Iferhounene: La française qui a vécu la guerre d’Algérie, en Kabylie(1954-1962). Elle raconte...
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Iferhounene: La française qui a vécu la guerre d’Algérie, en Kabylie(1954-1962). Elle raconte...

Micheline, c’est le nom de cette française que Habeche Ouahcene, un kabyle émigré a ramenée en1955, a son retour au Bled.

Elle est née en 1932 en France à Givry. En 1949 elle épousera cet algérien, originaire d’iferhounène (Haute Kabylie) avec qui elle partagera une vie conjugale quiète et une progéniture composée de deux charmantes filles et un joli bambin, que les villageois kabyles, sans aucune forme de xénophobie, ne se gênaient guère de designer par ces termes : les enfants de la Roumie.

Pour ces montagnards au caractère entier, mais pourtant hospitaliers, être fils d’une Roumie, cela était aussi synonyme de beauté. Une beauté qui se décrit généralement par une peau blanche, des yeux bleus ou verts, des cheveux blonds. Evidemment que le minois y’est pour quelque chose, il devait aussi être impeccable. Quelle chance pour ces européens d’avoir été créés par Dieu dans la forme la plus parfaite ! Osaient souvent proclamer certaines langues effrontées, mettant à mal les qualités qui fondent aussi bien la famille que la societe comme, l’humilité et la sobriété qui doivent en toutes circonstances primer sur le reste. Le penser certes, ne pouvait être interdits, mais de la a l’extérioriser, cela équivaudrait a faire l’éloge de l’exhibitionnisme qui va a l’encontre des fondements de cette societe introvertie.

Dans le cas qui nous concerne, ces enfants de la Roumie qui sont partie intégrante du village, sont devenus un standard de beauté. Et pourtant ! Des «meutes» de gamins, fillettes et garçons, qui aimaient a s’exhiber a l’occasion des fêtes venaient nous rappeler que ces petits kabyles aux joues roses d’hémoglobine, n’avaient rien de moins «Roumie», si l’on devait user de ce standard comme un étalon de mesure de la beauté.

Pour Micheline, européenne, ravissante, cultivée et raffinée, tout allait basculer depuis ce jour fatidique ou elle devait effectuer ce voyage vers l’inconnu qui la débarqua avec armes et bagages sur cette terre inculte ou la faim n’est pas loin. Sur cette terre austère ou les ancêtres de ces hommes et ces femmes s’étaient retranchés sur cette procession de mamelons escarpés qui longent la majestueuse chaîne du Djurdjura pour résister aux multiples invasions venues d’ailleurs.

Les combats contre l’envahisseur ont égrené l’histoire des ces quenquegentiens, depuis la nuit des temps et les vagues successives de soldats romains, vandales, espagnoles, turcs n’ont pas réussi à venir à bout de ces tribus belliqueuses. En effet, les conquistadors se sont de tout temps brisés sur cette montagne de fer, que les romains avaient surnommée depuis, Mons Ferratus ou la Montagne de fer, en raison de la férocité des combats opposés par ces hommes libres et invincibles, les amazighs.

Sur cette terre ou les hommes et les femmes vivaient dans un isolement total, le sacré droit et le sacré gauche règnent en lois absolues.

Pour la française, c’était le début d’une aventure qui va la transporter au cœur même du conflit algero-français. Sa conscience sera mise à rude épreuve sur un terrain de bataille ou la liberté de choisir son camp ni même la neutralité n’ont pas de place.

C’est en 1955, une année après le déclenchement des hostilités que le couple Habeche accompagné, de ses deux filles, dut rejoindre le village d’iferhounène.

Octobre 1956, la 2eme compagnie du 6eme BCA (Bataillon de chasseurs alpins) vint bivouaquer à moins de 100 mètres à proximité, à l’endroit des «garages», réquisitionnant ainsi les locaux commerciaux des citoyens algériens. Elle n’en décampera qu’a la fin de la guerre, laissant derrière elle des milliers de morts que l'histoire n'a pas fini de dévoiler. Les infrastructures qui y existaient, comme le moulin grain de Hadj Ali Ath Limam, sera détruit et la gigantesque roue métallique qu’entrainait un puissant moteur américain de marque Dodge sera lâchée dans la nature d’un champ fortement escarpé, dénommé «amalou » ou l’ubac, pour aller se reposer lourdement sur son flan, en face du village Ait Ali Ouyahia.

