Giovanni Segantini - Art et mélancolie
The Evil Mothers by Giovanni Segantini, 1894

Giovanni Segantini - Art et mélancolie

Giovanni Segantini (1858-1899) s’est fait connaître comme un grand peintre. Cet artiste né dans une famille pauvre à Arco près du lac de Garde, sur le territoire du Tyrol, a perdu ses parents à un âge précoce. Il perd sa mère à l’âge de cinq ans, et son père un an plus tard. Le père du jeune Giovanni a quitté son pays natal abandonnant son enfant  qui a séjourné dans des établissements d’éducation surveillée. Segantini a lutté contre ses multiples difficultés, et a trouvé une sorte d’élan sublimatoire, une révolte narcissique, au travers de sa passion, la création artistique et picturale. Toute l’œuvre de Segantini, de ses tableaux nommés « mes montagnes » aux autoportraits à tonalité dysphorique et christique, semble pénétrée de la « nostalgie de la mère […] qui le fit vivre et mourir ».

Dominé par une pensée mélancolique : Le peintre Segantini se disait « abreuvé d’une profonde mélancolie », et nécrophile : Segantini alors âgé que de sept ans passa plusieurs heures auprès du cadavre d’une petite fille pour en faire un ultime portrait.

On retrouve dans l’univers artistique du peintre, la permanence de la relation dyadique primitive mère-enfant, soit réunie dans un collage symbiotique, soit directement associée à la mort. On perçoit notamment la figure du dolorisme maternel, selon le modèle de la pietà.

Comme le reconnaît l’artiste lui-même, ces peintures se sont nourries de son histoire infantile commandée par un enchaînement de situations traumatogènes : relation affective intense à une mère « morte », affligée par la perte de son premier enfant, mort prématurée de cet objet d’amour suivie de l’abandon par le père, déraciné de son pays natal qu’il ne reverra jamais.

La représentation du couple endolori mère-enfant, unis dans le « désespoir sans recours », où la figure de la mort est prégnante, on découvre une image poignante dans, notamment, deux tableaux : Le premier – L’Enfer des femmes voluptueuses – dépeint les corps féminins endormis, figés, flottants, tels des cadavres, au-dessus d’un grand champ de neige désertique et le deuxième – Les Mauvaises mères – présente un corps de femme flottant comme une « suicidée », au sein nu et transi duquel on voit inclinée la tête quémandeuse de l’enfant abandonné à la mort, sans protection, sans secours.

Voir particulièrement Houari Maïdi, 2015, Le Féminin et ses images, Paris, Éditions Armand Colin, et bien sûr Karl Abraham (1911) « Giovanni Segantini, essai psychanalytique », Œuvres complètes, t. 1, 1907-1914, Paris, Payot, 1965, p. 216-226.                       

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