FINANCEMENT DES PME/ETI : QUELLES ALTERNATIVES ?

FINANCEMENT DES PME/ETI : QUELLES ALTERNATIVES ?

Article co-rédigé avec Dana Anagnostou, Co-Managing Partner Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP

Les financements dits « classiques » sont ceux offerts par les banques et les organismes de crédits. Il s’agit par exemple des prêts bancaires, placements boursiers ou encore des lignes de crédit. La finance alternative désigne, elle, l’ensemble des instruments de financement proposés à travers de nouveaux canaux de distribution tels que le crowdfunding, les placements privés, le marché obligataire, l’affacturage, le leasing, autant de noms très en vogue mais souvent méconnus et par les acteurs autres que les banques (fonds d’investissement, compagnies d’assurance.

Le succès des financements alternatifs résulte en partie du paradoxe auquel les financements classiques font face. En effet, bien que ces derniers représentent la plus grande source de financement des entreprises européennes, ils ne correspondent pas toujours aux besoins des Petites et Moyennes Entreprises (PME) et des Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI) industrielles. Si les prêts bancaires sont bon marché et les banques faciles d’accès du fait de leur présence sur tout le territoire, ces prêts reposent, pour l’essentiel, sur le risque de crédit de l’entreprise et les garanties accordées par celle-ci. Or les PME et ETI n’ont pas nécessairement les capacités de crédit requises, notamment si elles sont déjà très endettées, et/ou ne peuvent accorder les garanties classiques requises. Dès lors, les montants des prêts sont rarement à la hauteur des besoins des entreprises. Par ailleurs, l’échelonnement des remboursements et la maturité du prêt sont peu flexibles et adaptés à la capacité de remboursement de l’entreprise.

Les financements alternatifs, bien qu’ils s’adaptent mieux aux besoins et capacités de garantie des PME et ETI que les financements classiques, demeurent cependant méconnus de celles-ci. Elles estiment souvent que la complexité de ces financements et le manque de transparence ne leur permettent pas d’en bénéficier. Les pourvoyeurs des ressources financières alternatives sont peu connus et moins accessibles territorialement. Leur communication est souvent orientée vers des professionnels de la finance qui joueront le rôle d’intermédiaire plutôt que vers les dirigeants d’entreprise avec qui ils souhaitent entreprendre. Ils acceptent cependant des risques différents et souvent à un niveau plus élevé que les banques. Ils sont capables de mieux les évaluer et peuvent se prémunir contre ces risques avec des sûretés moins conventionnelles et dans bien des cas, plus en rapport avec l’activité de l’entreprise.

Les financements alternatifs mériteraient d’être mieux connus en ce qui concerne les instruments disponibles mais aussi leurs pourvoyeurs et les garanties qu’ils requièrent. Tant les professionnels de la finance que les entreprises pourraient en bénéficier. Cet article vise à exposer un (i) un panorama non exhaustif des financements alternatifs selon les besoins des entreprises, ainsi que (ii) les moyens d’en bénéficier.

I -       Panorama des financements alternatifs

2.1      Des outils pour répondre à chaque besoin 

Il existe une variété de financements alternatifs adaptés aux besoins de chaque entreprise selon son cycle de développement. Les financements décrits ci-dessous ne sont pas exhaustifs mais représentent des outils pouvant satisfaire aux plus nombreux.

 Les investissements en fonds propre, c’est-à-dire des investissements dans des sociétés en échange d’actions ne sont pas traités dans cet article. Ils s’adressent à des start-up et des jeunes entreprises innovatrices qui ont un profil de risque/rendement élevé ou les entreprises plus mûres dont le business model a fait ses preuves et qui démontrent un potentiel de croissance attractif pour les investisseurs.

(i)          Financements garantis par un actif (asset based financing)

 Les financements garantis par un actif sont généralement les financements les moins risqués. Ils peuvent notamment bénéficier à des entreprises ayant un profil à risques complexes ou considérées non finançables par les banques. Il s’agit par exemple des entreprises très endettées ou sortant d’une procédure de sauvegarde qui possèdent certains actifs facilement convertis en cash (portefeuilles de titres côtés ou Bon de trésor) des actifs cotés sur un marché organisé. (Matières premières : produits agricoles, pétrole etc. )  

 Dans le cadre d’un financement garanti par un actif, un prêteur octroie des fonds à une entreprise en prenant une garantie sur un actif de la société. De ce fait, le recours à l’actif permet au prêteur de se prémunir contre le risque de défaillance de son débiteur et améliore sensiblement l’appréciation du risque du financement.

 Les caractéristiques du prêt et des garanties varient selon le montant et le bien pris en garantie. Autrefois les prêteurs privilégiaient les actifs liquides et rapidement convertibles en cash en cas de défaut du débiteur afin de pouvoir les céder aisément et tirer profit des produits de la vente. Il s’agissait parfois d’un portefeuille d’actions côtées, d’emprunts ou d’autres créances sur l’état (ex : remboursement de la TVA).

