Idée reçue n°2 :

Idée reçue n°2 :

👀On lit souvent le reproche : « le plastique [untel] n’est recyclable que 5 (ou 7 ou 10 ) fois alors que le verre est recyclable à l’infini ! » : c’est parfaitement accepté comme vrai dans la population, mais…ce n’est pas la réalité !

👉De quoi parle-t-on ?

Les matériaux plastiques au cours de leur vie en produits vieillissent : ils peuvent, par exemple, être soumis aux UV s’ils sont en extérieur (mais aussi la pluie, l’air marin…) ; ils peuvent également réagir avec leur contenu dans le cas d’emballages (bidons de produits chimiques…) , etc.

Ce vieillissement a pour effet de « couper » les chaînes macromoléculaires du/des polymères : c’est la dégradation (non voulu pour le produit sauf quand on veut la biodégradabilité) : on a une diminution de la masse moléculaire donc des caractéristiques mécaniques voulues pour tel ou tel produit.

🔎On recycle des produits : donc constitué de plusieurs types de polymères, de polymères greffés, d’additifs , de colorants, d’étiquettes (autres matériaux)…même si le tri et le lavage est bien fait, il reste donc un matériau qui n’est pas « pur » (ca n’existe pas - le début de la phrase « le PET ne se recycle… » ne va donc pas…)

🔎Le process de recyclage (mécanique) lui-même implique une dégradation thermique ou une hydrolyse par ex ceux qui recycle le PET savent qu’il ne supporte pas l’eau dans le process ! 😊

- il y a des molécules de polymères « coupées » et d’autres molécules (que l’on peut qualifier d’impuretés) : c’est ce qui fait dire que les caractéristiques sont diminuées.

🔎Quand on recycle pour obtenir des MPR, celle-ci sont destinées à un certain débouché : boucle fermée (de la bouteille à la bouteille) ou boucle ouverte pour différentes raisons : alimentarité/normes, médical, manque de matières sur certains marchés…

Pour certains débouchés : fabriquer des cintres par ex , on n’a pas besoin de « réadditiver » les MPR, mais la plupart du temps, on compound à nouveau les MPR pour avoir les caractéristiques matières voulues pour le débouché ciblé et dans la grande majorité on mélange ces MPR avec des matières vierges (à des % plus ou moins élevés).

Donc la plupart du temps le produit « avec du recyclé » a les mêmes caractéristiques mécaniques que le produit vierge.

🔎Et ceci à chaque « tour » de recyclage : la réalité ne correspond pas à une expérience de laboratoire qui consiste à faire (5) fois la dégradation d’un échantillon de PET sans formulation, sans compound, sans mélange avec d’autres déchets….

👉maintenant parlons probabilités en prenant un exemple la bouteille PET de boissons en France :

Selon Citeo, environ 60% des bouteilles sont recyclées et le taux moyen de recyclé est de 25% (mini pour SUP en 2025),même si l’on voit des bouteilles avec des taux plus élevé… :

-tour 1 : bouteille 100% vierge : 60 % de chance d’être recyclée, perte process : 75 % de chance d’être MPR = 45 % de chance d’être dans une bouteille « en recyclé »

- tour2 identique 45% de chance à nouveau donc avec ma bouteille initiale : 0.45*0.45=20.25 % de chance ! et on continue : au tour 3 il y a 9.1% de chance que ma bouteille ait été recyclée 3 fois, 4% pour 4 fois, 0.4% pour 7 fois….

🔎Alors pas possible de plus de 10 fois ? et bien si ! reprenons notre bouteille faite avec x% de recyclé : les industriels utilisent des MPR de plusieurs flux : plusieurs « marques », provenance, process, qualité…(en effet pour maintenir les taux exigés la collecte des déchets post conso en France est insuffisante…d’où incorporation de post indus ou autres provenances)

🔎A l’intérieur de ma bouteille il y a donc une probabilité qu’elle contienne des molécules recyclées 2, 10 ou même 100 fois et plus ! – (plus le nb de fois augmente plus la proba diminue mais elle existe) …

👉Remarque : on ne parle souvent que du PET mais il ne représente que 5% de la production UE, au contraire le Polypropylène (16%) participe à de multiples boucles de recyclage (il est moins sensible que le PET à l’eau 😉) : par ex les cintres sont collectés et « bouclés » un très grand nb de fois (pas de « caractéristiques élevées demandées », encore une fois tout est question de débouchés !)

Ceci est valable pour tous les produits en matériaux plastiques, pour tout type de thermoplastiques (les autres catégories sont un autre sujet plus complexe)

Le nb de fois de recyclage n’est donc pas inhérent aux molécules mais à tout ce qu’il y a autour : matériau multi composants, dégradation extérieure, process…

📣Donc encore une fois la réalité n’est pas conforme à des tests de labo : il faudrait une collecte à 100% (ce n’est pas gagné) + un matériau « pur » (n’existe pas) + un déchet sans étiquette ni indésirable (euh comme c’est un produit…) + un process sans perte (n’existe pas : démarrage, changement de paramètres…), bref les nième fois n’ont pas de sens…

👉Mais alors et le fameux verre « recyclable à l’infini » ?? prenons le verre d’emballage dit sodocalcique (bouteilles, bocaux, contenants…) : c’est un matériau fait à partir de sable, de soude, de chaux et d’additifs (oxydes métalliques, colorants…), comme tous les matériaux il est multi composants avec additifs (idem plastiques).