Le devoir national, loin de constituer un simple prétexte, clouera Habeche Ouahmed au Bled et mettra Micheline, son épouse devant un fait accompli : la Révolution qui commençait d'embraser tout le pays. De toutes les façons pour la française, il était hors de question d'abandonner son mari et ses deux filles au milieu d'un conflit qui ne dit pas son nom. On s’apercevra vite que le dilemme dans lequel s'est retrouvée piégée cette famille mixte n'a laissé place à aucune échappatoire.

A l'instar de son frère Arezki, tué lors d'un accrochage à Taghzoult dans la région des illiltens en 1957, Habeche militait déjà au sein du FLN. Il s'engagea très tôt dans la résistance. Mais les militaires français, par le biais de son épouse française, le convoquèrent pour lui faire part des mesures prises par l'administration française d’intégrer les hommes du village dans les rangs de l’armée française. On lui annonça à l’ occasion d'un rassemblement général organisé à la Djemaa pour les hommes, qu'ils devaient tous se joindre aux militaires français dans la lutte contre les fellagas.

Concernant le cas de Habeche Ouahmed, le capitaine Favier avait accordé un délai de réflexion de 24 heures avant de se décider. Mais Ouahmed ne l'entendait pas de cette oreille. Pour lui, il était hors de question de servir l’armée coloniale. Il décida de rejoindre le FLN. Les services français vont se lancer à sa recherche. Ils ne cessèrent, à chaque occasion, d’interroger son épouse sur l’absence injustifiée de son mari du village. Aux questions récurrentes que lui posaient les responsables militaires de la 2eme compagnie du 6eme BCA (Bataillon des chasseurs alpins), Micheline se contentait de répondre que son mari était allé au " pays des arabes" pour gagner sa vie, en y trouvant du travail. Le" pays des arabes", ici en Kabylie cela voulait dire les régions de l’Ouest algérien, peuplé en majorité d’arabophones par opposition à l’autre pays, celui des Chaouia qui se situe à l’Est de l’Algérie. Las d’entendre cette réponse agaçante, car les services français étaient bien informés des activités de son époux, ils finirent par exiger de la française de faire pression sur lui pour se rendre et de se mettre au service de l’armée. Ainsi était inventée astucieusement cette formule :

Trouver un subterfuge pour contraindre les habitants du village d’iferhounène à s’engager dans les rangs de l’armée française pour assurer leur tour de garde pour parer aux incursions et autres harcèlements du camp par les « fellaghas.

Micheline, croyant a la sincérité des responsables militaires français, le lien conjugal et filial avec son mari et sa progéniture compliquant la situation, mais en dépit de la propagande savamment instillée par les services français a propos de ces "Fellaghas" égorgeurs et coupeurs de routes, son époux n’eut aucune peine à la convaincre du contraire avec ses arguments imparables et non sans quelque dose d'humour kabyle :

" Chérie ! Tu n’es pas obligée de me suivre dans les maquis. Tu peux te rendre au camp militaire, je t’y accompagnerai si tu veux, et moi je ferai demi tour, une fois que je t'y verrai entrer »

Mais la réplique de Micheline est sans ambiguïté aucune :

« Il n’est pas question de me séparer de toi et de mes enfants »

Les responsables militaires savaient aussi que le frère de Ouahmed, ainsi que son neveu étaient également des activistes notoires. Ils annoncèrent a la française que désormais, étant donné que la famille tout entière est acquise aux idées du FLN et a décidé de s’engager dans la lutte contre la France, qu’ils avaient décidé de les expulser du village. C’est ainsi que la Famille Habeche et Habchi (ces deux noms de famille ne devraient en fait constituer qu’un seul, mais la, c’est l’une des mille et une aberrations de l’administration française qui ne s’attardait nullement sur les procédés utilisés pour le recensement des populations algériennes), étaient déclarées indésirables au village iferhounène par l’armé française.

Micheline et les autres femmes de la famille durent quitter le village précipitamment pour se dispatcher sur les nombreux villages du Douar » Ait Hamou, Tikilsa, Taourirt…

C’est ainsi que Micheline se retrouva a Taourirt après avoir transité par Tikilsa. Elle ne mettra pas beaucoup de temps pour rejoindre Agoussim, ou les habitants de ce village sur ordre de l’organisation politico-militaire du FLN mettront à sa disposition une habitation composée d’une pièce unique et spacieuse, «Akham », qui lui servira de cuisine, de chambre à coucher, de salle de bain etc.… 

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