"Il faut faire attention à ce qu’une réforme d’Action logement n’abîme pas ce qui marche bien"​, comme l’Anru (Nadia Hai)
Nadia Hai, ministre délégué en charge de la Ville. Droits réservés - DR - Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités

"Il faut faire attention à ce qu’une réforme d’Action logement n’abîme pas ce qui marche bien", comme l’Anru (Nadia Hai)

Par Emmanuelle Parra-Ponce et Anaëlle Penche, le 09/10/2020 - Lire la dépêche en ligne

La ministre de la Ville, Nadia Hai, inscrit son action dans la philosophie d’Emmanuel Macron, exposée notamment lors du discours sur les séparatismes du 2 octobre 2020, et fait de "la lutte contre la ghettoïsation" son principal objectif pour les quartiers prioritaires, explique-t-elle à AEF info, jeudi 8 octobre 2020. Ce qui passe, en matière de logement, par "une politique ambitieuse" appuyée par "une réflexion sur l’attribution des logements HLM" et sur "le respect de la loi SRU". Louant l’efficacité d’Action logement dans le financement de la rénovation urbaine et sans présager des discussions encore en cours, elle prévient déjà : "il faut faire attention à ce que la réforme n’abîme pas ce qui marche bien", dont l’Anru. L’agence pourra, par ailleurs, se voir allouer des "moyens supplémentaires" à "long terme", comme l’a indiqué le président de la République précédemment.

AEF info : Depuis le dernier remaniement gouvernemental, les ministères du Logement et de la Ville sont disjoints, ce que déplorent certains élus. Que leur répondez-vous ?

Nadia Hai : Cette disjonction n’est pas nouvelle et je veux rassurer tout le monde : l’articulation entre ces deux ministères se fait très bien. J’ai de très bons rapports avec Emmanuelle Wargon, avec qui j’exerce la cotutelle sur l’Anru.

Au contraire, je pense que c’est un signal fort que la politique de la ville bénéficie d’un ministère dédié : cela montre l’intérêt de ce gouvernement pour ce sujet. Le travail interministériel n’est pas empêché : sur les sujets d’emploi, j’échange avec Élisabeth Borne ; sur les sujets éducation, avec Jean-Michel Blanquer.

AEF info : Dans son discours sur le séparatisme du 2 octobre 2020 (lire sur AEF info), Emmanuel Macron annonce vouloir lancer une "réforme profonde de notre organisation en matière de logement, en particulier de logement social", dans un projet de loi qui "visera à renforcer la laïcité, à consolider les principes républicains". Qu’entend-il par là ?

Nadia Hai : Notre principal objectif, c’est la lutte contre la ghettoïsation. Et, en matière de logement, nous devons avoir une politique ambitieuse. Cela passe par une réflexion sur l’attribution des logements HLM en lien avec la mixité sociale, que nous souhaitons renforcer dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, ainsi que par le développement d’une offre de logement diversifiée dans le cadre de la rénovation urbaine.

Enfin, cela passe aussi par le respect de la loi SRU. C’est quand même extraordinaire qu’un maire ne respecte pas la loi et le quota de production HLM imposé à sa commune et préfère payer l’amende ! Ce sont les mêmes qui vont ensuite se plaindre des problèmes de sécurité dans les communes voisines… Sur ce sujet, il faut renvoyer chacun à ses responsabilités. Je suis déterminée à agir avec Emmanuelle Wargon. Mais nous ne pourrons rien faire sans concertation avec les élus et les acteurs locaux.

AEF info : Une telle réforme du logement a-t-elle sa place dans un projet de loi sur les séparatismes ?

Nadia Hai : Ce projet de loi n’est pas une fin en soi. Il pourrait y avoir d’autres véhicules législatifs. Le discours du président portait sur la "République en actes", un thème qu’il a abordé à travers l’aspect sécuritaire et la lutte contre tout ce qui fait le séparatisme mais aussi à travers la question de l’égalité des chances et de l’émancipation partout et pour tous. Des millions de citoyens vivant dans les QPV sont en détresse et attendent que nous leur donnions les mêmes chances de réussite qu’aux autres. Pour y parvenir, il y a des actions que nous pouvons mettre en place très rapidement et d’autres qui nécessitent un travail sur le temps long, comme la rénovation urbaine par exemple.

AEF info : Le chef de l’État avait déjà développé ces thèmes lors de son discours à Roubaix en novembre 2017 (lire sur AEF info) et durant son discours sur la politique de la ville à l’Élysée en mai 2018, après la remise du rapport de Jean-Louis Borloo (lire sur AEF info). Rien n’a donc changé depuis ?

Nadia Hai : Nous ne pouvons pas répondre rapidement à une problématique aussi complexe après quarante ans d’une politique de la ville inefficace. Je dis inefficace car si elle avait été efficace, nous n’en serions pas là ! Concernant le rapport de Jean-Louis Borloo, comme l’a expliqué le président de la République vendredi 2 octobre, les trois quarts de ses propositions ont été mises en œuvre : le doublement de l’enveloppe consacrée au NPNRU, c’est fait ; les places supplémentaires en crèches, c’est fait ; les cités éducatives, c’est fait aussi.

Mais cela ne suffira pas : il faut aller plus loin que les propositions de Jean-Louis Borloo, qui, pour certaines, ne sont pas précises dans le rapport. Il faut entamer un travail dans le détail et territoire par territoire, aller vers plus de différenciation, de décentralisation et de déconcentration des décisions. C’est ce que nous permettra la loi 3D que prépare Jacqueline Gourault.

