Il est vraiment temps que ça change
L'Afrique est devenue pour certaines personnes, un terrain sur lequel elles peuvent, sans danger, émettre toutes sortes de théories et préconiser toutes sortes de solutions les unes plus saugrenues que les autres. L'Afrique est devenue une opportunité de notoriété ou même une source de revenus, où ces mêmes personnes lancent toutes sortes de ballons d'essais, tant qu'elles peuvent faire un peu de bruit et attirer sur elles, la lumière. Tout le monde parle de l'Afrique, de ce qui s'y passe, de ce qu'il faudrait y faire et peu importe que les théories qu'on peut déverser dans une tribune ou sur un plateau de télévision, fassent du sens ou pas. Beaucoup de personnes parlent de l'Afrique, mais peu d’entre elles parlent des Africains eux-mêmes. Le plus important c'est d’occuper l’espace.
Dans cet exercice qui ne présente aucun danger, chacun y va de son commerce. Il y a des personnes qui, pour avoir passé une semaine à Lomé et à Marrakech, quatre jours entre Abidjan et Dakar, une nuit en transit à Johannesburg et traversé Nairobi ou Dar Es Salam pour un safari, ont acquis des galons d'experts de l'Afrique. Leur "riche expérience Africaine" leur donne l'autorité pour dénoncer les maux du continent et de leur strapontin, elles préconisent avec force autorité, les remèdes qu'il faut administrer à nos pays. Généralement, elles ne me ressemblent pas physiquement, moi qui suis Africain depuis 60 ans, mais j'ai fini par comprendre que c’est de là justement, qu’elles tirent la légitimité qu’on leur donne. Soit dit en passant, je n'oserais jamais, moi qui aie travaillé aux Pays-Bas, annoncer avec le cran que je reconnais à ces experts, des solutions aux Néerlandais ou aux Belges ou mêmes aux Luxembourgeois. Si je pensais comme eux, la Belgique, la Hollande, le Luxembourg, ce serait du pareil au même ; les solutions pour les uns marcheraient forcément pour les autres. Pourquoi pas ? La suffisance et l'arrogance qu'affichent ces chroniqueurs en mal de reconnaissance, eux-mêmes peu crédibles dans leur propre pays, me dérangent, mais ceci ne me met pas en colère : ils sont dans leur mauvais rôle. Et ils ont une audience qui en redemande.
Non, ce qui m'irrite c'est quand des personnes, Africaines comme moi, depuis 50 ans, 60 ans ou plus, répètent ce qu'un expert Français, Canadien ou Guatémaltèque dit de l'Afrique. Quand ils répètent ce que des analystes totalement déconnectés de nos réalités déclarent impunément. Sans jamais questionner, sans aucune valeur ajoutée.
Avant-hier, j'ai lu l'analyse "éblouissante" d'un des nôtres sur la corrélation entre le vieillissement de la population Chinoise et le modèle de développement que l'Afrique devrait épouser. Cet autre expert expliquait que nous devrions tenir compte de la courbe de vieillissement de la population Chinoise pour penser notre stratégie de croissance. Proprement ahurissant. Ensuite, et pour ne pas changer, une grande part de ses recommandations s'appuyait sur l'aide et l'assistance qu'il faudrait encore solliciter auprès des bailleurs traditionnels avec tout le chapelet des mêmes actions court-termistes qui depuis des décennies, enchaînent l'Afrique, refusant aux Africains une croissance saine qui devrait s'appuyer sur des solutions endogènes. À lire ses préconisations et les termes savants utilisés, il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'un diplômé d'une grande université, formaté pour répéter à l'infini les solutions maintes fois ressassées pour produire les effets que nous connaissons. Sans aucune valeur ajoutée née de la confrontation avec le terrain. Sans aucune vision qui mobilise et qui engage.
Ces solutions sorties d'officines aseptisées, de laboratoires climatisés, ne tiennent pas compte des réalités de nos populations. Elles ne présentent pas nos multiples atouts comme des opportunités sur lesquelles nous pouvons tout de suite bâtir. Mais ces atouts, les connaissent-ils même ? Elles ne disent pas combien l'éducation, la santé et l'innovation qui sont nos priorités, présentent des solutions qui sont à notre portée. Elles ne disent pas clairement que nous devons mettre les responsables au sommet de nos états, face à leurs responsabilités. À ce niveau, nous sommes gravement coupables quand nous sommes incapables de penser par nous-mêmes et pour nous-mêmes. Les Africains ont des aspirations légitimes, comme tous les peuples du monde. Et leurs aspirations légitimes ne sont certainement pas d'être éternellement le puits de réserves naturelles du monde, les ateliers de forcenés pour le confort des autres, les damnés du Sahara et de la Méditerranée, ceux dont les vies ne comptent pas autant que celles des Américains ou des Allemands. Et c'est ahurissant que les plateaux de chroniqueurs spécialistes de l'Afrique, dont des Africains parlent de tout, sauf de ce à quoi aspirent tous les jours, des centaines de millions d'Africains. Les Africains attendent de leurs dirigeants qu'ils comprennent que nos stratégies de développement doivent servir d'abord nos intérêts.
