Gestion de la relation client : un appel à sortir de l'amateurisme
Les logiciels de CRM (Customer Relationship Management) - ou GRC (Gestion de la Relation Client) en français - sont désormais présents dans la quasi-totalité des entreprises, petites et grandes, qu'il s'agisse d'un grand nom ou d'un moins connu. Comme son nom l'indique, le CRM a pour mission de gérer la relation client ; mais le fait-il vraiment ?
Première question: qu'est-ce que la relation ?
Elle peut être considérée comme ce qui se passe entre deux personnes, ce qu'elles se disent et ce qu'elles pensent l'une de l'autre en conséquence. Cela s'applique également à ce qui se passe entre une personne (un client par exemple) et une entreprise (un commercial, un conseiller client, et technicien, etc.) et ce que le client pense de l'entreprise en conséquence.
A ce sujet, que gèrent les SI ?
Ils gèrent des tâches, des rendez-vous, des incidents, des documents, des ventes, et ce dans des proportions différentes, les organisations étant davantage orientées commerce ou service. Une fiche client, une tâche, un rendez-vous, un ticket d'incident, un document, ne sont que des moyens de faire vivre une relation entre un client et une entreprise. Les ventes elles, ne sont que les conséquences d'une relation réussie (supposons que les produits et services sont concurrentiels). Or, toutes ces choses ne sont pas LA relation.
La relation est constituée de l'ensemble des pensées (émotions, idées, besoins, envies, impressions...) échangées - ou pas - et ce qu'elles produisent en termes de nouvelles pensées (« je l'estime plus ou moins qu'avant », « j'ai envie de faire ce qu'il me demande ou pas », « j'ai compris ce que l'on attend de moi ou pas », « j'ai aimé la manière de me le dire ou pas »...). Qu'a répondu le client lors de son échange avec le service client ? Qu'est-il d'accord pour faire suite à la demande du commercial ? Que pense-t-il de ses interlocuteurs ? Que leur a-t-il demandé ? Quelles sont ses attentes ? Nul ne le sait car cette information n'est quasiment jamais écrite sur le moment et encore moins stockée dans les systèmes d'information.
L'amateurisme des entreprises
En matière de comportements individuels, mais surtout en matière de process et d'outillage pour la gestion de cette relation, je suis toujours étonné de voir l'amateurisme des entreprises dont la relation est l'actif le plus précieux. Cette relation se trouve, quand elle est stockée, et ce généralement de façon assez partielle, enfouie dans les archives de certaines de boîtes mails.
Avec la complicité de mon conseiller bancaire, je me suis amusé à regarder les informations contenues dans le CRM de la banque où j'ai mes comptes. J'y ai trouvé, dans ma fiche client, des informations détaillées sur mes revenus, les produits que j'ai achetés, les contrats scannés, mais rien sur ce que j'avais dit à mes 2 derniers conseillers (que j'estime au demeurant) sur mes interrogations, mes projets, mes ambitions, etc. Même si le conseiller s'en souvient (trop rarement à mon goût) et s'en sert (encore plus rarement à mon avis) dans nos échanges, cette information disparaît à tout jamais et devient donc inexploitable le jour où ce même conseiller change de fonction voire d'entreprise. Concrètement, à chaque changement de conseiller, cela donne toujours la même chose lors d'une première rencontre avec son client :
« Bonjour Monsieur, je souhaite vous rencontrer pour faire connaissance et faire un point sur vos avoirs ».
Que peut-il dire d'autre mise à part cette banalité d'usage?
« Bonjour Monsieur, je ne sais que très peu de choses vous concernant puisque je n'ai aucune idée de ce que vous avez dit à mes prédécesseurs donc il faut recommencer presque à zéro. »
Certainement pas !
