Gaz, céréales: Moscou teste la cohésion européenne
Isabelle Lasserre
Le Figaro
8/08/2022
ANALYSE - La guerre en Ukraine n’a pas seulement lieu sur le champ de bataille mais également dans le domaine économique et politique. Si l’armée russe, depuis le début de la guerre, peine face à la résistance acharnée des forces ukrainiennes, le Kremlin a récemment marqué des points sur les autres terrains.
Le départ, lundi 1er août, pour la première fois depuis le début de la guerre, d’un bateau de céréales depuis le port d’Odessa, est considéré à juste titre comme une bonne nouvelle. Mais si Moscou, qui depuis le 24 février bloquait les ports ukrainiens, a accepté de signer un accord avec l’Ukraine, sous l’égide de l’ONU, c’est parce que le Kremlin y avait un intérêt. Vladimir Poutine avait besoin de donner un gage à ses alliés d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie, premiers concernés en cas de crise alimentaire mondiale. En échange de cette marque de «bonne volonté», la Russie a obtenu la promesse d’un allégement des sanctions, notamment pour ses exportations de produits agricoles et d’engrais. Pour convaincre Vladimir Poutine, les Européens ont même suggéré la levée d’une partie des sanctions imposées contre sept banques russes. Enfin, la Russie connaît désormais la position des mines marines ukrainiennes disséminées dans la mer Noire…
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En bombardant Odessa quelques heures après la signature de l’accord fin juillet, les Russes ont pourtant rappelé qu’ils pouvaient à tout moment torpiller l’accord conclu sur l’exportation des céréales. Comme le président turc Erdogan avec l’immigration, Vladimir Poutine a la main sur le robinet économique, celui du gaz et celui des céréales, qu’il peut fermer à tout moment. Le maître du Kremlin joue sur la dépendance économique et sur la peur des sociétés européennes, alors que les conséquences indirectes de la guerre entraînent une hausse des prix et font redouter des pénuries d’énergie et une récession. «La guerre en Ukraine est aussi un test de résilience entre la Russie et l’Occident, notamment l’Europe», souligne l’ancien diplomate Michel Duclos sur Twitter.
Les Européens s’étaient félicités de leur démonstration d’unité au début de la guerre. Mais après cinq mois de conflit, la peur et la lassitude mettent à l’épreuve la cohésion de l’UE. Son unité s’effrite à propos de l’énergie. La Hongrie a négocié avec Moscou des livraisons de gaz supplémentaires. L’Espagne et le Portugal refusent de baisser leur consommation de gaz de 15% comme le prévoit le plan de Bruxelles. En Allemagne, la coalition au pouvoir donne des signes de division devant l’ampleur des répercussions économiques en cas de réduction des importations de gaz russe.
Depuis le début de l’été, le contexte international est en outre favorable à Vladimir Poutine, qui voit ses alliés en Occident se renforcer et ses adversaires tomber les uns après les autres. Boris Johnson, d’abord, l’un de ses plus grands détracteurs, qui a rendu les clefs du pays le mois dernier. Mario Draghi ensuite, contraint de démissionner fin juillet. Partisan d’une aide à l’Ukraine et des sanctions contre la Russie, le chef du gouvernement italien a dû s’incliner devant l’alliance de trois partis de sa coalition (les populistes de droite de Matteo Salvini, le Mouvement 5 étoiles de Giuseppe Conte et Forza Italia de Silvio Berlusconi) qui ont toujours entretenu des liens avec Vladimir Poutine. Nul doute que le successeur de Mario Draghi sera beaucoup plus conciliant avec le président russe. En Hongrie au contraire, Viktor Orban, le principal allié de Moscou en Europe, est sorti renforcé après avoir été largement réélu en avril. Quant aux États-Unis, soutiens majeurs de l’Ukraine au niveau militaire et financier, ils ont, depuis la visite de la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, à Taïwan, un nouveau front à gérer, alors que la Russie profite de l’occasion pour resserrer encore ses liens avec Pékin.
En France, le résultat des élections a affaibli Emmanuel Macron, qui fut pendant la présidence de l’Union l’une des principales voix de l’Europe sur la Russie. Le Kremlin peut désormais compter à l’Assemblée française sur le Rassemblement national et La France insoumise pour avoir une position plus conciliante vis-à-vis de la Russie. LFI a voté contre l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’Otan. Marine Le Pen a demandé l’abandon des sanctions contre la Russie, qui, selon elle, «ne servent strictement à rien», sauf à faire souffrir les Européens. Son appel s’ajoute à celui du premier ministre hongrois qui estime qu’avec les sanctions économiques, l’économie européenne s’est «tiré une balle dans les poumons et est asphyxiée».
Il est vrai que les sanctions européennes n’ont pour l’instant pas eu l’effet espéré par les pays européens sur l’économie et le régime russe. «Mais elles permettent de tenir l’État agresseur responsable de ses crimes et d’affaiblir aussi ses capacités à poursuivre la guerre… Ce ne sont pas les sanctions qui tuent l’économie européenne mais la guerre hybride que mène la Russie», rappelle Oleg Nikolenko, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères ukrainien. Alors que les grandes capitales occidentales sont en vacances d’été, les agents du Kremlin, eux, restent actifs. «Leur rôle est de faire monter le mécontentement et de présenter la politique de résistance à l’agression comme inu
tilement douloureuse. On n’a pas approuvé l’agression mais on condamne la résistance à celle-ci… C’est le service après-vente des poutiniens à l’ouest», poursuit le conseiller à l’Institut Montaigne, Michel Duclos. Car la guerre en Ukraine, au même titre que les agitations militaires au-dessus de Taïwan, est aussi un combat entre les autocraties et les démocraties.
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2 anstest qui va nous couter un bras ... vaut mieux faire la manche en Algerie et en Arabie wue de nego avec ce trrrible Poutine. les grands principes en accordeon.