 Cependant, certains équipements peuvent aussi être pris en garantie. Le montant du prêt est en général inférieur à la valeur du bien dans les comptes de la société. En cas du défaut de paiement du débiteur, il permet d’assurer le remboursement du crédit par le produit de la vente du bien. Il s’agit d’équipements standards et facilement cessibles.

 Très répandus dans les pays anglo-saxons, ces financements existent en France sur un marché fragmenté où les acteurs sont spécialisés dans certains types de financements garantis par certains d’actifs. On compte parmi ces financements, l’affacturage ou le crédit-bail (leasing) et encore moins connue, la cession bail qui seront analysés plus en détails ci-dessous.

 (ii)         Autres financements (alternative debt)

o  Les placements privés

Les placements privés permettent à une société non-côtée, c’est-à-dire dont les actions ne sont pas échangées sur un marché public, d’émettre des titres de dette auprès d’un nombre limité d’investisseurs privés.

 Il s’agit d’une source d’endettement alternatif intéressante pour les entreprises qui ne veulent ou ne peuvent pas accéder aux marchés publics du fait des contraintes que représentent l’AMF et la publication de leurs informations financières. Les placements privés permettent parfois de lever davantage de fonds, le nombre de participants étant plus nombreux qu’à l’occasion d’un prêt bancaire octroyé par la banque historique de l’entreprise. Le risque est donc réparti entre plusieurs participants.

 Le placement privé se caractérise par une documentation négociée entre l’entreprise et ses investisseurs potentiels, comme à l’occasion d’un prêt bancaire. Ces investisseurs sont cependant des fonds, des sociétés de gestion ou des sociétés d‘assurance et l’emprunt ne suit donc pas les régulations contraignantes auxquelles les banques sont soumises.

 C’est une dette senior qui est « pari passu » avec les autres dettes senior de la société i.e. une catégorie de créance dont le remboursement est prioritaire en cas de banqueroute. C’est une dette illiquide car Il n’y a pas de marché secondaire et la dette n’est pas notée. La documentation n’est pas standard et les clauses négociées ne correspondent pas nécessairement au critère d’investissement d’autres investisseurs.

 o  Emission obligataire  (corporate bonds)

Il s’agit d’une émission de titres de créance destinée aux marchés publics qui se transforme en instruments négociables sur un marché secondaire. Ces derniers sont des lieux d’échange de titres de créances (au même titre que des personnes échangent des actions) qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes et régulations que les marchés publics.

 Dans le passé, l’émission d’obligation était réservée aux grandes entreprises pour une levée de montants importants. Depuis peu, les PME/ETI peuvent également émettre des obligations pour des montants beaucoup plus modestes. Ces émissions sont pour la plupart placées auprès d’investisseurs privés et donc pas sur un marché public. Plus récemment, ce type de dette peut même être octroyé sur internet au travers de plateformes spécialisées.

 L’intérêt d’une émission obligataire est son profil de remboursement. L’émetteur/emprunteur ne paie que les intérêts de la dette pendant toute la durée du prêt puis rembourse le capital à la fin.

 S’agissant d’une dette à long terme dont le capital ne s’amortit pas, l’investisseur reçoit un paiement annuel des intérêts du même montant pendant une durée relativement longue.

 Les compagnies d’assurance recherchent ce profil de dette car le paiement d’un intérêt fixe pendant une période assez longue leur permet de payer une annuité fixe à leurs investisseurs (par exemple des retraités et des personnes physiques à la recherche d’un complément de revenu.) 

 Pour des entreprises qui investissent dans des projets dont la rentabilité est différée dans le temps, le profil de remboursement d’une émission obligataire allège considérablement le poids de la dette pendant les premières années quand la rentabilité du projet est encore faible.

 (iii)       Instruments hybrides

o  Les obligations convertibles (convertible bonds)

Une obligation convertible émise par une société est une dette de cette dernière assortie d’un droit (et non d’une obligation) de conversion en actions. Ce droit est exerçable à une date donnée et dans des conditions prédéfinies.  

 Ainsi cette dette peut être remboursé en numéraire ou en action et présente des avantages et inconvénients pour l’emprunteur/émetteur selon sa capacité de d’anticiper la croissance de son entreprise.

 S’il permet de maintenir le contrôle de la société et la stabilité de son actionnariat lors de l’émission, il encourt le risque de dilution à terme voire la perte totale du contrôle si la société ne réussit pas son développement.

 Une émission d’une obligation convertible bien montée permet à une société en croissance qui maitrise son plan de développement de trouver des fonds à moyen terme à un coût moindre sans ou avec une faible dilution.

 Cependant, c’est une opération qui nécessite une bonne compréhension de son mécanisme de conversion et l’analyse de sa rentabilité.

 o  Les dettes mezzanines

Une dette mezzanine est une dette subordonnée. Cela signifie que son remboursement est assujetti à celui du remboursement de la dette senior qui correspond généralement à un crédit bancaire (ou un placement privé comme décrit ci-dessus).

 Sa durée est assez longue, entre 8 et 10 ans et fait de ce mode de financement un instrument intermédiaire entre la dette senior classique et un investissement en fonds propres.

