Faire moins avec moins
Carré blanc sur fond blanc, Kasimir Malevitch

Faire moins avec moins

Faire plus avec moins. Ou faire mieux avec moins. Que vous soyez manager en entreprise, mère de famille, membre d’une association, élu local : vous êtes forcément confrontés à cette injonction paradoxale. Un impensé demeure, une sorte d’angle mort de notre réflexion : faire moins avec moins. 

La planète brûle et… nous n’avons d’autres choix que de faire avec moins

Les ressources mondiales en termes de minerais, d’hydrocarbures, de matières premières se réduisent à peau de chagrin. Notre système de production détruit l’air, la terre et les océans sans répit. 

De manière objective, notre modèle ne parvient pas à se régénérer. Le débat n’est pas de savoir si Greta Thunberg paraît sincère dans son désespoir. Le constat l’emporte l’accord de tout contradicteur sain d’esprit : nous n’avons d’autre choix que de faire avec moins. 

Alerte au frugal washing

Mais lorsqu’il s’agit de faire avec moins, le solutionnisme technologique n’est jamais bien loin. De l’anecdotique au plus massif, en voici deux exemples récents. Tout change pour que rien ne change. 

L’interdiction des pailles en plastique a fait surgir des peurs bleues. Mais heureusement, des esprits ingénieux s’attachent à importer des pailles en bambou… du Vietnam. Avec l’empreinte écologique que l’on sait pour le transport, entre autres. Est-ce si complexe d’envisager de boire sans paille ? 

La taxe sur les vols intérieurs à d’abord fait ruer dans les brancards avant de conduire à des mesures “radicales”. Air France propose de compenser les vols en plantant des arbres, ce qui demeure largement controversé. KLM invite à “voler responsable” avec en ligne de mire les technologies d’aviation bas carbone. Est-ce si complexe d’envisager de ne plus prendre l’avion ? 

Essayons, au moins

En somme, l’habile formule “faire plus avec moins” reflète notre incapacité collective à sortir d’un modèle de pensée performatif et productiviste. Faire plus avec moins, c’est faire plus malgré tout. Ce n’est qu’illusion à l’aube de la sixième extinction de masse. 

Des pistes intéressantes existent néanmoins. Au Japon, l’art du Dan-Sha-Ri prend de l’ampleur, avec pour objectif de revenir à l’essentiel dans une forme de dénuement. Dans l’industrie, certaines entreprises font le pari de renoncer à certaines recettes. Patagonia propose de réparer gratuitement les habits déchirés plutôt que de chercher à en vendre de nouveaux. La coopérative Commown invente un modèle de location avec services de matériel électronique où l’entreprise a intérêt à fournir du durable et du réparable, puisque les pannes et casses sont à sa charge.

En tant que consommateurs, sommes-nous capables d’acheter, pas plus ni mieux, mais moins ? Et surtout, en tant qu’organisations, sommes-nous capable de produire et vendre, pas seulement dans de meilleures conditions, mais moins ? 

Bref, faire moins avec moins. Et s’en porter tout aussi bien. 


Ps : actuellement en réflexion sur ma nouvelle aventure professionnelle, je serais ravi d’échanger avec celles et ceux qui cherchent à faire moins avec moins. Si vous ne m’aidez pas, je retournerai travailler plus pour gagner plus, tant pis.


Rebecca Narewski

"Sustainable ThinkinG" : Circular, Sustainable, Responsible, Fair & Conscious Beauty, Luxury Goods & Fashion x Vegan

5 ans

Merci pour ce billet - et merci Thomas Dagorn Da Silva Dias de me l'avoir indiqué. Je suis en pleine réflexion également, car à force de devoir en faire plus avec moins, il y a quelque chose d'incohérent et d'inéquitable aujourd'hui et de nombreux talents s’essoufflent. Cette réflexion embrasse de nombreux aspects: professionnel, personnel, entrepreneurial, sociétal et éthique.

Pierre Fournier

Le souffleur des Dirigeantes de la Tech qui souhaitent persuader à chaque prise de parole - Hôte du Podcast et de la newsletter Rebond-s - Formateur en rhétorique, storytelling et prise de parole en public

5 ans

On en discute quand tu veux Samuel Roumeau. Je serai à Paris en novembre avec Hélène Vuaroqueaux, c'est une question que je me pose dans l'entreprise que j'ai lancé il y a 11 mois.

Anaelle S.

Coordinatrice de tiers-lieu 🙌 Transition écologique et socioculturelle • Entraide et lien social • Résilience

5 ans

Excellent billet que je me suis régalée à lire. Merci ! 🙂

Merci Samuel, c'est un sujet qui me tient à cœur également. On pourrait parler d’alternative washing aussi. Tu donnes en exemple les pailles, plus largement ce sont les alternatives aux plastiques qui m’interrogent https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/04/14/comment-l-industrie-se-prepare-a-se-passer-du-plastique_5450029_3234.html Et on pourrait également évoquer la pseudo-consigne pour bouteilles en plastique qui a failli être instaurée. J’ai le sentiment qu’avec la pression des citoyens (-consommateurs) qui augmentent, on va faire face à une recrudescence d’enfumage de ce genre. De plus en plus d’alternatives vont nous êtres proposées, sans que l’on questionne réellement les usages. Quels modèles pour aller vers une réelle sobriété?

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