Exclusion n'est pas raison
Dans le contexte actuel de crise climatique, la question du financement des énergies fossiles par les banques est devenue un enjeu central. Une étude récente publiée dans Nature Communications [1] apporte un éclairage nouveau sur l'efficacité des stratégies d'exclusion adoptées par certaines banques. Les auteurs démontrent ainsi que le simple fait d'exclure une entreprise de production d'énergie fossile du portefeuille d'une banque ne conduit pas nécessairement à une réduction de ses financements. En effet, la banque qui se retire est souvent rapidement remplacée par une autre, prête à saisir l'opportunité d'investissement laissée vacante.
L'étude, qui a exploré plus de 7 trillions de dollars de dettes syndiquées liées aux combustibles fossiles, révèle que les marchés de la dette syndiquée sont résilients face à des scénarios de désengagement non coordonnés, en l'absence de limites réglementaires sur les prêts des banques au secteur des combustibles fossiles. L'exclusion d'une entreprise par une banque ne se traduit que très rarement par une diminution des financements de cette dernière, car le système actuel permet une substitution rapide des financements.
Beaucoup de banques européennes ont montré une tendance à réduire leur financement moyen annuel des combustibles fossiles, ce qui reflète certainement le résultat d'engagements climatiques plus forts et la rigueur de politiques plus contraignantes, incitant les banques européennes à mieux intégrer le risque de transition dans leur tarification. L'étude montre que cette diminution est compensée par une augmentation des prêts d’autres banques dans d'autres régions où les politiques climatiques sont moins strictes. Des banques canadiennes et japonaises ont, par exemple, augmenté de manière significative leurs volumes de financements aux combustibles fossiles entre la période pré et post Accord de Paris tout comme les banques américaines qui continuent de dominer le marché du financement, bien qu'elles aient réduit légèrement leur exposition mais accru leur activité de syndication.
Pour être efficace, une stratégie de désengagement doit donc être accompagnée de mesures réglementaires ou législatives (ce qui serait plus exposé au regard démocratique) qui limitent la capacité des banques à financer le secteur des combustibles fossiles. L'étude suggère qu'un plafond réglementaire sur les nouveaux financements fossiles pourrait être une mesure prudentielle efficace. Par exemple, si une banque détenait pour 1 milliard de dollars d'actifs financiers fossiles en 2021, une limite de financement de 10 % fixerait un plafond à 1,1 milliard de dollars pour les actifs fossiles de la banque en 2022. Cette approche réglementaire viserait à provoquer un point de basculement à partir duquel les banques quitteraient progressivement le secteur, rendant le désengagement efficace.
L'étude souligne également que l'accompagnement des entreprises de production d'énergie fossile dans leur transformation vers des modèles plus durables pourrait être une stratégie plus constructive pour les banques. En restant engagées auprès de ces entreprises, les banques peuvent jouer un rôle crucial en les soutenant dans leur transition vers des énergies renouvelables et en contribuant à une transformation juste et ordonnée du secteur énergétique.
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L'exclusion pure et simple des producteurs d'énergies fossiles par les banques n'est pas la panacée. Une approche plus nuancée, qui combine réglementation et accompagnement, semble être la voie la plus prometteuse pour aligner le secteur bancaire avec les objectifs climatiques de l'Accord de Paris. Les banques ont la responsabilité et l'opportunité de devenir des acteurs de changement, en soutenant activement la transition énergétique et en contribuant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
C'est en restant au contact des entreprises et en les accompagnant dans leur évolution vers des énergies décarbonées, à condition bien sûr que ces entreprises s'engagent dans une intention stratégique claire de décarbonation et qu’elles s’en donnent réellement les moyens, que les banques peuvent effectivement contribuer activement au changement et favoriser une transition énergétique durable et équitable.
C'est tout le sens et l'esprit de la stratégie climat du Crédit Agricole.
[1] « The challenge of phasing-out fossil fuel finance in the banking sector » par J. Rickman , M. Falkenberg, S. Kothari, F. Larosa , M. Grubb et N. Ameli. Publié en septembre 2024 dans Nature Communications.
Director - Head of ESG Compliance at Crédit Agricole CIB / CSRD project manager / HUB35 Sustainable Leader winner
2 moisHéloïse DUMONT Hervé GAILLET
Enjoying Life and advising some NGOs
2 moisUn vrai point
Responsable de projets RSE ESG
2 moisAnne TRANCART Gisèle DUCROT Simon Picard Ana Paula Dias Barata Maryse Dournes
Nouvellement installée à Pau et en recherche d’opportunités
2 moisJ’aime beaucoup le choix de la photo 😉
Nouvellement installée à Pau et en recherche d’opportunités
2 moisMerci Éric pour cet article clair qui met en lumière la stratégie du Crédit Agricole face aux enjeux climatiques. « Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse » mais c’est bien l’accompagnement continu des entreprises vers des modèles durables, comme le fait le Crédit Agricole, qui peut avoir un impact plus profond à long terme que des actions spectaculaires mais ponctuelles, comme le simple désengagement des financements fossiles.