Halliday: héritage injuste, mais... pourquoi héritage au fait?

Johnny fut tellement une icône (suis-je le seul à ne jamais avoir écouté une de ses chansons par choix?) qu'après avoir entendu des hommages pendant une semaine après sa mort, nous allons maintenant profiter d'autant de chroniques sur son testament poisseux. Dans la voix des journalistes, on entend de l'empathie pour les enfants déshérités, parfumée d'une pointe d'humour jaloux. Mais finalement, peu remettent en cause ce qu'est vraiment l'héritage. Quand avez-vous entendu pour la dernière fois un vrai débat sur la question?

Je ne suis pas opposé à la propriété, et par conséquent je comprends la notion d'héritage. Hériter d'une maison imaginée ou construite par ses parents, puis en faire hériter à ses enfants, c'est transporter au fil du temps des souvenirs, des émotions, une culture familiale. C'est important pour ne pas se sentir uniformisé, noyé dans une masse d'individus identiques et formatés. Et je pense qu'au cours de l'histoire humaine jusqu'au XIXème siècle, cet héritage concret et utile a globalement bien fonctionné.

Aujourd'hui nous n'en sommes plus là. Les révolutions industrielle et numérique, les 30 glorieuses, la fin du bloc soviétique sont passés par là et l'héritage n'a plus du tout le même sens. 60 ans après le début d'une formidable croissance économique dans le monde occidental, nous sommes deux générations d'héritiers... ou pas. Pour ceux qui sont nés de parents galériens, aucun changement. La fortune ne pourra effectivement venir que de cellules grises biens garnies et/ou d'un coup de pouce du destin. Pour les autres, l'héritage constitue soit un confortable matelas pour démarrer une vie professionnelle par le bon bout, soit... un canapé en or, qui n'aura nullement besoin de labeur ou d'audace pour s'agrémenter bientôt de coussins en diamants. C'est donc bien naturel que les inégalités s'accroissent, et il serait temps de s'en inquiéter.

Que David, Laura ou Laeticia héritent de quoi se souvenir confortablement de leur papa, pourquoi pas, mais pourquoi devraient-ils hériter de droits d'auteurs de disques qu'ils n'ont pas enregistrés? Pourquoi devraient-ils hériter d'actions en bourse dont ils n'ont que faire? Pourquoi devraient-ils hériter d'appartements dans toutes les capitales du monde? Comment aller expliquer à un fils ou une fille de pauvre, contraint de refuser l'héritage, quitte à perdre les derniers souvenirs de ses parents pour éviter de devoir en éponger les dettes, que "C'est bien fait, tes parents n'avaient qu'à faire attention à leurs sous. Tu vois les miens, ils ont gagné à l’euro-million et ils ont tout bien rangé dans une assurance vie pour que je sois encore plus riche qu'eux!". Comment oser demander à cette femme, à cet homme de travailler dur pour espérer un jour avoir un pour cent de la fortune dont son ancien camarade de classe a hérité sans lever le petit doigt?

C'est mon avis et je me garderai bien de juger les opinions contraires, mais je pense qu'il ne devrait même pas y avoir de scandale autour de l'héritage Halliday. Chaque enfant devrait hériter d'une part minimale, définie par la loi et négociée entre héritiers à l'amiable ou devant un juge. Le reste devrait servir à éponger les dettes de l'Etat et... à réduire les inégalités par la redistribution sous forme de service public.


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