Experts anonymes : conseils à peu de frais mais souvent cheap...
Bons tuyaux passés sous le manteau ou bien planches pourries : impossible de le savoir en faisant appel à une communauté d'inconnus sur un site comme Facebook. Généralement bien intentionné, la nuée d'âmes dévouées réagit spontanément et sans détour. Au final, la réponse polymorphe est plus instructive sur ses membres que sur la réalité du terrain.
Sollicité de toutes parts, je pare au plus pressé
La question est simple : « quelle école de langue me conseillez-vous ». La réponse est tentante, chacun a entendu parler d'un établissement ; taper une adresse, faire part de son opinion est rapide. – En plus, on rend service. Pourquoi se priver ? De la part de ceux qui mettent leur grain de sel, il y a peu de raisons de s'abstenir, en effet. Tant pis si notre réponse est un fragment imparfait, tant que l'on fait partie de la photo, de la full picture... Notre opinion s'appuie-t-elle sur du vécu ? Qu'importe. Le demandeur fera le tri entre l'ivraie et le bon grain, s'il y en a.
Du superficiel avant de l’artificiel
Pas besoin de développer sa pensée, d'étayer sa proposition avec un exemple éloquent et pertinent. Ceux qui répondent n'ont pas que ça à faire. Pas le temps de faire une recherche sur un moteur. Personne dans son champ de vision vers qui se tourner... à question simple, réponse(s) simple(s). Je sème une question, puis récolte de l’info – tant pis si les données ne valent rien. Ça ne coûtait rien de demander. Celui qui cherche de la fiabilité repassera. La tendance qui émane de la communauté fera office de vérité. Tant pis pour l’objectivité. La subjectivité bas de gamme fait l’affaire.
Mauvais conseils et mauvais calcul
Il y a quelque chose de fascinant à faire confiance à des gens que l'on ne connait pas, dont on ignore tout, jusqu'à leur existence physique réelle - des gens vers qui jamais l'on ne se tournerait ailleurs que sur le web. Cela laisse en effet un espace pour les robots prescripteurs en attendant d'être devancé dans ses interrogations par son smartphone mentaliste, plus qu'intelligent.
Ce que je déplore, et ce qui me fait écrire ce billet, c'est le danger de bidonnage qui nous guette avec une telle pratique. Il existe encore de nombreuses écoles de langues à Genève. Plus triste, les conseillers experts sont tous partis du principe que le demandeur cherchait le « bon plan », de ceux qui court-circuitent le système. En ne proposant quasiment que des établissements à bas prix, « l’intelligence collective » a considéré qu’il ne fallait pas payer pour « ça », pour des cours de français. Las, une classe demande d’être préparée, ce qui prend du temps, et la mobilisation d’un professeur compétent a un coût certain, et des charges en sus. Au final, les réponses récoltées sont d’une mauvaise qualité assumée et le facteur humain, dénigré, sinon nié. Sans que cela ne choque personne. Pire, chacun a l’impression de participer au grand ramdam digital. En réalité, personne ne gagne avec ces foires aux réponses.
Épilogue
J'ai pris le temps d'écrire un message privé à la personne qui posait la question. Cherchant à nuancer les propositions, j’ai sincèrement essayé de l’aider à faire un choix avisé. J'attends encore la réponse. Comme si prendre le temps d'un échange social était trop demandé. Il ne m'a pas dit "merci". Je ne dirai en aucun cas "de rien".