Hippocrate est mort, l’hypocrisie politique belge l’a tué !
Article écrit par le Dr Fabrice Goossens ( journal du médecin
Le personnel soignant est devenu un pion coincé entre le marteau et l’enclume !
"On ne soigne plus, on gère ! "
Dans une lettre ouverte le Dr Fabrice Goossens , anesthésiste à Namur dénonce la déshumanisation des soins au profit de l'économique. Et les réseaux hospitaliers ne feront, selon lui, qu'empirer la situation.
Voilà déjà plusieurs années que le politique veut rationaliser la médecine en se cachant derrière une avancée merveilleuse, unique, inédite et performante pour le patient : les réseaux de soins!
Ceci ne cache en réalité qu’une rationalisation purement économique au détriment de la qualité, des performances, de l’humanité, de la proximité, de la relation médecin-patient.
Depuis plusieurs années, le système politique belge veut contrôler et gérer les soins afin de présenter un excellent bulletin en matière de sécurité sociale, tout en laissant croire au patient qu’il ne mettra jamais la main à la poche. Dans un système tel que celui-là, ce sont donc les directions hospitalières qui ont en premier dû revoir leur copie et commencer à gérer les hôpitaux comme des entreprises.
Ceci a bien entendu conduit à augmenter les restrictions tant de temps que de personnel soignant, à aller chercher l’argent dans l’institution au détriment du personnel soignant et des médecins.
- Augmentation des prélèvements chez les médecins (40 % là où je travaille),
- Réduction du personnel soignant,
- Réduction du temps de consultation, du temps de soin aux étages,
- Réduction du personnel administratif avec charge remise sur le dos des soignants,
- Augmentation du stress et déshumanisation totale.
L’humanité est une valeur non économique c’est donc la première qui a sauté !
Nombreux sont aujourd’hui les soignants à bout, qui se suicident ou changent de métier. Nombreux sont les patients agressifs, car non écoutés, pris pour des pions, des numéros, entraînés dans un tourbillon que personne ne contrôle plus et dont ils font les frais en premier.
Aujourd’hui on demande aux médecins de suivre des critères économiques en dehors des guidelines de bonne pratique recommandées par les sociétés scientifiques.
Vous passerez donc, cher patient, peut être au travers d’une catastrophe neuf fois sur dix mais quand ce sera vous, ou un parent, qui ferez les frais de ces guidelines économiques ,quelle sera votre réaction ?
Celle d’un avocat qui demande le meilleur pour son client, ce que devrait exiger aussi un médecin, un infirmier, mais qu’il n’est plus en mesure de faire sous peine de sanctions. Tôt ou tard il sera sanctionné par l’INAMI, sa direction, ou pire, le judiciaire.
Le personnel soignant est devenu un pion coincé entre le marteau et l’enclume ! On ne soigne plus, on gère ! Les syndicats sont inquiets, ils ont raison, ils l’ont dit, mais personne n’écoute !
Aujourd’hui, le couperet final est tombé.
Maggie a fait voter son projet de réseaux de soins. Exit la médecine de qualité, exit l’humanité.
Tous des pions (patient, médecin, personnel soignant) à la solde du pouvoir politique et économique.
Il est exact qu’il faut davantage rationaliser certains secteurs pour réaliser un maximum d’économie, c’est ce que le politique nous apprend chaque jour dans un pays qui compte plusieurs ministres de la santé, plusieurs ministres du budget, de l’écologie, un nombre record d’institutions politiques, de cabinets ministériels… Il faut rationaliser ! On vient donc de toucher à l’ultime humanité dont tout le monde a besoin quand la maladie le frappe, vous n’avez plus rien à dire !
C’est un progrès dangereux qui voit le jour et qui va à l’encontre de toutes les bonnes pratiques médicales et de la sécurité. Bien entendu,
le politique expliquera que c’est pour augmenter la qualité et obtenir des performances accrues, on va créer des réseaux.
Mais ça signifie quoi ?
Demain, nous allons prendre l’exemple de Namur où je travaille, il y aura une seule salle d’urgence pour le Namurois, un seul centre de chirurgie cardiaque, un centre d’orthopédie, un autre de radiothérapie…Bref un éparpillement pour rassembler.
Mais rassembler qui ou quoi?
