Exporter au Moyen Orient, l’art d’orienter ses moyens

L’heure est aux résolutions, et chacun décidera de se mettre au sport, d’arrêter de fumer, de consacrer plus de temps à ses proches…et pour certaines entreprises, de décrocher de nouveaux marchés, de devenir leader de son secteur ou encore de se développer à l’export. Dans le sillage des articles publiés sur l’export, la logistique et le détail d’une expédition réussie sur le Moyen Orient, je souhaitais mettre en lumière certaines pratiques, elles-mêmes découlant d’idées reçues sur le Moyen Orient, le tout émaillé d’anecdotes qui si elles peuvent prêter à sourire, n’en demeurent pas moins révélatrices d’un état d’esprit et d’une posture qui nécessitent d’être revus.

Aucune prétention à l’exhaustivité et qui souhaite développer se sente libre de le faire.

Le Génie d’Aladin…

Je reçois souvent des interrogations de producteurs qui souhaitent exporter et qui me demandent :

-         Par quelle zone débuter pour exporter ?

-         Dois-je privilégier le Moyen Orient à l’Asie ?

-         A quel prix un consommateur au Moyen Orient peut-il acheter mon produit ?

-         Combien de quantités je peux espérer écouler sur la zone et sous combien de temps ?

Comment dire… l’approche est un petit peu complexe que le frottement d’une lampe de laquelle jaillirait Aladin avec des réponses toutes trouvées. Et si ces interrogations sont légitimes, elles arrivent généralement après une description sommaire par e-mail de l’entreprise ou après quelques minutes d’un échange téléphonique qui se résumeraient ainsi ''je suis au commerce et mon mari s’occupe de la production'' ou encore ''je travaille sur la future pépite révolutionnaire et suis sûr de son développement à l’international''… Avant même d’apporter des réponses, il conviendrait de questionner le projet export pour s’assurer qu’on ne fonce pas dans droit dans le mur. Et à cela la seule réponse qui vaille serait une plongée à corps perdu (mais pas à fonds perdus) dans le projet avec comme alliés humilité et empirisme.

L’effet Capital : ''il lance une brioche à Dubaï, 6 mois après, il est millionnaire''.

Les différentes émissions sur l’Eldorado que représente le Moyen Orient en ont fait saliver plus d’un (moi le premier) et s’il est vrai que la région constitue une source de débouchés, le potentiel de chaque marché est à appréhender de manière singulière et dans la durée. Et il serait d’ailleurs intéressant de demander à Capital d’énumérer les tentatives avortées ou les nombres d’échecs successifs avant d’atteindre le Saint Graal. A dépoussiérer aussi l’image du bédouin illettré hier et blindé jusqu’à la moelle osseuse aujourd’hui qui a garé son chameau dans le coffre de son 4x4 rutilant. Il faudra assurément s’adapter à des interlocuteurs variés (comme tout un chacun me direz-vous) au sein d’une même structure et de niveaux intellectuel et culturel différents sur l’utilité ET l’utilisation de votre produit. Cela prendra du temps, beaucoup de temps avant probablement de trouver le bon ajustement, mais sans cela, point de salut.

Le Moyen Orient, quezaco ?

Les Émirats Arabes Unis, le Qatar, Oman, le Koweït, l’Arabie Saoudite, Bahreïn… chaque pays est différent et doit être appréhendé comme un marché à part entière et entièrement à part. Un article reprenait la formulation d’un exportateur qui présentait son tableau de chasse en citant les différents pays ou il exportait et d’énoncer : ''Nous exportons dans de nombreux pays de la région et sommes présents aux Émirats, au Qatar au Koweït et à Dubaï"…cherchez l’erreur et celui qui trouve gagne un macaron. L’affirmation exporter vers un marché Commun en Europe est déjà maladroite, tant les différences entre les pays peuvent être grandes sur les plans réglementaire, culturel et des habitudes de consommation, alors affirmer vouloir exporter au Moyen Orient, formulé ainsi, relève de la formule incantatoire.

De la finesse dans les définitions.

Derrière un terme, se cachent des réalités très éloignées l’une de l’autre. J’entends régulièrement dire ''Je ne veux pas voir mon produit en Grande Distribution, ni en France ni à l’export''. Si être présent chez un acteur de la grande distribution sur le marché domestique peut aller à l’encontre de son positionnement, se faire une place dans certains Hypermarchés de la région peut se révéler le seul moyen de commercialiser son produit et de toucher le client final.  Il en va de même pour la notion de Touristes. Dubaï accueille chaque année 16 millions de touristes quand la seule période du Hajj voit affluer 2 à 3 Millions de visiteurs en l’espace de quelques jours en Arabie Saoudite, répondant à des attentes différentes de ses visiteurs aux profils très variés.

Du bon comportement.

''Heureusement que j’ai découvert votre restauration avant vos restaurateurs''. Les idées reçues ont la vie dure, mais certaines sont vraies. J’échangeais dernièrement avec le responsable des achats boissons d’une société émiratie qui se plaignait d’une pauvre qualité de service et d’accueil dans les restaurants parisiens qu’il visitait avec une méconnaissance des produits et une volonté d’expédier le client pour mieux attraper son porte-monnaie au vol. Les mauvaises langues provinciales diront qu’il s’agit là d’une tare capitale… mais il s’agit d’un comportement qui est fréquemment pointé du doigt par nos interlocuteurs étrangers qui trouvent les Français un peu trop perchés dans leur tour d’Ivoire, loin de l’humilité qui est la cheville ouvrière de tout projet à l’export. Privilégier le HtoH (Human to Human) au BtoB au BtoC. Ce sont des pays à fort relationnel où la considération passe par une présence, un accompagnement sur le terrain pour mieux cerner les acteurs, les enjeux et le potentiel.

L’islam n’est pas une langue.

Les pays cités ont l’Islam comme religion majoritaire. Mais l’islam est une religion et n’est pas une langue. Il m’est arrivé à de nombreuses reprises d’entendre que telle structure ne dispose pas de personnes parlant le "musulman"" ou que la plaquette était déjà traduite en "musulman". Cela prête à sourire au premier abord, même au second d’ailleurs, mais sortir une telle phrase lors d’un rendez-vous met sérieusement mal à l’aise et conforte pour le coup l’image de petits franchouillards arrogants à la science plus confuse qu’infuse.

J’aimerais voyager et parcourir le monde.  

Ah oui, dernier point à tous les amateurs de mes posts et articles que je remercie au passage pour leur soutien. Je sais que certaines publications ont pu faire rêver et saliver, et c’est tant mieux. Il faut toutefois garder à l’esprit qu’il ne faut pas être économe en salive avant de faire saliver. 90% du travail est un travail de l’ombre, partagé entre les fameux 3L (Logistique, Législation et Langue). Et beaucoup de confrères croisés ici et là le savent bien, on visite bien plus les aérogares et les chambres d’hôtel que le pays en lui-même.

L’export est un marathon, mais n’ayant pas les qualités d’un Messaoud BENTERKI pour vous tenir en haleine sur 42 km, je préfère donner quelques bribes de 100 mètres à intervalles réguliers…