 Pour une société en forte croissance, la dette mezzanine donne accès à une ressource à long-terme et évite également une dilution pour les actionnaires.

 Une dette mezzanine est souvent utilisée dans des montages LBO pour accroitre l’effet de levier pour l’acquéreur d’une société.

2.3      La mobilisation des actifs – Crédit-bail - Cession-bail

1-   Le crédit-bail

Dans le cadre d’une opération de crédit-bail, l’entreprise qui désire réaliser un investissement en équipement, conclut avec une société financière un contrat aux termes duquel la société financière (le crédit-bailleur) met à disposition de l’entreprise (le preneur) des biens d’équipement qu’elle a acquis, moyennant le paiement d’un loyer.

 A l’issue du contrat, le preneur peut (i) restituer le matériel, (ii) négocier un nouveau contrat de location ou (iii) acquérir l’équipement pour une valeur résiduelle proche de la valeur comptable.

 Les opérations de crédit-bail comprennent de nombreux avantages qu’il convient néanmoins de nuancer.

 Certes, l’entreprise n’apporte pas ses fonds propres et peut investir ses fonds disponibles pour d’autres dépenses stratégiques. Le matériel est remboursé par la production de la valeur ajoutée qu'il génère.

 Toutefois, le coût est plus onéreux qu’un prêt bancaire ordinaire. Il convient de compter 5% à 8% du financement contre 3% à 5% pour un prêt standard.

 L’entreprise continue d’opérer normalement sans ingérence dès lors que le bien est affecté à son usage tel que décrit dans le contrat. Néanmoins, le contrat peut s’avérer contraignant car la responsabilité de la maintenance reste toujours à sa charge ainsi que certains autres engagements compris dans des clauses d’usage.

 Enfin, le crédit-bail permet un financement TTC de l’équipement, ce qui n’est pas le cas d’un crédit classique. En effet, le crédit-bailleur s’acquitte de la totalité de la TVA au moment de l’acquisition de l’équipement. Le preneur lui reversera, au fil de l’eau, la TVA dans ses versements périodiques avec un intérêt.

 A retenir sur le plan comptable :

-         les loyers de crédit-bail versés en cours de contrat sont normalement déductibles dans leur intégralité des résultats imposables de l'entreprise locataire ce qui diminue d’autant son bénéfice imposable ;

 -         l’entreprise n’enregistre pas d’amortissement de matériel dans sa comptabilité, comme elle n’est pas propriétaire de l’équipement ;

 -         si le preneur accepte la promesse unilatérale de vente dont il est titulaire, il devient propriétaire du bien objet du contrat. Ce bien est inscrit à son bilan en actif immobilisé.

Si le crédit-bail est relativement connu des dirigeants d’entreprise, ils sont généralement moins familiers avec la cession-bail.

2. La cession-bail

 La cession-bail permet à une entreprise propriétaire d’équipements stratégiques et indispensables à son activité de les céder à un tiers en vue de les prendre en location. Elle conserve l’utilisation moyennant le versement d’un loyer et redeviendra prioritaire de ces équipements par la levée de l’option d’achat à l’issue du contrat.

 L’entreprise pourra alors disposer librement des fonds issus de la cession pour réaliser d’autres investissements, réduire son endettement et ses besoins en fonds de roulement ou tout simplement diversifier ses sources de financements.

Une opération de cession-bail peut se réaliser sur un équipement entièrement amorti dans le bilan d’une entreprise. En effet, le montant du financement est basé sur la valeur marchande du bien et non sa valeur comptable.

L’analyse du risque se porte pour l’essentiel sur la valeur de l’actif industriel et dans une moindre mesure sur le risque de crédit de l’entreprise.

En résumé, le crédit-bail est une opération de financement d’un achat d’un bien d’équipement par opposition à la cession-bail qui valorise un bien existant et dégage des ressources financières nouvelles pour développer l’entreprise.

 II-       Vers qui se tourner ?

 Tous ces modes de financement ne représentent qu’une partie des alternatives à la disposition des entreprises. La plupart demeure inconnue des PME/ETI qui pourtant en ont le plus besoin. Ces entreprises font le plus souvent appel à leur banque par méconnaissance des autres possibilités qui s’offrent à elles. Or, les banques sont souvent peu informées au sujet des financements alternatifs ou n’ont pas intérêt à proposer d’autres possibilités que les prêts standards.

 Aujourd’hui, le dirigeant doit acquérir la connaissance de l’ensemble des techniques et instruments disponibles sur le marché pour pouvoir développer une vision globale et stratégique à long terme des moyens de financements. Cette vision est essentielle pour soutenir et accompagner la croissance de son entreprise.

 L’accompagnement d’un conseil expérimenté permet à l’entreprise de développer sa connaissance de ces nouvelles techniques et lui facilite l’accès à une gamme plus large de financements alternatifs. Il est là pour assister le dirigeant dans l’analyse, la compréhension et la gestion des risques associés et dans le développement de sa vision stratégique. 


Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Autres pages consultées

Explorer les sujets