Faire alliance avec les castors pour réhydrater la Terre
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Faire alliance avec les castors pour réhydrater la Terre


L’eau, source de toute vie constitue un défi majeur du XXIe siècle.

Depuis 2021, les Nations Unies ont lancé la Décennie pour les sciences océaniques au service du développement durable (2021-2030). 15 états membres de l’Union européenne, dont la France, ont engagé en 2022 la « Mission Horizon Europe » pour régénérer océan et eaux d’ici à 2030. L’enjeu est de « réparer » 20 % de l’hydrosphère européenne.

Si l’on regarde le problème avec une approche systémique, régénérer les océans passe entre autres par la régénération des cours d’eau continentaux. Aux États-Unis, un collectif de scientifiques et d’ingénieurs collaborent avec le génie des castors pour activer les forces de régénération des rivières. Constructeurs de barrages immenses, les castors sont aussi capables de détourner des cours d’eau. Cette histoire, Baptiste Morizot l’amorce dans la dernière halte de son dernier livre, L’inexploré (Wildproject, 2023), à la suite d’une rencontre avec l’hydrologue Joe Wheaton, engagé dans le mouvement nord-américain du process-based restoration en lien avec le collectif The Beaver believers.

Face à la dégradation du réseau hydrologique des continents modifié par les sociétés industrialisées, des ingénieurs ont exploré des pistes pour régénérer les bassins versants qui deviennent inhabitables pour de nombreuses espèces, dont la nôtre. Les conséquences sont déjà là : incendies inédits, sécheresses agricoles radicales, crues dévastatrices plus fréquentes et plus intenses.

Ce mouvement qui expérimente une nouvelle approche de la régénération écologique (LT-PBR) s’en est finalement remis aux 8 millions d’années d’expérience des castors et de leurs « techniques » pour retenir l’eau sur la terre et pérenniser la bonne santé des rivières et de leurs écosystèmes. Donc la nôtre.

Comment s’inspirer des ouvrages des castors pour régénérer les cours d’eau ? L’originalité d’un barrage de castor, c’est qu’au lieu de mettre les bois perpendiculaires au cours d’eau – comme le font les constructeurs de barrage humains (« modernes ») – les castors les disposent parallèles au lit de la rivière. Ce qui permet à la fois de minimiser les forces de traction qui s’opposent à elle et de faire de chaque bout de bois, non plus un barrage pour l’eau mais « un chemin qui la ralentie ». Contraints en énergie (sans pétrole, ni mécanique technique), les castors collaborent avec les forces de la rivière. Leur « intelligence » n’est pas de chercher à arrêter, stocker ou immobiliser l’eau mais consiste à la ralentir suffisamment pour façonner l’habitat dans lequel ils vont prospérer.

La technique est Low-tech : ralentir l’eau pour « augmenter son temps de résidence sur la Terre ». Permettre à l’eau de rester avec nous en s’infiltrant dans les nappes phréatiques avant de continuer son cours en passant par l’océan. « Le génie hydromorphologique des castors est de nous aider à passer de l’ère du drainage à une ère de la réhydratation ». Passer d’une ère où l’on cesse de corseter les rivières pour leur rendre l’espace de liberté dont elles ont besoin afin de réactiver des dynamiques qui sont les leurs. Sans argent, ni pétrole, les castors permettent aux rivières de se « guérir » elles-mêmes.

Face aux sécheresses, aux feux et aux crues nouvelles de l’anthropocène, le rôle à jouer des castors est désormais documenté scientifiquement. Là où il y a des peuples de castors, nous pouvons faire avec alliance avec eux. Là où ils ne sont pas, nous pouvons s’inspirer de leur ingéniosité et de leurs techniques pour « garder » l’eau sur la Terre.

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