« Frexit » : un sujet politique et non monétaire
Le « Frexit » (terme inventé par les commentateurs pour parler de la sortie de la France de la zone euro) est une question trop politique pour être laissée aux économistes ! Dans un pays fondateur de l'Europe, comme la France, ne commettons pas l'erreur de nos amis britanniques : en alignant chaque jour des chiffres plus ou moins effrayants sur les conséquences d'un Brexit, ils ont déroulé avec méthode ce que les experts en communication ont baptisé « project fear » ou « projet peur ». Cela a échoué au Royaume-Uni, les experts y ont perdu leur crédibilité. Rien ne sert de créer la peur chez les électeurs en chiffrant très précisément les conséquences de leur vote sur les grands indicateurs macro-économiques (PIB, inflation, taux) et par conséquent sur leur porte-monnaie. Non seulement parce qu’il est bien évidemment impossible de chiffrer les conséquences d’un vote inédit, mais aussi parce qu’on ne répond pas à une question politique par des calculs d'épicier.
Le vrai sujet posé par les soutiens du « Frexit » est politique et c’est celui de l’avenir de l’Europe : si une sortie de la France de l’euro entraînerait un délitement de l’Union monétaire dans son ensemble, dont les conséquences économiques, financières, sociales, sont inestimables, surtout, les conséquences politiques en seraient largement aussi importantes que l’ont été les décisions de construire l’Europe depuis les années cinquante. Loin d’être une simple décision de plomberie, comme certains voudraient le faire croire, la question du « Frexit » est une question politique majeure aux répercussions mondiales.
Pense-t-on sérieusement que la France puisse demander à quitter l’euro sans que cela n’ait aucune conséquence pour la zone euro ?
Pense-t-on sérieusement que la France puisse demander à quitter l’euro sans que cela n’ait aucune conséquence pour la zone euro ? Les deux Présidents qui ont eu à gérer la crise souveraine de la zone euro devraient élever leurs voix pour expliquer pourquoi ils ont tant tenu à offrir une position franco-allemande commune pendant toute cette crise : ce n’est pas que pour s’assurer que les taux français restent proches des taux allemands, ce n’est pas que parce qu’ils sont des européens engagés. C’est parce que le divorce entre la France et l’Allemagne marquerait la fin de l’Union économique et monétaire avec des conséquences économiques et financières majeures, mais surtout des conséquences politiques allant bien au-delà de nos frontières.
Poser la question de la sortie de l'euro, c'est un acte de rupture politique majeur. Parce que l’Union monétaire, fondée sur le Traité de Maastricht, enfant mal-aimé du Traité de Rome, est la clé de voûte de l’Union européenne : se retirer de l’UEM c’est remettre en cause l’Union européenne et ses 70 ans d’histoire de construction de coopération économique, sociale, diplomatique et de sécurité du continent.
L’histoire de la construction européenne est là pour nous rappeler que, sans la France, l’Europe n’avance pas (… et avec la France, elle avance de façon compliquée ). En 1950 c’est Schuman et Adenauer qui seront à l’origine du traité de Paris instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) qui ancrera l’Allemagne de l’Ouest à l’Europe (malgré les protestations britanniques, déjà). En 1954, c’est l’Assemblée nationale française qui rejettera la Communauté européenne de défense. En parallèle, l’Est en profitera pour se rapprocher militairement par ailleurs. C’est en 1965, que la France pratique la politique de la "chaise vide » et paralyse totalement la Communauté économique européenne. Et surtout, aussi, c’est bien la France et l’Allemagne qui ancreront la construction européenne en lançant, dès le début des années quatre-vingt-dix, la monnaie unique, puis Schengen, ouvrant les frontières aux entreprises, aux consommateurs, aux étudiants.
La construction européenne n’est pas parfaite, mais c’est une construction qui a permis non seulement la paix sur le continent, mais aussi la préservation d’un certain modèle social
La construction européenne n’est pas parfaite, mais c’est une construction qui a permis non seulement la paix sur le continent, mais aussi la préservation d’un certain modèle social (c’est en Europe que les inégalités sont les moins fortes au monde), humaniste (les jeunes européens étudient, travaillent, vivent, d’un pays à l’autre, qu’ils soient qualifiés ou non), et de protection contre les autres grandes puissances. Alors que les Etats-Unis se désengagent, que la Russie cherche à diviser l’Union européenne pour affaiblir la région, que la Chine cherche à investir dans le monde entier, avec des conditions d’autant plus défavorables pour le pays receveur que celui-ci est petit, on ne peut parler d’un référendum sur la zone euro sans parler de ce que cela veut vraiment dire : ce n’est pas une simple opération monétaire, comptable, c’est un acte politique majeur pour la France mais aussi pour l’Europe.