Ces stratégies doivent donner la priorité à des solutions qui révolutionneront nos systèmes éducatifs catastrophés et inopérants, qui bâtiront des systèmes de santé au service de nos populations et qui mettraient enfin les Africaines et les Africains, notamment les jeunes, au cœur de la croissance. Il est grand temps d'arrêter de répéter à l'infini les mêmes chants qui font la gloire de solutions éculées qui travaillent contre nous. Il est plus que temps d'arrêter de ne penser qu'à l'aide qui condamne plus qu'elle ne libère. Il est urgent de s'inscrire enfin dans notre propre course et non de courir la course des autres qui nous demandent d'emprunter des sentiers dont nous avons fini par comprendre, qu'ils avaient été conçus pour nous exploiter et nous perdre.
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Notre histoire est à écrire par nous et pour nous et je pense fortement que le retour à nos valeurs est la voie la plus sûre, la plus durable et certainement la plus constructive pour penser et exécuter enfin notre parcours de développement. Certains paradigmes ont la dent dure, mais alors il faut les briser et cela commence par trois choses simples, mais redoutablement efficaces :
1. Il faut d'abord changer la manière dont nous nous regardons nous-mêmes, Africains. Le regard que nous portons sur nous aujourd'hui, nous condamne et il ne favorise pas la posture responsable qui sied à ceux qui veulent avancer par eux-mêmes, pour eux-mêmes.
2. Il faut ensuite révolutionner la façon dont nous considérons l'Afrique. C'est pour cela qu'il faut bien la connaître. Non pas à travers ce que les média et même l'école nous enseignent, mais en allant à la source même, c'est à dire par l''expérience. C'est ainsi qu'il est possible de la considérer telle qu'elle est vraiment.
3. Il faut enfin adopter que chacun, de sa place, doit faire sa part. Chacun, depuis le plus modeste d'entre nous, jusqu'à nos chefs les plus hauts placés. Chacun doit faire, consciemment sa part.
Nous pensons que le vrai nouveau point de départ pour un développement sur, durable et constructif, passe par le retour à nos valeurs et je me contenterai ici de citer celles qui en nous sont juste endormies et ne demandent qu'à être rallumées : le sens vrai de la solidarité et du partage, la valorisation de l'apprentissage, le travail, le respect de la parole donnée et le respect de l'autre, le sens de l'honneur et l'honnêteté et le sens de la dignité due à tous. L'Afrique possède ses solutions endogènes et authentiques et celles-ci ne viendront certainement pas des laudateurs, capables de changer de camp, dès la première escarmouche.
C'est le moment de penser différemment, d’oser agir différemment et pour beaucoup, c’est le moment de rendre en fin une partie de ce que nous avons reçu.
MAP Administration publique
1 ansHier j’en parlais avec un professeur de ces pseudos connaisseurs de l’Afrique. On tente de soigner une maladie dont on ne sait pas ses origines. Il faut trouver des solutions adaptées aux réalités africaines. Les problèmes qu’on rencontre dans les rues des bas quartier est loin des bureaux huppés de nos décideurs. Ceux-ci dans leur politique de main tendu se perdent face à l’argent.
Author of the PMC People Management Canvas-International Consultant - Lecturer in Strategy Sciences Po Executive MBA
1 ansC'est une chance pour l'Afrique d'avoir des Africains comme Gilles qui peuvent parler en son nom et éveiller les consciences. Respect Gilles.
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1 ansJe suis d'accord avec toi Gilles.je pense aussi qu'il y a des valeurs qui sont universelle.certaines choses qui viennent d'ailleurs peuvent être utilisées pour notre xn--dveloppement-beb.oui pour le développement de l'Afrique mais ne restons fermés.
Directeur général Optimum Media C.I.
1 ansVraiment temps que ça change… 🤛🏾