Montrer l'exemple, jusque dans l'erreur
Image par Alain Audet, Pixabay.

Montrer l'exemple, jusque dans l'erreur


Nous sommes dans la première moitié des années 1990. Mon tout premier client préside un groupe de chaînes régionales de supermarchés fraîchement constitué, qui va devenir la branche supermarchés de Carrefour. Il prévoit qu’au tournant du XXIème siècle, il ne restera que 5 acteurs dans le secteur de la grande distribution alimentaire française. L’Histoire lui a donné raison.

 

Une première expérience inoubliable du leadership par l'exemple

La doxa managériale française d’alors trouvait tout à fait normal de gratifier les performances excellentes d’un « Peut Mieux Faire », comme à l’école communale de la République. Des fois que ça aurait pu encourager des gens qui bossaient 60 heures (minimum) par semaine à faire plus d’efforts… Et, comme à l’école, toute erreur – intentionnelle ou non - était qualifiée de faute et sévèrement punie. Sauf que, dans la grande distribution, la performance opérationnelle dépendait largement de la capacité des cadres de terrain à prendre des initiatives.

À l’occasion d’un programme de formation au management auquel je contribuais en ma qualité de consultante junior, le Président est venu 72 fois rencontrer ses cadres, par groupes de 12. Il ne s’est jamais dérobé aux 40 minutes de trajet entre son bureau et le lieu de séminaire après sa journée de travail, à l’invariable dîner insipide et mal réchauffé et au retour chez lui à minuit bien tapé. Le tout, 24 fois par an pendant 3 ans. Lors de ses causeries au coin du feu avec ses cadres, il leur avait accordé le droit à l’erreur "une fois", sous-entendu "pas deux fois pour la même chose". Innovation managériale extraordinaire pour l’époque.

 

Une confidence inattendue

Autour du déjeuner qu’il a offert à toute notre équipe de formateurs pour célébrer la fin du programme dans un restaurant de poissons réputé de la Capitale (il ne s’était pas foutu de nous), il m’a confié que ce "droit à l’erreur une fois" était… une erreur.

Ses cadres, ayant bien compris que la 2ème erreur leur serait fatale, consacraient désormais l’essentiel de leur énergie à ne pas commettre la 1ère… Et donc à ne prendre aucune initiative. Retour à la case départ, à devoir choisir entre discipline passive d’une partie de ses équipes et initiative parfois brouillonne des autres.

 

So what pour Chères Erreurs ?

Longtemps avant Amy Edmondson dont je vous parlerai un de ces jours, mon premier client m’a appris trois choses :

  • On ne dirige que par l’exemple, si contraignante soit la discipline que cela impose,
  • L’initiative est indissociable du droit à l’erreur,
  • Reconnaître ses erreurs est une élégante façon de montrer l'exemple.

Cela me ferait drôlement plaisir qu’il me lise, car Chères Erreurs est ma version de ces trois enseignements.

Matthieu Le Hir

* Joueur de Go, 2e dan fédé. Cours possibles à la demande. (online et in-person) * Agent de nettoyage TE.

7 mois

Bonjour Cécile, Votre point est tout à fait juste. Je pense que les erreurs sont normales. Je dirais même qu'elles sont attendues. Lorsque je démarre une partie de Go, je sais avant même d'avoir posé la première pierre, que je suis voué à faire des erreurs, qu'à un moment, peu importe l'attention que je porte à développer une séquence idéale, je vais forcément avoir à ajuster mon jeu et me soumettre à un résultat moins profitable qu'attendu. Et ce à plusieurs moments de la partie. Dès lors, si je partais du principe que Erreur=Échec , je serais contraint d'abandonner la partie, purement et simplement, car insatisfait du résultat non-optimal obtenu. La réalité est tout autre. Dans la pratique, j'accepte ce résultat mitigé et ces erreurs. Soit j'essaye d'en tirer parti en réhaussant mon niveau de jeu pour le reste de la partie (parfois ça marche, parfois non), soit je me sers de ce que la séquence m'a appris pour faire mieux à la partie suivante. Mais dans tous les cas, cette erreur/ce résultat mitigé : 1/ m'apporte matière à me surpasser 2/ me démontre que l'adversaire s'est surpassé en se servant de mon erreur, et c'est donc une dualité pédagogique. Ceux qui ne font pas d'erreurs sont ceux qui ne progressent pas.

Marie-Isabelle Alloin

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7 mois

Tu parles ici, Cécile, d’une confusion que j’ai rencontrée des milliers de fois dans le monde de l’enseignement avec des conséquences dramatiques sur l’apprentissage et la confiance en soi des apprenants. Les deux concepts ( droit à l’erreur  et apprentissage pas l’erreur) ne sont pas mutuellement exclusifs, l’ environnement qui accorde le droit à l'erreur étant nécessaire à l'apprentissage de ses erreurs.  Mais limiter l’essai à « une seule fois », c’est un non-sens qui ne laisse aucune marge de manœuvre.

Arnaud Tonnelé

Co-fondateur de CARE COACHING & TRANSFORMATION | Coach | Formateur en coaching d'organisation | Auteur | (pas de démarchage, pliz !🙏)

7 mois

Cécile, on veut la conférence ! 😊

Maryline Irigoin

Coach en entreprise ⋆ Program manager ⋆ Praticienne du Changement PROSCI ⋆ Formatrice avec Brevet Fédéral ⋆ Facilitatrice créative I Dynamisez vos transformations, optimisez vos Talents ✈️🎯

7 mois

Excellent 🙌 très bien illustré

Merci Cécile du partage. Ce conférencier, tel que décrit, présente un surmoi fort exporté comme modèle à suivre. Base sur l'injonction et l'obligation. Cela fait en général de mauvais perdants, qui ne supportent pas l'échec. Dans toute organisation les résultats obtenus ne sont jamais strictement identiques aux objectifs fixes, a cause des aleas multiples. C'est en entraînant les collectifs à l'anticipation des aléas, à l'adaptation et à la réactivité. L'approche qualité totale developpe l'analyse des échecs pour trouver ensemble des solutions perennes et faire évoluer les processus et les comportements.

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