C’est un peu comme si vous demandiez à nos chers ministres de travailler main dans la main, MR, PS, CDH ,sans couleur et sans différence pour la performance…
Ce qu’ils font quotidiennement bien entendu ! Si on rassemble tout le monde dans un mastodonte de dix mille lits, ça pourrait éventuellement se justifier…Mais ce n’est pas le cas, pas les moyens, pas le temps, car c’est pour 2020. Bien entendu, exit la concurrence stimulante, l’humanité, le choix pour le patient.Mais au diable les acteurs, seuls les moyens comptent.
Et en pratique ça donne quoi ?
Monsieur Durant est pris d’une violente douleur dans l’abdomen et le thorax, il est emmené vers la salle unique d’urgence du réseau . Non Monsieur vous n’avez pas le choix! Il faudra quinze minutes au SAMU pour arriver et vingt de plus pour arriver dans une salle d’urgence débordée (cinq ça déborde déjà ! Alors une ! ) . J’espère que ce n’est pas trop grave sinon vous mourrez avant d’arriver (Ce n’est pas grave, ça représentera des économies pour l’INAMI !). Vous arrivez ,par chance, dans l’hôpital où se trouve la chirurgie cardiaque car on pense que c’est un problème de cet ordre. Pas de chance c’est un infarctus intestinal, vite on rappelle le SAMU pour vous transférer là où on a accepté de mettre la chirurgie abdominale, j’espère que vous arriverez à temps. Pour cette fois, c’est bon, vous êtes sauvé ! Mais quelques jours plus tard vous chutez de votre lit, ce n’est pas grave, on va vous transférer dans l’hôpital où l’on pratique la chirurgie orthopédique. Tout se passe heureusement bien, juste un dernier petit transfert pour aller consulter le diabétologue dans l’autre hôpital, là où on a rassemblé la médecine interne. Ce n’est pas grave, vous allez bien !
Vous aurez fait des dizaines de kilomètres en ambulance entre hôpitaux du réseau (qui va payer ces transferts ?) ,
vous n’aurez pas disposé du choix des médecins qui vous soigneront ( sinon il faudra changer de réseau et donc peut-être de province) ,
vous êtes un pion qui va bien et vous aurez rencontré de nombreux pions qui auront essayé de vous soigner .
C’est vrai , il y avait un petit air de France dans la salle d’urgence, tous ces gens sur les brancards qui attendaient leur tour en gémissant depuis des heures . On vous a quand même rassuré , votre fille a pu accoucher dans l’ambulance car elle n’a pas eu le temps d’arriver à la maternité . Votre famille aura vu du pays, pour autant qu’elle soit motorisée, mais si ils ne sont pas venus tous les jours car vous étiez trop loin, vous aviez la télé !
Les réseaux, c’est ça !
Une médecine vide de toute humanité, de toute compétence stimulée par la concurrence, des soignants malades qui traiteront toujours plus mal les vrais malades.
Il faut entrer en résistance contre ce pouvoir politique qui essaye de tout contrôler à son profit en dépit de tout bon sens.
Je veux encore une relation de confiance, humaine et les meilleurs soins pour mon patient, je veux qu’il dispose du droit de me choisir, de demander un autre avis, mais tout cela semble déjà trop tard. Je ferai alors comme beaucoup, autre chose ou ailleurs.
Mais qui soignera demain le patient ? Des malades ? Oui des malades soignés par des malades pour un monde économique et politique sain.
formateur, conseiller insertion sociale et professionnelle chez CEFI
5 ans... où les outils de gestion et les méthodes de management du secteur privé appliqués sans le moindre discernement au secteur non marchand ! Une brillante réussite jamais remise en cause depuis le New Public Management de Margaret Thatcher !!! Le problème étant toujours le même, celui des fondements idéologiques de ces réformes toujours présentées comme rationnelles, efficaces et indispensables.
Consultant formateur Conseiller bilan
5 ansEn France ou En Belgique, les soignants et les soignes sont pris en otage dans des systèmes stressant. Quelle belle approche des soins....un système qui génère le mal qu'il doit soigner...la société a besoin d'une thérapie...
Construisez la Bientraitance. Analysez vos pratiques. Ethique du care.
5 ansC'est la même galère chez nos amis Belges....la petite phrase " il y a un petit air de France dans les urgences"....m'a fait sourire...mais jaune tant nos pays se ressemblent dans leurs difficultés 😒