Hardi, la Supply Chain ! et non haro sur la Supply Chain.
Il faut relire en ce moment l’admirable fable de la Fontaine ‘Les Animaux malades de la peste’, car sa morale est plus que jamais d’actualité en France, où la peste s’appelle le chômage et où l’on ne crie plus aujourd’hui haro sur le baudet, mais sur les hommes politiques. Espérons que le 7 mai au soir, la fable ne devienne pas celle des grenouilles qui demandent un roi….
A l’échelle d’une entreprise, le baudet s’appelle souvent…la Supply Chain.
Durant mes 32 ans de carrière, soit à peu près l’âge du mot Supply Chain, j’ai pu constater à maintes reprises, sur tous les continents, et dans tous les types d’entreprises, que selon l’avis des personnes qui ne travaillent pas en Supply Chain…il y a souvent un problème de Supply Chain. J’ai moins entendu, mais peut-être mon jugement est-il biaisé, ‘on a un problème d’achats, de production, de ventes, ou de marketing…’
Selon mon expérience, une des raisons de ce grand classique ‘haro sur le Supply Chain’ est que la nature même de cette fonction est d’être entre le marteau et l’enclume, ce qui fait penser à tort qu’elle vit à l’ombre des fonctions réputées reines de l’entreprise, et que sa performance n’apparaît au grand jour que lorsqu’il y a une peste, comme le service qui se dégrade, les stocks qui montent trop haut, les produits obsolètes qui explosent, etc…
Un exemple typique parmi tant d’autres : le PDG d’une grande entreprise m’a un jour déclaré benoitement qu’une bonne Supply Chain est une Supply Chain qui ne fait pas parler d’elle. Belle déclaration pour susciter des vocations en Supply Chain !
Aux directeurs Supply Chain qui auraient le sentiment de subir injustement en période de peste, un haro sur leur fonction, je suggèrerais de réagir vigoureusement en posant 3 questions simples à leur direction générale :
1. Quel est le But à 6 mois de l’entreprise ?
2. Quelle est la méthode pour atteindre ce But ?
3. Quelle est la responsabilité de chacun dans l’atteinte du But ?
Reprenons ces 3 questions une à une.
1) Quel est le But à 6 mois de l’entreprise ?
Cette question peut sembler triviale, mais sans réponse claire, elle peut provoquer d’importants dysfonctionnements dans la Supply Chain. La Supply Chain est en effet par essence une fonction de synchronisation qui exige une grande cohérence entre les différents paramètres de l’équation des flux de l’entreprise. Or souvent, on demande à la Supply Chain le beurre, l’argent du beurre, et le sourire de la crémière (par exemple faire baisser les stocks et les coûts ET améliorer la qualité de service ET gérer sans erreurs l’augmentation du nombre de références). Selon moi, choisir un seul sujet pendant 6 mois (le temps de maîtriser le sujet par expérience), puis un autre, est le moyen le plus efficace ET le plus rapide de progresser, à l’image d’un voilier qui tire des bords pour remonter au vent.
2) Quelle est la méthode pour atteindre ce But ?
Une autre cause fréquente de dysfonctionnement d’une Supply Chain est le manque de clarté entre le besoin d’efficacité et d’agilité dans l’entreprise. Une Supply Chain moderne doit être à la fois Agile ET Efficace, ce que j’appelle Véloce, mais lorsque le niveau de départ est faible, il est préférable de démarrer par l’un ou l’autre des deux axes, et comme pour le point 1), lorsque soit l’agilité soit l’efficacité est maîtrisée, de travailler le second axe, et enfin les deux à la fois. Pour reprendre l’image de la voile : faut-il un bateau monocoque ou multicoque ? Démarre-t-on tout de suite avec un bateau type ‘foiler’(exemple type de bateau véloce = efficace ET agile) ?
3) Quelle est la responsabilité de chacun dans l’atteinte du But ?
Cette question peut sembler à nouveau extrêmement simpliste, mais il est pourtant courant de trouver dans les entreprises une ambiguïté dans les réponses. Prenons par exemple le cas des prévisions des ventes. Il est habituel de dire que la Supply Chain est responsable des prévisions des ventes. Or les prévisions des ventes sont l’addition de plusieurs composants (la ‘baseline’, les nouveaux produits, la distribution, la publicité, les variations de stocks des clients, etc…). Il ne suffit donc pas de dire que la Supply Chain est responsable des prévisions des ventes, il faut également préciser la responsabilité de chaque fonction (Marketing, Ventes, Supply Chain,…) pour chaque composant, sans oublier de préciser que ceux qui réalisent les prévisions des ventes, donc qui en sont comptables au niveau agrégé…sont les ventes. Le parallèle avec la voile est évident : chaque marin doit connaître son rôle et y exceller. On ne s’improvise pas tacticien (la Supply Chain) durant une régate, et c’est encore mieux s’il y a un barreur et des régleurs pour vous aider.
On voit ainsi qu’en cas de peste dans une entreprise, avant de crier haro sur le baudet Supply Chain, le Lion, le Renard, le Tigre, l’Ours et le Loup peuvent se poser quelques questions qui les concernent, et encore mieux, y répondre.
Hardi, les Supply Chain Managers! Exigez des réponses aux 3 questions, et vous ne serez plus le baudet de la fable.
Avec KOKOPELLI, mon mentor, je suis curieux, je veille, l'équipe devient robuste 🔸 Attention & parler-vrai font la bonne ambiance
7 ansAlain, merci pour cet article clarifiant et vivifiant. La symbolique de La Fontaine est quasi inépuisable, et très parlante ! J'applaudis des 3 pieds !
Strategic Alliances Business Manager, Project Management Professional PMP®, Sustainability Solutions at IBM & Lens based artist
7 ansarticle très intéressant et belle métaphore avec la voile!
Consultant senior en gestion industrielle et logistique / Auditeur Supply Chain Master / Consultant SPACE aero
7 ansJe me sentais bien seul .... moins maintenant