Expliquer
Toujours inspirées de l'ouvrage de Walter Hesbeen, les attentes des patients envers le personnel soignant sont de recevoir des explications sur le traitement dispensé.
Lors d'une expérience passée, je suis infirmière dans la grande distribution. Il s'agit d'un hypermarché citadin sous accord agréé*, de 750 salariés, dont une partie est déclarée en situation de handicap. Dans mes précédentes missions en entreprise, le maintien dans l'emploi était soutenu par une mission handicap sur place. Or, dans cet hypermarché, il n'y en a pas ; le principal interlocuteur est la médecine du travail et en l'occurrence celle qui sur place : moi.
A l'époque, je suis en formation de Licence Ingénierie de Santé Publique, mention Santé Travail à l'ISTNF. D'ailleurs pour la valider, j'entreprends la rédaction d'un mémoire sur le thème du maintien dans l'emploi. Dans ce cadre, le sujet du handicap me préoccupe : quelle est ma place en tant qu'infirmière ? comment l'accompagner ? quels sont les attendus ? comment agir et interagir avec les différents partenaires internes et externes ?
Expliquer…
Prenons l'exemple d'un sujet qui ressent une douleur, laquelle augmente jusqu'à la plainte. Il reçoit alors des examens, des radios et les visites médicales se succèdent. A la suite de quoi, il prend des traitements anti-douleurs et anti-inflammatoires qui le soulagent, toutefois avec des effets secondaires. Lorsque ce n'est plus tenable, le sujet se déclare en qualité de travailleur handicapé pour obtenir un aménagement de poste.
C'est ce qui est arrivé à une hôtesse de caisse que nous appellerons Charline. Suite aux examens et au passage d'un ergonome, elle a besoin d'un siège ergonomique pour soulager sa pathologie et la maintenir dans l'emploi. Je suis présente à toutes les étapes du suivi et de la mise en place du siège au poste de travail. Le jour de la livraison du sésame ergonomique (NDLR : le siège), je suis seule représentante de l'équipe santé au travail. Je déballe alors l'énorme carton, aidée d'un agent de sécurité. Ravie du modèle, je l'installe au poste de l'hôtesse de caisse et m'en retourne à mes nécessaires obligations d'infirmière en entreprise.
Le lendemain, je suis appelée au poste de l'hôtesse de caisse. Elle est enchantée, mais, debout à côté du siège. Vous comprenez ici que le siège inutilisé ne sera pas plus ergonomique que la station debout prolongée.
- "Il est beau !" me dit-elle,
- "oui, en effet, il l'est" lui réponds-je,
- "mais qu'a-t-il de particulier ?" m'interroge-t-elle.
Je suis interpellée par sa réaction. Nous en discutons ; en même temps, je règle siège grâce au mode d'emploi que j'ai dans les mains. Charline, bien que satisfaite de son accompagnement, dit n'avoir reçu aucune explication sur les effets de sa maladie, que ce soit dans la vie de tous les jours, ou dans son quotidien professionnel. Elle se dit surprise de la taille du siège et craint d'être repérée comme une handicapée, un mot péjoratif de personne diminuée d'après elle.
Je lui décris alors le siège, les effets attendus et les réglages qu'elle peut elle-même faire si besoin. Je lui réponds de façon claire et n'hésite pas à prolonger les explications sur les effets tant sur la douleur que sur la posture. Puis, nous échangeons sur l'image de la personne en situation de handicap dans une entreprise et sur sa définition. Mais alors, si un handicap est une accumulation de tares de santé, nous sommes tous, à différents niveaux, des handicapés ?
- "Testons le siège pendant 15 jours : si le regard de l'autre est insupportable, s'il n'y a pas de bénéfice dans l'état de santé, alors nous solliciterons un nouveau cycle d'accompagnement".
Les jours qui suivent, j'accompagne régulièrement Charline de façon discrète et la questionne. Les 15 jours révolus, nous faisons le point : les clients, lorsqu'ils remarquent le siège, sont bienveillants, ouverts à l'échange, intéressés. Le regard de l'autre est donc un soutien. Et à la fin de la journée ? les douleurs sont moindres, Charline diminue progressivement les anti-douleurs. Allons-nous lui retirer le siège ?
- "surtout pas", me répond-elle, "dorénavant, il est à moi et en plus, je reste à la même caisse, c'est que du bonheur !"
Je pense que Charline avait eu des échanges avec les différents soignants qui avaient croisé son chemin. Pourtant, elle ne s'en souvient pas. Charline, comme de nombreux patients, a des attentes envers le personnel soignant :
- Recevoir une explication du traitement dispensé
- Connaitre l'atteinte des résultats attendus.
- Prendre le temps de l'écouter et de lui parler
- Répondre à ses interrogations et donner des explications si besoin.
Si vous désirez aborder le maintien dans l'emploi de vos collaborateurs, prenons rendez-vous !
(*) : Pour approfondir le sujet de l'accord agréé, je vous conseille la fiche de l'Agefiph (https://www.agefiph.fr/sites/default/files/medias/fichiers/2021-03/FICHE%203%20-%20ACCORDS%20AGREES.pdf) qui est une véritable mine de renseignements.