Histoires de transfo - The Lingo
Entre autres choses un peu curieuses, j’aime jargonner.
A vrai dire, au moment où j’écris cette phrase, je me rends compte que nous sommes sans doute nombreux à aimer jargonner. Jargonner, c’est parler la langue secrète, ou a minima intime d’un groupe d’initiés qui se comprend, qui peut se permettre des raccourcis, des acronymes, des noms de code et communiquer dans une relative opacité vis-à-vis du vulgum pecus.
Il faut dire qu’en ce qui me concerne, ça vient de loin : j’ai grandi bercée des acronymes de la haute fonction publique, que j’ai enfin décryptés avec délices en cours de “stratif” (i.e. “droit administratif”, même pour ça on a des raccourcis, c’est vous dire), et j’ai par la suite fait mes classes pendant 6 ans dans l’administration française, dont une des fonctions secrètes est (mais ne le dites à personne) de produire tellement d’acronymes que personne ne pourra jamais tous les maîtriser (ils ont bien essayé, à l’ENA, ils ont des fiches, des quiz et tout, mais même eux n’y arrivent pas).
En tout état de cause, maîtriser the lingo d’un groupe, c’est faire partie du groupe.
Et quand quelqu’un commence à vous parler sans décrypter chaque acronyme ou chaque raccourci, ça y est, on est du sérail.
L’audit ne fait pas d’écart à cette règle : non contents d’utiliser d’un maximum d’acronymes, on y utilise en outre des anglicismes, des références normatives, des noms de méthodes, des noms d’outils : bref, pour le vulgum pecus c’est la migraine garantie.
Quant à moi, me retrouver confrontée à un nouveau “langage” interne, c’est une source inépuisable de bonheur, de défis aussi, en tous cas j’adore ça. C’est probablement une résurgence de mon passé littéraire (un peu enfoui sous les livres de management ces dernières années), l'ombre d’une étudiante qui n’aimait rien tant qu’entendre les fables de La Fontaine sonner de leur rythme incomparable, ou imaginer Flaubert “gueulant” ses phrases pour s’assurer de leur équilibre.
C’est aussi une source de défis interpersonnels : un nouveau langage, ça veut dire autant d’échanges avec tous ceux qui le parlent, pour peu à peu le décrypter, comprendre ce qu’il désigne et comment l’utiliser. C’est écouter pour comprendre, et peu à peu intégrer le sérail pour mieux contribuer à la mission de tous.
Alors, pour ou contre le jargon ?
Pourquoi des histoires de transfo ?
J’ai eu envie de partager quelques anecdotes, idées et inspirations glanées au cours de plusieurs années au service de la transformation, d’abord au sein du secteur public, maintenant dans le secteur privé. Si elles s’inspirent d’expériences vécues et bien réelles, ces opinions ne sont que le reflet de ma perception ou de mon analyse personnelles et n’engagent ni mes employeurs précédents ni mon employeur actuel.