Hier, je me suis autorisé
Je me suis autorisé à dire à un dentiste, un homme sûr de sa légitimité, que sa manière de me parler, sa manière de me traiter, ne me convenait pas. Je me suis autorisé à lui dire que je n'étais pas d'accord qu'il me parle avec condescendance, ni avec ironie. Je lui ai dit que je ne remettais pas en cause ses compétences, mais que je n'accepterais pas plus longtemps de lui laisser le pouvoir qu'il croyait avoir sur moi.
Je n'ai pas réagi le jour J. Je n'ai pas su, je n'ai pas pu. J'ai été pris par surprise. J'avais oublié (mais comment avais-je pu oublier ?) que cela arrivait parfois. J'ai été pris par surprise, à répétition. Une fois, puis une autre, puis encore une autre. Avec aucun temps, aucune respiration, pour remettre mes idées en place, pour me rendre compte que mes limites avaient été dépassées, pour me rappeler que je ne voulais pas vivre cette situation, que je ne voulais pas vivre dans un monde qui cautionne ces comportements de la part de ceux qui, à un moment donné, ont du pouvoir sur moi par leur savoir, par leur profession, par leur sexe, par leur âge.
Bon élève, j'avais complété un formulaire dans la salle d'attente. Deux pages de questions médicales, et mes réponses tout aussi médicales. Avez-vous déjà fait un AVC ? Prenez-vous un traitement actuellement ? Avez-vous des allergies ? Oui, j'ai des allergies, au pollen de bouleau, et à toute une série de fruits, et quelques noix aussi.
"Asseyez-vous" me dit-il, mon questionnaire à la main, et un gros feutre rouge dans l'autre.
"Mais qu'est-ce que c'est ça ?" demande-t-il en rayant rageusement une de mes réponses. "Ce sont vos allergies médicamenteuses qui m'intéressent, pas vos problèmes alimentaires !"
- J'ai simplement répondu à la question "avez-vous des allergies ?".
- Et alors ? Je suis pas là pour vous faire des cupcakes, hein !
Il souffle nerveusement. Je vois de l'agacement, de l'impatience, et de la certitude de son bon droit à s'adresser à moi comme il le fait. Il me rappelle une maîtresse de mon enfance.
Je suis soufflé. Mon système nerveux part directement en mode survie. Mon cerveau se déconnecte. Je bafouille une vague excuse. J'entre en sidération.
A partir de ce moment, je vis la séance du dessus, déconnecté. J'observe d'autres situations que je n'accepte pas mais que je laisse faire. Il me propose un autre rendez-vous, je le note, et je pars.
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Sur le chemin du retour chez moi, je reviens dans mon corps, je reprends mes esprits. Je sens la colère monter. Je me rends compte que mes limites ont été dépassées et que je n'ai pas dit stop, que je ne me suis pas interposé. Je me juge. Je me demande comment j'ai pu laisser faire ça sans réagir. Je m'en veux de ne pas avoir su me défendre, de ne pas avoir su défendre l'enfant en moi.
Hier, je me suis autorisé.
Je me suis autorisé à dire à cet homme que je n'étais pas d'accord. Que je ne voulais pas de ces comportements pour moi. Que je ne voulais pas de ce monde pour mes enfants. Qu'entre les mains d'un chirurgien, je me sens en position de vulnérabilité, et que j'ai besoin de me sentir en sécurité. Que je ne reviendrai pas le voir.
Hier, je suis allé voir un autre dentiste, et je lui ai expliqué que je n'avais pas poursuivi avec le précédent. Je lui ai expliqué que je voulais être traité avec humanité, avec bienveillance. Je l'ai dit avec l'assurance que confère la défense d'un enfant.
Hier, j'ai défendu l'enfant en moi, et je lui ai promis de continuer à prendre soin de lui. En sortant dans la rue après le rendez-vous, ce petit garçon m'a regardé, et il a glissé sa main dans la mienne.
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Je suis Olivier Herr et je suis Eveilleur d'autorisation.
Le 20 avril commence un parcours sur 3 mois : "je m'autorise à me dire et me montrer".
Si tu sens que tu en as besoin, si tu sais que c'est pour toi, alors autorise-toi et rejoins les 12 femmes et hommes qui vivront ensemble cette aventure.
Tous les détails ici :
Manager d'espace à BORDEAUX 🚀 I En recherche active d'opportunités I Coworking, coliving and co
10 moisMerci pour ce partage Olivier Herr ☀️. Comme une sensation de déjà vécu 🙂
Référente diversité & Inclusion
10 moisJ'aime le concept "d'éveiller les autorisations" 😉 dans votre exemple ca renvoie finalement à l'idée ne pas s'oublier, à continuer d'exister en tant qu'individu malgré différents "carcans" comme notre éducation, notre parcours de vie, nos expériences, mais aussi les "autres" qui nous entourent et auxquels nous faisons appel et qui peuvent nous imposer leur "logiciel interne"... Sans les patients, ce dentiste n'est rien... l'a t'il seulement intégré ? J'en doute à vous lire Bonne soirée
Associée BELUGAMES / co-autrice de la Fresque de la Diversité
10 moisBravo ! Je ne peux pas citer le nombre de fois où je suis sortie rageuse d'un rdv médical parce que mes questions avaient balayées avec légèreté, parce que mes émotions avaient été niées, parce que les infos transmises étaient incompréhensibles ou parce que j'avais été littéralement escroquée. Je veux bien croire qu'il y a des pro de la santé qui ont le temps et les compétences d'accueillir er de soigner avec curiosité et humanité et que parfois traumatisée par mes rencontres précédentes, je biaise la rencontre.... Mais comment partager la faillibilité de façon plus équitable ?