Figuig au cœur de nouvelles tensions entre l’Algérie et le Maroc : Analyse de situation.
« Des agriculteurs marocains, dans la localité de Figuig, chassés de leurs terres par l’armée nationale et populaire algérienne » Titre qui circule sur la toile depuis le mois de mars 2021, suite à l’intervention des autorités algériennes demandant à des ressortissants étrangers, marocains, de mettre fin à toutes formes d’exploitations des terres se situant dans la localité d’El Arja, région du sud-ouest algérien.
Nous allons essayer, à travers la présent réflexion, de décrypter la situation suscitée en prenant en considération l’importance spatiale de la localité en question, et, l’intérêt particulier porté à cette dernière par le royaume marocain.
A première vue, Figuig, peut paraitre comme une petite localité transfrontalière, cependant, elle a joué un rôle majeur dans l’histoire de la région de la Saoura, région du sud-ouest algérien. En effet, elle fut l’objet d’un intérêt particulier de chercheurs et géographes français tel que le diplomate et explorateur français Henri Poisson de la Martinière qui l’a décrite comme étant plus qu’une simple oasis, mais un carrefour stratégique qui donne directement sur la ville de Laghouat, c’est-à-dire, le centre de l’Algérie. En outre, Emile-Félix Gautier, géographe et ethnographe français, dans son ouvrage sur le Sahara, considère Figuig comme étant une position clé dans la chaine des oasis saharienne, commandant la porte du grand désert et le contrôle pratique du mouvement caravanier. Ces descriptions, énoncées, montrent à quel point cette région est importante, ainsi, tout évènement, la concernant, doit être traité avec la plus grande attention et non pas comme un banal fait divers.
En outre, il est à noter, que l’intérêt des différents spécialistes et chercheurs pour Figuig ne se limita pas à l’analyse de l’aspect spatial de la région, mais, s’est porté sur d’autres disciplines scientifiques, tel qu’il ressort des différents travaux archéologiques et historiques effectués sur la région liés aux populations l’ayant, jadis, occupées, berbères, arabo-musulmanes, chrétiennes et juives. D’autres études, d’un tout autre type, sciences politiques, se sont aussi intéressées à Figuig, tel que les travaux sur l’impact du tracé actuel des frontières, algéro-marocaines, sur l’homogénéité et la cohésion sociale des populations. Dès lors, il convient de déclarer, que cette localité, au-delà de ses aspects géographiques et historiques est d’une importance stratégique avérée tel qu’il ressort des différentes recherches liées à cette oasis perdue au sud-ouest de l’Algérie.
Cette importance stratégique a conduit les différents souverains et officiels marocains à revendiquer, inlassablement ce territoire, en s’appuyant sur ce qu’on appelle le grand Maroc, tout en contestant le tracé actuel des frontières qui, selon eux, est un héritage de la période coloniale et dont la révision est nécessaire. Cependant, ces revendications ne peuvent avoir d’échos car suite à la guerre des sables de 1963 opposant l’Algérie au Maroc, les deux parties se sont mises d’accord sur le tracé actuel des frontières à travers la convention de Rabat de 1972, ratifiée successivement pas l’Algérie en 1973 et par la suite le Maroc en 1992. Cet aspect formel et officiel dument établi, dans un cadre international, rend toute demande ou atteinte au périmètre pré établi contraire aux regèles du droit international.
Cependant, bien que le tracé actuel revêt un caractère officiel, suivant les éléments cités, il ne faut pas perdre de vue l’histoire politique moderne qui a connue l’émergence d’une nouvelle tendance , celle des mouvements séparatistes, phénomène issue de la guerre froide et qui remonte aux années 1990 et qui se fond dans certains cas sur des éléments ethnico-sociaux et géographiques, mais de telles revendications doivent être précédées d’un travail de fond de plusieurs décennies pour pouvoir atteindre un stade de maturité pouvant déclencher ce type de demandes.
Dès lors, nous pouvons considérer que les évènements récents qui se sont déroulés dans cette petite oasis, qui peuvent paraitre anodins, et se parer de meilleures intentions du monde, s’inscrivent en réalité dans une dimension géopolitique aux aspects très sensibles dont les intentions peuvent être décrites comme soigneusement dissimulée, l’exemple le plus édifiant est celui de la propagande médiatique sans précèdent visant directement l’armée nationale populaire algérienne qui s’ensuivirent, la faisant passer pour un vulgaire assaillant n’ayant aucun code d’honneur en s’attaquant à de simple agriculteurs, C’est pourquoi il est important de rechercher derrières toutes les manœuvres pouvant se réaliser, dans le futur, dans cette localité ou dans la région adjacente, la trivialité qui s’y dissimule.
Ces suppositions peuvent être admises, si l’on considère que le royaume marocain a longtemps été privé de sa souveraineté sur son propre territoire, à l’exemple de Cueta et Milia, et qu’il ait, aujourd’hui la volonté d’entrer dans une nouvelle dimension qui consiste au recouvrement de la souveraineté de ses territoire, et l’appropriation de nouveaux territoires dans une optique expansionniste, au détriment d’un autre pays, comme l’attestent les récents mouvements sur le territoire de la République arabe sahraouie et démocratique. Un appétit territorial qui, apparemment, s'oriente cette fois au versant-est du royaume et qui consiste à la reconquête de l’ancien territoire spolié par le colonisateur, tel qu’il ressort du discours officiel de la cour royale marocaine et des différents politiciens marocains, ce qui pourrait expliquer cette énième manœuvre de se déployer sur le périmètre Algérien.
Cependant, il est à noter que d’une manière générale, l’appétit expansionniste n’est jamais la seule motivation poussant certains états ou puissances à agir, plusieurs facteurs, peuvent être retenus, en l’occurrence, la confrontation d’hégémonie. L’Algérie qui s’est imposé au fil du temps comme une puissance régionale, occupe aujourd’hui un rôle important dans la région, notamment, dans la stabilisation de la région du sahel, rôle qui ne peut que croitre suite à la constitutionnalisation d’un nouveau principe permettant à l’armée algérienne d’intervenir en dehors du territoire algérien, élément qui pourrait expliquer ces attaques incessantes du royaume marocain envers son voisin l’Algérie.
Ainsi, la réaction algérienne de procéder à la stabilisation du périmètre jouxtant l’oasis de Figuig, s’inscrit dans une démarche légale consacrée par le droit international celui de l’intégralité du territoire. Et pourra avoir comme effet direct, la sécurisation de la région qui est connue pour être un point relai important dans la contrebande de drogue, phénomène amené à connaitre une recrudescence, suite à la récente décision du gouvernement marocain de légaliser le cannabis. En ce sens, cela, permettra à l’Algérie de se concentrer sur d’autres défis, de plus grande importance, notamment, la stabilisation et sécurisation de la région du sahel et du versant libyen.
Riad ARADJI.
avocat au barreau d'Alger
mtr.aradji@gmail.com