AEF info : Certains acteurs se plaignent qu’il n’y ait pas de budget fléché dans le plan de relance gouvernemental pour les QPV…

Nadia Hai : J’ai eu cette discussion avec des élus de terrain et je leur ai répondu : "Pourquoi se contenter d’une enveloppe quand on peut prétendre à l’ensemble du plan de relance ?" Tous les axes de France relance peuvent en effet concerner les QPV. Ce sont les projets présentés par les collectivités qui détermineront les financements attribués après une contractualisation avec l’État. Des moyens et des dispositifs, il y en a. Il faut arriver à les actionner et à les rendre accessibles, mission dont sont notamment chargés les préfets de la relance. Les projets réalisés dans ce cadre seront labellisés "France relance" de manière physique, pour que les citoyens voient comment ce plan se traduit concrètement. C’est une manière de lutter contre le sentiment d’abandon de la part de l’État que peuvent ressentir certains habitants de QPV.

Nous mettons, par ailleurs, au ministère de la Ville, un focus particulier sur l’emploi car l’émancipation passe d’abord par là. Du travail, il y en a, mais encore faut-il faire se rencontrer l’offre et la demande en la matière. Les foncières commerciales prévues par le plan de relance, par exemple, sont un levier à actionner dans ce but dans les QPV.

Enfin, le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une augmentation de 10 % des crédits alloués à la politique de la ville, qui atteignent 515 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement (lire sur AEF info). C’est là aussi un signal fort ! Les seuls autres budgets en augmentation cette année concernent les ministères régaliens ou celui de la Santé. Emmanuel Macron a également évoqué, dans son discours sur les séparatismes, des moyens supplémentaires pour l’Anru mais c’est là une question de long terme.

AEF info : Justement, la réforme d’Action logement demandée par l’exécutif ne risque-t-elle pas de freiner la rénovation urbaine et l’Anru ?

Nadia Hai : Action logement doit se réformer, ce que ne nie pas, d’ailleurs, l’organisme paritaire. Cette réforme doit être ambitieuse pour être efficace. Les circuits financiers doivent, par exemple, être plus fluides, tout comme certains dispositifs que porte le groupe. Une grosse réflexion doit ainsi être menée et Action logement doit prendre sa part en faisant des propositions. Mais il faut faire attention à ce que cette réforme n’abîme pas ce qui marche bien. Action logement est en effet un outil efficace s’agissant du financement de l’Anru ; la garantie Visale fonctionne également ; Action cœur de ville marche plutôt bien même si Action logement peut encore monter en puissance sur ce sujet…

AEF info : La situation sociale, dans les QPV mais pas seulement, se dégrade encore depuis le début de la crise sanitaire avec, par exemple, une augmentation des demandes de RSA, du nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté… Comment entendez-vous répondre à cette précarisation ?

Nadia Hai : Pour faire sortir les gens de la pauvreté, nous agissons sur différents leviers mais d’abord sur l’emploi. Le plan de relance, à travers les baisses d’impôt de production et les aides à l’industrie notamment, doit permettre de développer la compétitivité des entreprises et les outils de production et rendre le territoire national plus attractif grâce notamment à l’innovation.

Sur le volet social, en plus des mesures prises en urgence (comme les aides exceptionnelles aux familles et aux jeunes ainsi que l’hébergement des personnes sans domicile durant le confinement), nous avons augmenté l’allocation de rentrée scolaire et l’aide alimentaire. Et bien avant, déjà, les minima sociaux. Emmanuelle Wargon prend également la question des loyers impayés à bras-le-corps.

AEF info : Avec le confinement, les habitants de zones denses et de QPV ont exprimé certains besoins concernant leurs logements (plus de place, plus d’accès à la végétation, à l’extérieur…). Comment le NPNRU peut-il répondre à ces besoins ?

Nadia Hai : La question du verdissement du NPNRU est essentielle et l’Anru va monter en puissance sur ce sujet. En ce qui concerne les logements trop petits ou n’offrant pas d’accès sur l’extérieur, nous pouvons, à moyen terme, travailler sur les attributions de logements sociaux pour coller aux réalités familiales et encourager la création de balcons, d’espaces verts ou de jeux… Dans le cadre du plan de relance, le ministère de l’Agriculture doit abonder l’appel à projets Quartiers fertiles de l’Anru de 10 millions d’euros (lire sur AEF info) et nous prévoyons également un budget de 20 millions d’euros pour financer la création de jardins partagés dans les QPV.

Nous souhaitons aussi développer, à travers le programme Quartiers café, également porté par la Fondation Coca-Cola et le Groupe SOS, les tiers-lieux, qui sont autant de lieux de rencontres dans les quartiers. Je crois beaucoup en la mobilisation du secteur privé pour les QPV. Cela n’est pas un gros mot et la politique de la ville ne se résume pas à de l’action sociale. Au contraire, il faut penser développement économique et mobiliser tous les capitaux disponibles.

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La rédaction AEF info Habitat Urbanisme

Yannick OLIVIER

Directeur de l'Aménagement Urbain

4 ans

Doit prendre cela comme une menace?

Propos ambigus qui laisseraient penser que la ministre sous-entend que si l'ANRU fonctionne bien, il n'en serait pas de même d'Action Logement ???

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