Guérir à tout prix – Impacts pour les banques des mesures d’aides aux entreprises annoncées par le gouvernement pour contrer les effets du COVID-19

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300 milliards d’euros, un montant qui fait remonter de lointains souvenirs… de 2008 ! Il s’agissait en effet du montant annoncé pour venir en aide aux entreprises lors de la crise financière de 2008. Nous parlions toutefois d’un « plafond » il y a douze ans, alors qu’aujourd’hui, ce montant est plutôt vu comme un « plancher », et surtout, une mesure parmi la salve de mesures annoncées par le gouvernement. En somme, le prix à payer pour répondre à la crise économique et assurer une reprise en douceur à l’issue de notre guérison.

Guérir à tout prix

L’enveloppe de 300 milliards d’euros vient s’ajouter aux mesures prises par la BCE à l’échelle européenne et la Banque de France au niveau national pour lutter contre la propagation du COVID-19 et son impact sur l’économie.

Les mesures annoncées par la BCE assurent un abondement de liquidité court terme très important à travers les « LTRO » (échéance à juin 2020), auxquelles s’ajoutent des mesures favorisant le maintien du crédit aux entreprises (« TLTRO 3 » - les banques bénéficiant d’un taux d’emprunt à -0,75% sur 3 ans pouvant couvrir 50% de leurs crédits). Cela vient en complément de l’enveloppe additionnelle de 120 milliards d’euros consacrée au rachat d’obligations d’états et d’entreprises pour l’année 2020.

Quels autres impacts directs pour les banques ? Toutes les réserves de capital et de liquidité pourront être mobilisées, y compris celles du Pilier II dont les exigences sont forcément revues à la baisse. Les stress tests de 2020 sont reportés. Un soulagement pour certains mais surtout un casse-tête pour la majorité des acteurs, qui se doit d’adapter son calendrier et revoir drastiquement le pilotage de ses réserves au regard de la supervision bancaire. La place attend évidemment de la flexibilité et de la souplesse et de la part de la BCE sur cet aspect, notamment lorsque la reprise s’enclenchera.

Par ailleurs la Banque de France a proposé une série de mesures pour le soutien de l’activité comme le relâchement du coussin contracyclique (capital de 0,5% pouvant être utilisé pour financer des entreprises), la mobilisation de la médiation pour rééchelonner les échéances bancaires, l’accès élargi des créances PME au refinancement de la Banque de France, et le suivi rapproché de la situation des entreprises du secteur. Une grande nouveauté pour les banques qui vont devoir piloter la gestion de ce coussin contracyclique et être capable d’avoir une flexibilité suffisante pour atteindre de nouveau le seuil de 0,5% post crise au bon moment.

Les états devront payer le prix fort pour permettre aux banques de soutenir l’économie

300 milliards pour garantir les prêts, pas de faillite, 45 milliards d’aides directes pour les salariés et les entreprises (chômage partiel notamment), 1500 euros d’indemnités mensuelles pour les indépendants, report du paiement de charges sociales et fiscales, chômage partiel jusqu’à 4,5 SMIC,.. Voilà une partie de l’arsenal brandi par la France pour faire face. L’Allemagne avait évoqué 550 milliards et l’Espagne vient d’annoncer 200 milliards d’euros de garanties sur les prêts. Une partie de ces mesures sera financée par la dette publique qui dépassera 100% du PIB, plus indolore en ce contexte de taux bas tant que la France est considérée comme solvable. Mais jusqu’où s’endetter ?

Par ailleurs comment cela va-t-il fonctionner pour les banques concernant les nouveaux prêts aux entreprises ? Le gouvernement devrait utiliser le mécanisme de garanties proposé par Bpifrance pour réduire le risque des banques à hauteur de 90% (entre 30% et 70% habituellement) sur les nouveaux prêts accordés pour un maximum de 300 milliards. Traditionnellement, ce mécanisme garantit les prêts bancaires lors de la création d’entreprises ou leur transmission, les prêts de développement des entreprises, ou le renforcement de la trésorerie des entreprises à travers la mise en place de prêts de fond de roulement. Dans ce contexte, la trésorerie des entreprises apparaît donc comme l’élément clé pour survivre et ce mécanisme semble indispensable. Les banques seront donc le relais des aides de l’état et pourront inscrire ces nouveaux prêts à leurs bilans en limitant nécessairement le risque induit, qui sera transféré à l’état par le bais de Bpifrance. Elles devront mettre en place ces nouveaux prêts tout en restant capable de gérer les prêts existants et intégrer le risque restant et le rééchelonnement des remboursements (reportés à 6 mois à ce stade). Ces dernières mesures auront un impact certain sur la gestion ALM des banques : adaptation des TCI, revue de certains modèles, flexibilité accrue pour inclure les nouveaux prêts et piloter la liquidité,…

Nous reviendrons dans un prochain article sur le financement de ces mesures qui nécessiteront probablement un effort collectif, notamment à travers des emprunts obligataires bien spécifiques ou une mobilisation d’une certaine partie de l’épargne. Là encore les banques auront leur rôle à jouer et verront un impact sur leur fonctionnement à mesure qu’elles seront sollicitées. La BCE est également vu comme un maillon clé de l’équilibre financier, à travers les rachats d’actifs notamment, mais dispose sans doute d’une marge de manœuvre de plus en plus limitée.

Pour que le « nous sommes en guerre » d’Emmanuel Macron ne résonne plus que comme un lointain souvenir, les banques vont donc devoir faire preuve d’une énergie sans faille et fournir les efforts nécessaires pour assurer le soutien de l’économie avec ces aides de l’état. S’en suivra alors un changement certain de leur business model et une adaptation nécessaire pour absorber les changements indus. Dès lors nous pourrons prononcer sereinement ces mots : « nous sommes guéris ».

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