La relation, sa valeur, sa propriété
Les entreprises et ceux qui les représentent se battent pour créer une relation avec X... maintenir la relation avec Y... rétablir la relation avec Z. Elle devient même l'objet de guerres de territoire. C'est bien qu'elle a de la valeur ! Sauf que cette valeur revient à l'entreprise et non à celui qui la représente. Le directeur de compte n'est pas le propriétaire de la relation, il n'est que celui qui la fait vivre et produire pour le compte de l'entreprise. La relation est un peu comme la Patek Philippe que vous ne posséderez jamais et dont vous êtes le « dépositaire pour la prochaine génération ».
Tous les collaborateurs qui ont des relations fréquentes et à forts enjeux doivent s'imposer cette pratique qui consiste à stocker pour tous les échanges à enjeu, ce que l'on attendait de la relation et ce qu'elle a produit en matière de résultats concrets, d'émotions et de perceptions réciproques, de prochaines étapes, etc. Cette information devrait, de surcroît, être partagée avec tous les autres collaborateurs étant de près ou de loin impliqués dans cette même relation.
Un changement est possible
Il est possible de faire autrement. Mais avant que les systèmes d'information n'évoluent (la technologie existe et les éditeurs fourniront ce que le marché demande), il s'agit en réalité pour les entreprises de mûrir leur relation à la relation.
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9 ansEn tant qu'ingénieur commercial, je note toutes mes relations (ce que nous nous sommes dit, avons décidé, etc...) avec mes clients de façon chronologique. C'est précieux ! Mais il m'arrive malgré cela d'oublier un fait ou une parole remontant à un an ou plus. Il me faudrait une synthèse de la relation. C'est ce qui manque systématiquement dans les outils de CRM. Or par exemple un employé d'un centre d'appel a seulement quelques secondes pour prendre connaissance du contexte du client qui l'appelle au téléphone. Comment résumer en quelques secondes une relation qui s'est étalée sur plusieurs mois ou années, et que le client, lui, n'a pas oublié ?
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9 ansA quoi ça sert ? Certainement la seule vraie question à se poser dès le début de tout projet. Sur l'évolution du CRM, on constate effectivement qu'ils sont plus un entrepôt de données et qu'en terme de relation, ils gèrent plus des contrats que des clients. Des front office complémentaires s'installent pour apporter la couche métier nécessaire comme les modules de marketing automation pour mettre en place des programmes relationnels, qui obligent à (re)penser la relation client et marché. Viendra progressivement une couche sales intelligence, pour guider les actions commerciales en exploitant la connaissance client emmagasinée (encore faut-il qu'elle soit exploitable... Autre sujet de Data Quality et de gouvernance...).
"cette valeur revient à l'entreprise et non à celui qui la représente" Vraiment ? Si je comprends l'intérêt de l'entreprise à ce qu'il en soit ainsi, est-ce seulement possible ? Et souhaitable ? En tant que client, je verrai plutôt le "représentant" comme dépositaire de la valeur de la relation que nous aurons tissé. Et tant pis / dommage pour l'entreprise, mais l'humain passe avant le CRM sensé capturer ma "valeur".
Value(s) Designer = faire plus (de bien) avec moins (de biens) ensemble ; 35 ans de solutions et projets plus innovants, frugaux & responsables à travers le monde & adhérent au Mouvement Impact France
9 ansMerci Clément pour ces jolis exemples ! Encore une démonstration de la perte de sens générée par la technologie, au dépens de la création de valeur(s) entre individus ... Je discutais d'ailleurs ce matin d'un diagnostic du SRM d'une grande entreprise industrielle, qui mène à la question-clé : A QUOI CA SERT l'évaluation des fournisseurs, si elle consiste à récolter des données par big data (sur l'année écoulée), sur 5 des 17 entités (les ERP des autres ne sont pas comatibles), analysées par un stagiaire (différent chaque année), pour un rapport diffusé (6 mois après) aux acheteurs de 7 catégories différentes dans 18 pays (qui ne l'utilisent donc pas) ? Réponse : à valider la case "évaluation fournisseurs" de l'audit annuel des Achats Groupe ... Le bon sens, le dialogue, la finalité ... finiront-ils par retrouver leur place dans les SI ?