🔎Le verre est un matériau comme les autres : il vieillit, peut s’altérer (milieux aqueux, vapeur d’eau de l’atmosphère...) et ses substances peuvent migrer : il est soumis aux normes pour l’alimentarité comme les autres…

Le process collecte et recyclage suit les étapes : collecte, tri, élimination des indésirables (métaux, étiquettes…), retri pour la couleur…on obtient une MPR « verre » appelée calcin ménager.

Le calcin est incorporé dans la fabrication de nouveaux contenants en verre : les emballages verre fabriqués en France contiennent en moyenne 63% de calcin (voir site Adelphe )

L’emballage verre en recyclé contient donc du « vierge » + MPR + additifs suivant sa destination en produit.

🔎Les différences avec les plastiques : on trie les emballages verre depuis les années 70 et le taux de recyclage est de 86%, la filière de recyclage est ancienne (celle des plastiques jeune mais elle ne demande qu’à se développer…) et fonctionne très bien et le taux d’incorporation est top ! (Bravo !) ; de plus même si le verre s’altère, sa cinétique est beaucoup plus lente.

Les % sont donc plus élevés mais le principe est le même dans le process de recyclage…il y a des pertes (on ne collecte que 80% des emb ménagers en verre), du mélange avec du verre vierge, des verres qui ne se recyclent pas (on ne sait pas quoi faire du verre des écrans car peu, pas ( ?) de fabrication en France, il y a des verres au Pb…) …

🔎En effet ces % portent sur le verre d’emballage mais tout le calcin (MPR verre) n’est pas remis dans le verre d’emballage : il y a de nombreuses boucles ouvertes car pb de couleurs + le calcin mis dans verre plat ne doit provenir que verre plat (la filière « vitres » est à développer) par ex, etc.. : il peut donc finir en laine de verre (accepte tous types), en remblais…sans compter les échanges commerciaux de calcin…

🔎Le verre est comme les autres matériaux : il a ses avantages, ses inconvénients, son process et ses freins de recyclage…Et on n’oublie pas que le recyclage du verre induit des hautes températures et un apport de sable…

  

♻️Conclusion :

-        « Tel plastique ne se recycle que x fois » : ne pas confondre des molécules « pures » en labo et la réalité du terrain

-        Le verre se recycle mieux que les plastiques ? oui (bravo à la filière) mais le terme « infini » est surestimé, on ajoute du vierge, il y a des freins en réalité, des contraintes comme tous les autres matériaux : j’aurais pu parler du papier/carton ou de l’alu…

-        Quel que soit le matériau il y a une étape incontournable : LE DÉCHET DOIT ALLER DANS LA BONNE POUBELLE !!! sans ça, on ne progressera pas !

Et puis je trouve dommage de monter les filières les unes contre les autres : le but la phrase d’en-tête est majoritairement d’opposer les filières et de dénigrer les plastiques : c’est à la mode et c’est très dommage …

Dans cet article, je parle recyclage mais il y a beaucoup de projets pour diminuer les déchets et c’est génial : lavage et réemploi des bouteilles non cassées (attention à garder la dimension locale…), utilisation de « cup » plastiques réutilisables pour éviter les gobelets jetables….

Mais quand les déchets sont là, construisons des filières qui peuvent les traiter en France : notre mix énergie décarboné est un atout exceptionnel pour faire baisser les émissions GES !!

 

 

Sylvain Gaudard

Responsable Communication

1 mois

Laure GUERRY, toujours aussi pertinent et respectueux d'une réalité plus complexe que les slogans. MERCI 🙏

franck Berteau

Gérant chez FLYT CONSEIL

1 mois

Bravo , démonstration magistrale ! 🤩

Aurélien STOKY

Président @HoliMaker, (Re)façonnons la matière ! Manual Injection Molding

1 mois

Très instructif merci !

Laurent Buzer

Direction des opérations | Direction industrielle | Direction d'usines | Transformations | Amélioration des performances | Stratégie industrielle | Industrie en France

1 mois

Excellent Laure GUERRY , ça valait le coup d’attendre. Vivement la numéro 3

Aude Tourgis

Formatrice en orthographe recommandée par le Projet Voltaire, autoentrepreneuse joyeuse (formations pour adultes, cours particuliers de français pour les enfants et les adultes, animations culturelles)

1 mois

Merci beaucoup, Laure GUERRY, de cet article très instructif, documenté et nuancé. Pour la petite histoire, j'ai voulu, hier, acheter des cups pour éviter l'emploi de gobelets jetables durant ma prochaine formation. Je vous laisse deviner ce qui est le plus souvent proposé ou davantage mis en avant dans les grandes surfaces. Le chemin est encore long pour changer les habitudes.

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