés entre les entreprises concernées par la réforme et les autres. Cette modification sera soumise au vote du peuple, probablement en juin 2023. Si elle est acceptée, le Conseil fédéral établira ensuite des ordonnances de mise œuvre à appliquer dès le 1er janvier 2024. Cette manière de faire est quelque peu particulière, mais un processus législatif ordinaire sera lancé dans la foulée, permettant d’aboutir à une loi fédérale et à des législations cantonales.
Les grandes entreprises jouent un rôle économique essentiel
Bien que cette réforme ne concerne pas les PME et qu’elle ne s’applique finalement qu’à un nombre restreint d’entreprises suisses, il est important de la garder à l’œil en raison de son impact sur la place économique en général. Car il ne faut pas oublier que les grandes entreprises internationales offrent non seulement de nombreuses places de travail mais collaborent et donnent du travail à nos PME régionales. Il est donc primordial pour la Suisse de rester compétitive et de continuer à attirer et garder ces sociétés sur notre territoire.
La perte de compétitivité devra être compensée
Cette réforme fiscale aura en effet des impacts négatifs sur la compétitivité de la place économique suisse, cette dernière perdant un avantage concurrentiel important pour les entreprises internationales. Si notre pays présente d’autres points forts indéniables, notamment la qualité de nos infrastructures, de nos formations et de notre main-d’œuvre, il reste pénalisé par ses coûts en comparaison de nos voisins européens. Il sera donc essentiel que les recettes supplémentaires qui découleront de cette augmentation de l’imposition, estimées à 1 à 2,5 milliards de francs et perçues en majorité par les cantons, servent en priorité à maintenir l’attractivité de notre place économique. Pour ce faire, il conviendra d’évaluer diverses mesures compensatoires, leur applicabilité et leurs effets sur l’économie. Il sera néanmoins essentiel de s’assurer que les instruments choisis soient compatibles avec les règles de l’OCDE.
Nadine Gobet