Cet article a été précédement publié dans Le Figaro le 6 mars 2017 : Laurence Boone : « Frexit, un sujet politique et non monétaire »
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Chef J9 (CIMIC) chez OTAN
7 ansC'est justement cet acte de rupture majeure qu'il nous faut. Il faut sortir de cet UE qui ruine notre économie depuis 30 ans et maintenant notre identité avec les migrants de Merkel. Quel qu'en soit le prix, cette rupture majeure est notre dernière chance de sauver notre civilisation française et européenne.
Consultant principal chez Gesper.cp
7 ansDans son livre « L'ENIGNE MARJORIE » Muriel Boselli, reprend l'estimation de Marin Katusa dans « The colder war » que l'une de motivations de la guerre du Golfe a été de mettre fin au programme de l'ONU « PÉTROLE CONTRE NOURRITURE » qui mettait en danger l’hégémonie du pétro-dollar dans les paiements des transactions sur le pétrole. Les dimensions du Brexit, au-delà des analyses officielles, et cela en raison de nombreuses évolutions réglementaires européennes en cours concernant les principes comptables, les régulations des marchés financiers et particulièrement ceux des futurs et les régulation prudentielles en matière financière, peut comporter des dimensions politiques non explicitées qui prolongent la spéculation de 2010-11 sur la dette publique des pays de l'euro. Au delà de cette piste, l'absence de prise en compte par des disparités de situations des pays concerné et révélée par la crise grecque dans un système monétaire unifié, stérilise tous les mécanisme d'ajustement économique. Faute d'un système de rééquilibrage des flux de capitaux interne qui me semble plus crédible que l'harmonisation recherchée par Bruxelles, chaque modification des situations régionales conduira à mettre en péril le système, et laissera l'Europe vulnérable face aux autres blocs économiques – INDE, CHINE, RUSSIE, USA.
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7 ansLa sortie de la Zone Euro à mon avis serait un retard vers une économie des années 60 . Les Français ont tout à y perdre. Il faut comprendre le mal être de tous les artisans , de tous les agriculteurs etc.. de l'intérieur et guérir ce fléau .
Consultant en écriture - storytelling - script-doctor
7 ansUn mot sur la Russie : elle cherche à établir de bonne relations avec l'Europe, ce qui ne fait pas les affaires des USA. Mais plutôt que protéger les intérêts américains, la France doit prioritairement veiller sur ses intérêts nationaux. Comme disait De Gaulle : "Les américains, il faut les regarder dans les yeux. ils finissent par s'y faire." J'ajoute que la France doit regarder tous les autres pays exactement de la même façon. Même les Russes finiront par s'y faire... Nous n'avons à nous soumettre à personne. Notre constitution l'affirme dans son article 3 : "La souveraineté nationale appartient au peuple (...)".
Consultant en écriture - storytelling - script-doctor
7 ansC'est très bien, un article qui enfin se positionne avec un peu de hauteur de vue, et ne place pas le débat sous la menace d'un après-Euro de terreur fantasmatique. Il reste à casser deux idées fausses, affirmées sans aucun argument dans l'article. La première concerne la paix. Elle n'a jamais été une conséquence de la construction européenne. Cette paix a été garantie avant 1957 par l'équilibre des puissances, quand les USA et l'URSS se tenaient en respect sous la menace réciproque de leurs armes atomiques. Ensuite, à partir du moment où la France et la Grande-Bretagne ont eu à leur tout l'arme atomique, c'est tout simplement la dissuasion nucléaire qui a maintenu la paix. Croire que la construction européenne y est pour quelque chose, c'est absurde. Par ailleurs, soyons honnêtes, il faut reconnaître que les liens crées à l'époque de la CEE (nous avions le marché commun) ont beaucoup aidé au rapprochement des peuples et à leur entente. C'est également un acquis précieux, car pour la plupart des européens s'est installée durablement l'idée que nous pouvions nous entendre. Ça il faut le préserver. Mais il n'est nul besoin de l'Union Européenne pour ça, heureusement. Deuxième idée fausse, le modèle social. Cet aspect est bien plus mensonger, car les articles 121 et 63 du traité de l'Union Européenne conduisent tout droit à une destruction en règle de tous les acquis sociaux des pays les plus développés d'Europe. En effet, la libre circulation et la libre concurrence amènent des situations de dumping social scandaleuses, et aucun pays n'a le droit de s'y opposer à cause de de ces traités ! C'est bien la le pire défaut des traités actuels. Voilà pourquoi il ne faut pas avoir peur de sortir de l'UE et de l'Euro. C'est l'occasion de sauvegarder les acquis sociaux, et aussi de lancer de véritables coopérations entre les pays au lieu de les mettre en concurrence déloyale. Plus d'infos sur http://www.upr.fr