Guerrières d’Afrique : Les femmes de Nder, des féministes avant l’heure.

Guerrières d’Afrique : Les femmes de Nder, des féministes avant l’heure.

C’était un mardi de l’année 1819, d’où l’appellation « Talaatay Nder »[1]. Cet évènement est resté dans les mémoires de toute une contrée, celle de Waalo mais aussi de certains Sénégalais et féministes. Pour ne pas être réduites à des esclaves, et transportées en Afrique du nord par les Maures, les femmes de Nder avaient tout bonnement décidé de se sacrifier collectivement.

 

Le Waalo était un royaume issu de l’éclatement du grand empire du Djolof au XVIe siècle. Il était situé au nord du Sénégal partagé entre la culture Peul, Sérère, Wolof et Maure. Ses habitants, les Waalo-Waalo vivaient de commerce, de pêche et de chasse. Le fleuve séparait le Walo de la Mauritanie où était notamment établie la tribu des Trarza. Ces Maures débarquaient dans la province tantôt en clients, tantôt en ennemies pour piller, vider les greniers ou encore kidnapper des hommes, des femmes et des enfants, qu’ils réduisaient en esclaves en direction de l’Afrique du nord. Il faut aussi souligner que ses Maures s’étaient toujours battus contre la domination européenne qui était bien présente à Saint-Louis, capitale de l’Afrique occidentale française. Les relations entre Waalo-Waalo et Trarza n’étaient jamais au bon fixe sauf pour la période 1818-1819 qui avait été précédée par des affrontements qui virent périr de nombreux guerriers du Walo mais aussi des femmes. Il faut aussi rappeler que les Maures étaient bien armés et avaient des alliés stratégiques, les Toucouleurs. Cette brève trêve donnait l’opportunité aux dignitaires et au Roi de rejoindre Saint-Louis afin d’y recevoir des soins suite à leurs batailles prolongées contre les Maures. On était en pleine saison sèche, et les quelques hommes qui étaient restés à Nder avaient rejoint les champs ou encore le fleuve et quelques-uns d’entre eux, qui se faisaient appeler les Ceddos « guerriers » assuraient la garde.

 

Ce jour dont les Sénégalais se rappellent encore était un mardi du mois de novembre. Dans le village aux cases rondes, livré aux femmes, aux enfants et aux vieillards, régnait l’animation du quotidien. Quand tout à coup, des cris encrassèrent la quiétude des lieux. Les Maures venaient une nouvelle fois attaquer Nder. Ils savaient que les grands dignitaires étaient absents et ils voulaient juste vider Nder de ses femmes et enfants. Les Maures avaient repris leurs razzias dans le Walo pour s’approvisionner parmi les autochtones. Un grand nombre d’hommes, de femmes et d’enfants seraient arrachés à leurs familles pour être vendus comme esclaves aux riches familles d’Afrique du Nord. Cela avait toujours été ainsi et Nder y avait perdu des femmes, des enfants mais aussi des hommes. Lorsqu’une femme est venue en pleurs annoncer l’arrivée des ennemies, elles cherchèrent ensemble une solution pour échapper à la servitude. Elles demandèrent à tous les enfants de rejoindre les champs et les villages voisins pour se cacher. Elles se battirent dans la solidarité avec les quelques soldats présents jusqu’à ce que ces derniers soient tous tués sauvagement. Elles savaient que malgré les efforts fournis, des Maures tués, elles ne résisteraient pas longtemps et qu’elles allaient toutes finir prisonnières. Elles décidèrent alors de passer au suicide collectif annoncé par Mbarka Dia, la confidente de la Linguère (Reine) Faty Yamar. Elle seule savait se faire obéir des courtisanes décidés et autoritaires qui entouraient la reine. Prenant appui contre l’arbre à palabres, parce qu’elle-même avait été blessée, elle se mit à haranguer ses compagnes : « Femmes de Nder ! Dignes filles du Walo ! Redressez-vous et renouez vos pagnes ! Préparons-nous à mourir ! Femmes de Nder, devons-nous toujours reculer devant les envahisseurs ? Nos hommes sont loin, ils n’entendent pas nos cris. Nos enfants sont en sûreté. Allah le tout puissant saura les préserver. Mais nous, pauvres femmes, que pouvons-nous contre ces ennemis sans pitié qui ne tarderont pas à reprendre l’attaque ? »

 

Cette dame demanda à ses voisines de mourir toutes, en femmes libres et dignes. En plein milieu de journée, pendant que le soleil était au zénith, les femmes se dirigèrent toutes dans la grande case. Quelques jeunes mères qui n’avaient pas voulu se séparer de leurs nouveau-nés, les serraient contre leurs seins. La dernière à pénétrer dans la pièce était enceinte et près de son terme. Mbarka Dia ferma la porte et commença à enflammer avec une torche. Elles chantèrent et toussèrent jusqu’à extinction des voix. Seule une d’entre, elle a pu échapper, elles lui avaient demandé de se cacher pour ensuite être témoin des faits.

 

Depuis cette date, Nder est reconnu comme terre guerrière avec les premières féministes de ce pays qui refusaient d’être réduites à des esclaves pour honorer leur peuple. Depuis quelques années, un hommage est rendu aux femmes de Nder, un mardi du mois de novembre. Toutefois, il faut souligner que l’histoire est encore méconnue des jeunes et pire Nder n’a pas été relevé à sa valeur juste, équivalent à la bravoure de ces héroïnes.

 

[1] « Talaatay Nder »signifie en wolof, le mardi de Nder.

bonjour madame excellente contribution merci

Merci Ndéye la grâce des femme de Nder t'accompagne mes félicitations et encouragement ces des histoire que aujourd'hui tous les jeunes doivent savoir ,surtout les jeunes fille et les jeunes garçons qui n’ont plus de repaire

Qui ne connait pas le passé ne peut comprendre le présent et encore moins l'avenir.

Hortense ELLA-MENYE BATINDEK

Consultante en évaluation et gestion de projets, en Ingénierie de formation et en Genre

8 ans

Belle histoire ! Belle référence ! Bravo Astou de révéler à nos sœurs, mères et filles l'histoire de ces féministes. Elles doivent justement être des modèles pour l'éducation de la jeune fille et du jeune garçon, dans l'optique de réduire l'influence. des préjugés sexistes et de renforcer le leadership féminin.

Elimane- Limalé SOW

Consultant MAITRE- D'HOTEL Formateur

8 ans

Il est vraiment de connaître l'histoire de son pays je connaissais ce fameux taalataye ndeer pas aussi profondement merci a toi ndeye fatou et bonne reuissite dans tes futures recherches.

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