Harry Potter et l'IA

Pour aller la première fois à Poudlard, Harry Potter doit se rendre quai 9 3/4 et prendre le train. Bien évidemment, il ne le trouve pas, et ce n’est qu’en faisant confiance à un parfait inconnu – Ron – et en fonçant droit dans le mur qu’il peut finalement rejoindre l'école des sorciers. Quelques années plus tard, Harry se trompe en utilisant la poudre de cheminette, et c’est justement grâce à cette erreur que le jeune sorcier atterrit chez Barjow et Beurk, où il comprend les sinistres projets des Malefoy.

Pourquoi fais-je donc appel à la sorcellerie en ce début d’année ? Aurais-je perdu foi en mes capacités humaines pour évoquer ainsi magie et poudre de perlimpinpin ? Pas du tout ! Mais récemment, une consœur me demandait si j’utilisais l’IA dans mon boulot, et la réponse fut: non. Je sais que ça existe, je me forme, je pourrais, si besoin, m’en servir, mais dans mon travail, ce n’est pas d’IA dont j’ai besoin.

Pour mieux comprendre, revenons à Harry Potter. Imaginons qu’il ait demandé à une IA comment aller quai 9 3/4, ou au Chemin de traverse. Que ce serait-il passé ? Rien ! Il aurait trouvé le bon quai sans rencontrer Ron, ou faire l’expérience du mur qui disparaît face à la puissance magique. Quant au chemin "de travers", eh bien Harry serait simplement arrivé sur la plus grande shopping mall de la sorcellerie, sans se douter de l’existence des sordides bas-fonds, ou du complot qui se tramait. Vous ne voyez toujours pas le rapport ? Pourtant, il tient en un seul mot : sérendipité.

En tant que rédactrice web, je pars généralement avec pour seule poudre de cheminette une feuille de route SEO, un titre <H1> et une meta description. À moi ensuite de chercher le quai 9 3/4 et de me rendre à Poudlard. Attention : il ne s’agit pas de combattre les forces du mal, ni de rempoter des mandragores. Mais les sujets que l’on me confie n’en sont pas moins très techniques ! Bien évidemment, je pourrais mandater Chat GPT pour me concocter une première approche de "l’installation d’une pompe à chaleur en copro", ou des "systèmes d’arrosage des terrains de golfe". Sauf que pour écrire des papiers qui ont du sens, il me faut d’abord comprendre. Pour moi, les dossiers techniques sont un vrai bonheur. Choper le bout de la pelote et me laisser entraîner dans l’infini du Net, trouver, rejeter, trier, rejeter, synthétiser… La recherche est un plaisir dont je n’ai tout simplement pas envie de me priver. Cette fouille que je persiste à vouloir faire moi-même me permet de comprendre, donc d'expliquer (ou de vulgariser, selon) mais aussi de rester créative, pour être force de proposition, quand au détour d’une recherche apparaît l’ombre d’un nouveau sujet. La curiosité est le plus beau défaut de l’humanité, on lui doit beaucoup, notamment toutes ces erreurs qui ont débouché sur de géniales découvertes. Et sans vouloir réinventer l’eau chaude, je refuse de m’en priver !

« Incognita Incognita ou le plaisir de trouver ce qu’on ne cherchait pas ». Si vous ne le connaissez pas encore, lisez ce petit joyau de Mark Forsyth ! Vous y lirez entre autre que

« les meilleures choses sont celles que vous n’auriez jamais su vouloir jusqu’à ce que vous les ayez. Internet prend vos désirs et vous les recrache, consommés. Vous lancez une recherche, vous entrez les mots que vous connaissez, les choses que vous avez déjà à l’esprit, et Internet vous sort un livre, une image ou une notice Wikipédia. Mais c’est tout. C’est ailleurs qu’il faut chercher ce qu’on ne sait pas ne pas savoir. »

Il ne s’agit bien évidemment pas de se priver du formidable potentiel de l’IA. En ce qui me concerne, si je devais rédiger des fiches produits, je n’hésiterais pas un seul instant à chatGPTiser ! Mais pour l’instant, je fais le Net buissonnier, et embarque quai 9 3/4, gorgée de poudre de cheminette !

Et donc je vous souhaite qu'en 2024, la sérendipité soit avec vous !