GESTION DU CHANGEMENT : UNE COMPOSANTE ORGANIQUE DE LA MISE EN OEUVRE
À l’inverse du changement qui est dynamisme, la stabilité est immobilisme. Tant dans la nature, dans les différentes sphères de l’humanité, dans nos espaces personnels que dans nos organisations, il y a naturellement transformation, évolution, innovation. Parfois bonne ou mauvaise, la transformation, l’évolution ou l’innovation est ce qu’il convient d’appeler un changement.
Le changement peut être catégorisé selon de multiples facettes. Dans un premier temps, du point de vue de la partie prenante, le changement peut être induit ou subit (nonobstant l’adhésion ou la non-adhésion). Dans un deuxième temps, du point de vue de l’obligation, le changement peut être prescrit (i.e. encadrement légal) ou construit (identification d’une opportunité). Dans un troisième temps, du point de vue de l’approche, le changement peut être volontaire ou imposé d’une décision venant des gestionnaires. Dans un quatrième temps, du point de vue de sa nature ou de sa portée, le changement peut être procédural, normatif, organisationnel, culturel… les différents visages du changement se comptent à l’infini.
Sous ses diverses formes, le changement offre une constante, non dérivable : le changement a toujours une cible, qu’elle soit évidente ou discrète, toujours une cible. Et comme pour toute cible, il est aisé de la rater.
Dynamique classique de projet
Considérons un projet (peu en importe la nature) qui engendrera une transformation (sans égard à sa qualification) d’une situation α (état actuel) à une situation β (cible visée). Le Δ entre ces deux points constitue le projet. Puis, le Δ pourrait être reporté dans un plan cartésien : en abscisse, le facteur temps, en ordonné, les éléments spatiaux ou identitaires, par exemple. Pour l’heure, tout va bien et cette vision arrive même à inclure les projets d’optimisation de l’efficience, de gouvernance, de transformation organisationnelle ou de révision des pratiques.
Alors, dans le classique du classique, on place un gestionnaire de projet sur l’affaire qui agira en chef d’orchestre et s’il reste un peu de budget, on y ajoutera, lorsque le projet démarrera, un responsable de la gestion du changement pour plancher sur la stratégie et le matériel de communication ; idem pour la formation.
Tic-tac-tic-tac-tic-tac… Le confort s’installe, la prétention débarque, le projet dérape.
Depuis les deux dernières décennies, le taux d’échec ou de succès mitigé des projets ayant emprunté des pratiques classiques de gestion du changement est toujours aussi élevé. Très souvent, les approches, même si elles ont engendré bien des échecs, continuent d’être dupliquées à l’infini. Et vlan, dans le mur, encore, encore, et encore.
La documentation en ligne sur la question est fleuve : plus de 127 millions d’entrées sur Google. Et plus le concept est à la mode, plus le taux d’échec est élevé.
Le chef d’orchestre est extraordinaire et tous les musiciens sont talentueux. Cependant, ils n’arrivent pas à jouer de concert, mais pourquoi ?
Le fondement n’est pas dans le comment, mais bien dans le pourquoi
Essentiellement, un projet est mû par trois types de logiques d’action : (1) stratégique-décisionnelle, (2) systématique-méthodologique, et (3) opérationnelle-applicative. La logique stratégique-décisionnelle fait référence à la décision du management d’amener un changement qui sera mis en œuvre de la manière X. La logique systématique-méthodologique fait quant à elle référence à l’optimisation des processus de travail et des outils, optimisation communiquée par le biais de formations. Enfin, la logique opérationnelle-applicative concerne la transformation des rôles et des responsabilités dans une perspective d’appropriation.
Mais ici s’arrête la version préformatée. Car arrivent ensuite les réalités propres à chaque microcosme, la teinte particulière, l’identité propre, le caractère distinctif. Les petites choses différenciatrices qui deviennent des enjeux. Bienvenue dans l’espace de l’humain avec sa structure tripartite de risques : (1) perception, (2) conception, (3) action.
À chacune des logiques d’action précédemment présentées, trois facteurs de risque sont associés : la perception (de l’ordre de l’émotif), la conception (de l’ordre de l’intellect) et l’action (de l’ordre du comportemental). Neuf cases à creuser, à stratégiser ; neuf cases dans lesquelles plusieurs questions doivent trouver des réponses.
Dans la logique d’action stratégique-décisionnelle, la perception amène la nécessité d’une vision clairement articulée qui témoigne d’une mobilisation des acteurs clefs, alors que la conception exige une structure de pilotage de projet crédible, puis l’action s’attendra à ce que les avantages et bénéfices recueillis vaillent les efforts investis.
Dans la logique d’action systématique-méthodologique, la perception amène la nécessité que les dysfonctions initiales aient été clairement démontrées, alors que la conception exige que la capacité de réalisation soit démontrée, puis l’action s’attendra à ce que les nouvelles façons de faire soient empiriquement fondées et appliquées.
Dans la logique d’action opérationnelle-applicative, la perception amène la nécessité de communications adéquates et bien ciblées qui soutiendront l’adhésion au projet, alors que la conception exige que les acteurs impliqués soient disposés et disponibles, puis l’action s’attendra à ce que des indicateurs de performance et de qualité assurent le suivi des objectifs et la pérennité des résultats atteints.
Le changement dans le temps, en son temps ou avant le temps
La gestion du changement va bien au-delà de la conception pédagogique et de la communication, la gestion du changement prend sa source dans la perception, la conception et l’action du capital humain. Puis, ses fondations doivent être coulées non pas en début de projet, mais bien dès les premières intuitions. La gestion du changement n’est pas une réalisation statique, mais plutôt en constante mouvance au fil de la réalisation.
Alors, et pour toute la durée d’un projet jusqu’à la stabilisation de sa livraison, gestionnaires de projet et spécialistes et gestion du changement œuvreront de concert. La résistance au changement est un mécanisme de défense naturel qui ne doit pas être perçue comme une résistance à l’innovation, mais bien comme le signal d’alarme qui se déclenche face à une trop grande précipitation ou à une mésestimation des risques potentiels ou avérés. Nul changement ne saurait être pleinement intégré sans l’adhésion du plus grand nombre de la base.
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Luc Lachapelle B.A., M.A., M.B.S.I., C.D.I.A., S.S.C.
Directeur, Services-conseils stratégiques HCM.
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