Femme, toute l’année !


 

Et le 9 le 10, le 11… mars, avril, mai…la femme est jetée aux oubliettes. Cela ne veut pas dire que nous sommes contre la célébration du 8 mars. Seulement, à quoi sert cette journée, si elle ne nous permet pas d’être vue autrement, de voir nos droits évoluer dans le bon sens.

 Au Sénégal, des femmes suent tous les jours dans les champs, aux bureaux, dans les maisons, les hôpitaux, les universités, les marchés, sauf qu’elles restent des femmes dont certains hommes disent qu’elles n’ont pas à se plaindre. Sans doute parce que contrairement à nos grands-mères, nous allons à l’école, avons la possibilité d’avoir des femmes de ménage, des crèches pour nos enfants et que même certaines d’entre nous s’offrent le luxe de ne point cohabiter avec les beaux-parents ou encore de ne pas savoir faire la cuisine.

« La génération de femmes sénégalaises d’aujourd’hui, n’a pas à se plaindre. Elle a la possibilité de travailler, de gagner autant que les maris sans hériter de certains devoirs de ce dernier. Celles qui sont dans les champs, disposent de pompes, de tracteurs de matériaux à jours qui ne les fatiguent plus. Avec tous ces efforts et tous ces droits en plus, elles attendent le 8 mars pour enquiquiner les vaillants hommes de ce pays qui travaillent nuits et jours pour satisfaire des femmes qui épargnent pour se trouver un toit et préparer le divorce. Pourquoi, les femmes se réduisent-elles à une journée ? »

Voila différentes réprimandes d’hommes sénégalais sur leurs femmes. Chers époux, frères, amis, nous ne réclamons pas l’égalité. Nous allons vers le respect et l’amour de la femme afin que le 8 mars ne soit plus célébré.

Les descendantes d’Eve, ne veulent pas de votre pitié, elles veulent que soyez respectueux envers elles et que vous les acceptiez à vos côtés, comme partenaires, comme sœurs, comme amies, comme mères, comme celles qui saignent pour vous donner la vie.

Certaines critiques d’hommes sénégalais répugnent, découragent, désolent et même perdent les femmes. Depuis quelques jours, les propos d’un professeur de philosophie semblent défrayer la chronique. D’après lui, certaines « Esmeralda » provoqueraient leur viol. Diantre Professeur ! Ces dires rappellent des textes sexistes du 19e siècle. De grâce, ne nous ramenez pas en arrière, à cette période où dans certains pays, les femmes n’étaient pas des citoyennes. Tout ce qui touche la femme et son corps sont des questions sensibles et il faut savoir comment, où et quand en parler.

C’est un intellectuel comme on les appelle ici, qui sort ce discours outrageux. Que diront ceux qui ne sont pas avertis et qui semble-t-il, n’auraient aucune considération pour la femme ? Nous préférons ne pas savoir car ces hommes, eux, ne prennent pas le risque d’être devant des caméras.

Pour ne point perdre du temps, ces écrits s’adressent aux femmes sénégalaises. Chers sœurs, mères, amies où que vous puissiez être, quelle que puisse être votre activité, que vous soyez voilée, à moitié nue, à moitié habillée nous ne méritons d’être vue comme des prédatrices, des provocatrices, des coupables de ce dont nous souffrons. Chacune d’entre nous quels que soient sa religion, ses choix personnels, a droit de se célébrer à sa manière et ce, tous les jours.

Le 8 mars ne doit plus être pour nous un jour, avec un thème à traiter, sur lequel les débats vont fuser pour ensuite être oubliés jusqu’au prochain 8 mars.  En 1910, l’idée de la célébration de cette journée est lancée. Il faudra attendre 67 ans pour qu’elle soit effective. Entre ces deux datent, plusieurs actes ont symbolisé l’avancée des droits de la femme dans le monde. Ne nous arrêtons pas là, chères sœurs sénégalaises, prenons le train en marche et agissons. Nous sommes en 2018, beaucoup de femmes se plaignent de violence conjugale physique, verbale ou morale. Nous portons neuf-beaux mois nos enfants et n’avons aucune autorité parentale. Une mère ne peut faire un passeport pour son enfant sans l’autorisation du père même si celui-ci ne subvient pas aux besoins de l’enfant. Les femmes sont tous les jours harcelées, violées et violentées dans cette société qui se dit croyante et hospitalière. Agissons,  positivons, manifestons pour que ces problèmes trouvent des solutions pérennes. Attaquons le point de la violence faite aux femmes par les femmes dans les maisons, les lieux de travail et sur les réseaux sociaux. Soyons plus solidaires, plus cohérentes dans nos différentes démarches.

 Arrêtons de nous fustiger « lekku ndeye », « tanku ndieuké », « téranga goro », « sukaru koor » que des causes qui ont perdu de leurs valeurs humanistes et sociales et qui constituent aujourd’hui des fardeaux pour des femmes dans leur ménage !

Arrêtons de maltraiter les femmes de ménage dans les maisons, de ne pas les nourrir, de leur manquer de respect !

Arrêtons de trouver de la collègue femme, des imperfections, des maladresses qui n’en sont pas !

Arrêtons, de sauter de joie parce que le mari polygame ou infidèle ne trouve que des défectuosités à sa femme restée à la maison auprès des enfants!

Arrêtons de voir de la sœur de l’époux que son mauvais côté, son mariage raté, elle est une femme et donc une sœur !

Epaulons-nous, créons des entreprises faisons de sorte que le 8 mars ne soit plus qu’un jour comme les autres, un jour où les femmes se lèvent, travaillent dans les champs, dans les bureaux, s’arrêtent pour discuter, donnent la vie, parlent des belles choses du monde, bref continuent de faire exister l’univers dans la bonne humeur, dans l’affèterie, dans la femme-rie.

Et que Dieu bénisse la femme et sa descendance !


LARISSA KOJOUE

Enseignante-chercheure, défense des droits humains

6 ans

Moi je suis pour l'égalité. Si le mot fait peur, il faut questionner ses craintes? Egalité ce n'est pas vengeance, égalité = équilibre

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Plus d’articles de NDEYE ASTOU NDIAYE

Autres pages consultées

Explorer les sujets